L’Usine Nouvelle - Quel regard portez-vous sur la place du gaz en cette période de crise pétrolière ?
Jérôme Ferrier - En 2015, la consommation de gaz en France a augmenté de 8 %, ce qui n’était pas anticipé, vu les perspectives économiques peu encourageantes. La France, qui n’est pas un grand consommateur de gaz, a vu une très belle croissance de la consommation dans les secteurs résidentiel et industriel. La croissance industrielle provient, entre autres, de la génération électrique. C’est un signal fort. Il marque le redémarrage de certaines centrales à gaz qui n’étaient plus appelées ou qui avaient été mises sous cocon.
Dans le même temps, nous constatons que les prix du gaz sur la scène internationale ont beaucoup baissé. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les producteurs, mais c’est une bonne nouvelle pour les consommateurs. Plusieurs grands projets de production entrent en service en 2016, en particulier en Australie. Cette année, 40 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) vont arriver sur les marchés. Ces volumes sont déjà achetés, en grande partie par la
Chine. Mais les Chinois ne pourront pas en absorber l’intégralité. Une partie sera remise sur le marché. Elle prendra vraisemblablement la direction de l’Europe où les terminaux ne sont pas remplis. C’est une bonne nouvelle car nous allons disposer de quantités de GNL à un prix très abordable.
Combien de temps va durer cette situation avec des prix bas ?
Pour répondre à cette question, il faudra être attentif lors du congrès de l’Union Internationale du Gaz en avril à Perth (Australie), où s’exprimeront tous les grands patrons du secteur. Ce qui est sûr, c’est que les prix ne peuvent pas rester à ce niveau. Nous touchons un point où les investissements sont stoppés et où les coûts d'exploitation ne sont même plus couverts. La machine va se bloquer et, assez rapidement, la demande va l’emporter sur l’offre. Car nous avons le sentiment que la demande de gaz va continuer à croître, même s’il existe des incertitudes sur la croissance chinoise.
Lors de la COP21, le gaz a été peu présent. Que retenez-vous de cet événement ?
Nous savions que ce serait difficile d’y parler d’énergies fossiles. Or, malgré ses vertus – faibles émissions de CO2, pas de particules… –, le gaz demeure une énergie fossile. J’ai suivi avec attention les accords intermédiaires et l’accord définitif ; les énergies n’y étaient pas traitées. Nous sommes restés sur des déclarations de principe… Quant aux énergies fossiles, elles n’étaient pas évoquées sauf dans l’une des clauses qui appelle à faire des efforts ce qui concerne les émissions des transports maritime et aérien. J’y ai vu une opportunité de rappeler que le GNL est un formidable vecteur pour répondre aux contraintes imposées au secteur maritime en matière d’émissions d’oxyde de soufre. Dans le domaine aérien, nous n’en sommes qu’au début des propulsions gaz. Mais il y a déjà eu des prototypes. En 1989, lors d’un congrès à Nice, les Russes ont posé un Tupolev avec
Gazprom à propulsion GNL.
La position de l’AFG sur ce sujet est simple. Ce n’est pas notre combat. Il est inutile d’agiter un chiffon rouge. Comme l’a dit Patrick Pouyanné (Ndlr : le PDG de Total),
"je ne vais pas aller à un endroit où on ne veut pas de moi". C’est plein de bon sens. Le combat de l’AFG, c’est le biogaz et le gaz pour la mobilité. Là, il y a des combats glorieux à mener qui peuvent faire consensus. En ce qui concerne le gaz de schiste, le CHNC (Centre des hydrocarbures non conventionnels) fait très bien son travail d’information à travers son comité scientifique.
Propos recueillis par Ludovic Dupin