L'urgence climatique impose de repenser la finance, selon Mirova

par Patrick Vignal
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L'urgence climatique impose de repenser la finance, selon Mirova
L'investissement responsable gagne du terrain, ce qui ne doit pas masquer la nécessité de repenser la finance et l'économie dans leur ensemble afin de répondre aux enjeux écologiques, dit-on chez la société de gestion Mirova. /Photo d'archives/REUTERS/Toru Hanai

PARIS (Reuters) - L'investissement responsable gagne du terrain, ce qui ne doit pas masquer la nécessité de repenser la finance et l'économie dans leur ensemble afin de répondre aux enjeux écologiques, dit-on chez Mirova.

Le sujet est d'actualité avec la tenue cette semaine de la conférence annuelle des PRI (Principles for responsable investment), un programme soutenu par les Nations unies destiné à promouvoir l'investissement responsable, à laquelle participent les principaux acteurs du secteur de la gestion d'actifs.

"Le thème de la conférence cette année est la finance durable dans un contexte d'urgence climatique", explique à Reuters Philippe Zaouati, directeur général de Mirova, société de gestion spécialisée dans l'investissement durable, filiale du groupe BPCE.

"C'est la 11e conférence des PRI et l'enjeu est toujours le même, c'est la transformation de façon profonde du système pour permettre de financer la transition écologique."

L'intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans la gestion d'actifs progresse à grands pas, favorisée notamment par l'évolution de la réglementation et par un intérêt croissant de la part des investisseurs.

"Il y a une prise de conscience au niveau de l'opinion publique, la demande des investisseurs est très forte et les épargnants sont de plus en plus intéressés par des produits financiers verts", reconnaît Philippe Zaouati.

Ces évolutions vont dans le bon sens, de même que l'implication grandissante des responsables politiques et des régulateurs financiers, en particulier au sein de l'Union européenne, se félicite-t-il.

"CRÉER LE CAPITALISME DU XXIE SIÈCLE"

"Ce qui me frappe, c'est que les discours sont de plus en plus forts, ce qui en soi est une bonne nouvelle, mais plus les discours sont forts, plus on voit la différence avec la situation réelle, avec les actes", ajoute-t-il toutefois.

"Avant, on parlait de modifier le système financier, d'investir dans le vert, d'intégrer les enjeux environnementaux et sociaux dans les processus d'investissement. C'était le discours des PRI depuis 10 ans. Aujourd'hui, le discours, c'est qu'il faut changer de système et créer le capitalisme du XXIe siècle."

Il faut notamment revoir, selon lui, la façon dont les entreprises fonctionnent, avec l'omniprésence de la valeur actionnariale, et favoriser un transfert massif de l'allocation d'actifs vers la sphère de l'économie durable.

"Comment fait-on pour s'attaquer au coeur du système ? C'est la question qui se pose aujourd'hui", dit-il. "Il faut faire bouger les allocations d'actifs et on n'y est pas encore. Le court-termisme des marchés est un obstacle mais même chez ceux qui réfléchissent à long terme - je pense notamment aux fonds de pension - il y a cette tentation de copier le marché, avec la problématique de la gestion indicielle.

"Tant qu'on aura les trois quarts des investissements sur la planète qui ne feront que copier le marché tel qu'il est, on ne pourra pas imaginer une réallocation d'actifs significative. Tant que les marchés répliqueront la photographie du monde actuel qui nous amène à +4 ou +5 degrés, on ne sera pas dans la bonne direction."

Philippe Zaouati préconise donc d'exclure des portefeuilles les acteurs les moins vertueux mais aussi d'agir de l'intérieur pour faire évoluer les comportements.

"Il ne faut pas abandonner l'exclusion, qui est un message de marché extrêmement important, mais il faut aussi utiliser l'engagement actionnarial, c'est-à-dire investir dans une entreprise et agir en tant qu'actionnaire pour la faire changer", dit-il.

LE "GREENWASHING" EXISTE ENCORE

Il invite également à se méfier du "greenwashing", autrement dit la pratique consistant pour les entreprises à s'apposer à bon compte un label vertueux.

"Si vous prenez une initiative qui est très importante pour le climat, que cette initiative représente 1% de vos actifs et que vous passez 99% de votre temps à en parler, vous faites du greenwashing", dit-il avant de citer l'exemple de compagnies pétrolières qui investissent encore massivement dans les énergies fossiles.

"Vous pouvez ainsi faire croire que les choses bougent en profondeur alors qu'en réalité, elles ne bougent que de façon marginale."

Si tout le monde s'accorde à dire que l'investissement durable garantit une protection contre le risque et la volatilité, certains investisseurs doutent encore de l'intérêt qu'il représente en termes de performance pure.

"La question de la rentabilité ne peut plus être posée parce qu'elle n'a aucun sens si l'on va vers un monde qui s'écroule", leur répond Philippe Zaouati. "Et je demande à ce qu'on m'apporte la preuve que faire de l'investissement responsable aujourd'hui, c'est moins performant. Personnellement, j'ai même des preuves du contraire."

Certaines études lui donnent raison. Et les mentalités des décideurs évoluent, comme vient de le montrer la future présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, en suggérant que l'institut d'émission se tourne à l'avenir vers des actifs verts si elle relance son programme d'assouplissement quantitatif (QE).

Philippe Zaouati le note avec satisfaction mais déplore que la révolution qu'il appelle de ses voeux n'en soit qu'à ses balbutiements.

"La finance est encore basée sur le mythe de l'homo economicus, qui fait toujours les bons choix de manière rationnelle et sur une économie dont le moteur principal est la croissance linéaire", dit-il.

"Il est indispensable de repenser ce modèle de façon fondamentale, pas seulement sur la partie finance mais aussi pour l'économie dans son ensemble, pour évoluer vers un modèle plus circulaire."

(Edité par Marc Angrand)

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