"L’ouverture du ferroviaire à la concurrence sera repoussée en 2022", affirme Dominique Riquet

Dominique Riquet, député européen et vice-président de la commission Transports à Strasbourg, répond aux questions de L’Usine Nouvelle à la veille de l’examen du quatrième paquet ferroviaire par le Parlement européen qui remet en cause la gouvernance en France et en Allemagne.

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L'Usine Nouvelle - Mardi 17 décembre, le 4e paquet ferroviaire doit passer en première lecture au parlement de Strasbourg. Comment sera-t-il accueilli ?

Dominique Riquet - Je n’ai jamais vu une telle agressivité auprès des élus dans le lobbying. Les Allemands ont pratiqué le harcèlement pour empêcher le vote d’avoir lieu sur le volet gouvernance. Rappelons que, lorsque le texte de la Commission proposant la séparation entre les infrastructures et les opérateurs, est arrivé au Parlement, Angela Merkel [chancelière allemande] a immédiatement fait pression sur José-Manuel Barroso [le président de la Commission] pour le faire retirer. Je ne suis pas sûr que l’on vote et encore moins que l’on gagne. Même en cas d'adoption par le Parlement européen, les Allemands peuvent encore tenter de bloquer le texte au Conseil.

Pourquoi ce texte est-il si contesté ?

Ce quatrième paquet a été divisé en deux lots. Le premier est technique et tout le monde est d’accord pour le voter. Il s’agit de faire rouler tous les trains sur tous les réseaux grâce à l’interopérabilité et avec le même degré de sécurité. Le second volet est plus incertain. Il concerne la gouvernance. La France, qui était d’accord il y a trois ans, s’est maintenant rangée du côté des Allemands. C’est un texte très compliqué qui permet aux Allemands et aux Français de maintenir une holding, tout en garantissant des séparations avec des conditions draconiennes, comme l’interdiction des flux financiers et des échanges d’informations entre les deux entités. En fait, c’est pire que d’avoir deux sociétés séparées.

L’ouverture à la concurrence est aussi au programme. Où en est-on ?

L’ouverture du marché, qui fait partie du deuxième volet, ne rencontre pas réellement d’opposition. Elle prévoit un "openmarket" et des appels d’offres quand il y a obligation de service public. La mise en application sera repoussée à 2022.

Les régions qui veulent passer des appel d’offres avant 2022 le pourront-elles ?

Le temps que ce règlement soit promulgué, il sera sans doute possible de commencer dès 2017. De même, les Autorités organisatrices des transports (AOT), les régions pour les TER, auront la capacité de terminer les contrats engagés avant 2022 en 2029.

En France, le gouvernement souhaite faire passer la réforme ferroviaire avant le vote définitif du 4e paquet pour être euro-compatible. Que pensez-vous de cette réforme ?

L’organisation actuelle du ferroviaire avec la SNCF et RFF n’est pas vraiment compatible avec le quatrième paquet. La réforme proposée est une réforme d’organisation, de regroupement, mais pas de changement du marché. Si elle commence très bien avec la création du Gestionnaire d’infrastructures ferroviaires unifié (GIU), la difficulté est ensuite de savoir comment on organise le lien avec l’opérateur. Le degré de porosité entre le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur au sein de la holding ne pourra être défini que dans le respect des nouvelles dispositions du quatrième paquet.

Quand cette réforme sera-t-elle votée ?

L’inquiétude de Guillaume Pepy, le président de la SNCF, et de Jacques Rapoport, le président de RFF, est que le gouvernement ne présente pas ce projet de loi au Parlement. Il a déjà été retardé deux fois et devrait venir en première lecture entre les élections municipales et les européennes.

Est-ce que cette réforme va régler le problème de la dette ?

La dette culmine aujourd’hui à 40 milliards d’euros. On paye chaque année plus de 1 milliard d’euros d’intérêts. Les Allemands gagnent autant d’argent qu’on en perd chaque année. A la fin de la nuit, est-ce que le loup allemand va racheter la chèvre française ? La stratégie de la Deutsche Bahn est de mettre un pied sur le marché français, puis sur l’opérateur français. Ils risquent rapidement de dominer le marché européen.

Quelle est la solution ?

On est au bord du précipice. Le fret augmente dans la plupart des pays. En France, on réduit les capacités au prétexte de la désindustrialisation. Or certains industriels disent qu’ils ne peuvent pas continuer à travailler en France sans infrastructures.

Justement, comment financer la modernisation des infrastructures ?

L’Etat doit reprendre la dette de RFF. Il a reculé sur l’écotaxe. Si on continue, on aura un niveau d’infrastructures digne d’un pays sous-développé. Si l’Etat n’a pas 1 milliard d’euros à mettre sur 5 ans pour construire le canal Seine-Nord, c’est la fin de la puissance publique. A côté de cela, on est prêt à faire le Lyon-Turin, le projet le plus cher.

Propos recueillis par Olivier Cognasse

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