"L’interdiction du diesel est une belle opportunité pour l’industrie automobile !", selon Jean-Vincent Placé
Actualisation : Le débat sur le diesel refait surface. C’est la Cour des comptes qui a ouvert la brèche en proposant la fin à la taxation avantageuse du diesel en France, qui coûte chaque année 6,9 milliards d'euros à l'Etat. La proposition a créé la confusion et la cacophonie gouvernementale, entre la ministre de l'écologie Delphine Batho et le ministre du redressement productif Arnaud Montebourg, inquiet des conséquences pour les constructeurs français, qui ont misé beaucoup sur le diesel. "Attaquer le diesel, c'est attaquer le made in France", assure le ministre, qui réfléchit lui aussi à une "prime à la conversion", plus ciblée qu'une prime à la casse, et refuse que la surtaxe du diesel ne serve à renflouer les caisses de l'Etat. En septembre dernier, le député vert Jean-Vincent Placé expliquait à l’Usine nouvelle pourquoi il faut interdire le diesel dans les grandes agglomérations.
Mis à jour
05 mars 2013
L'Usine Nouvelle - Pourquoi voulez-vous interdire le diesel dans les grandes villes ?
Jean-Vincent Placé - Le diesel représente un véritable danger non seulement pour l’environnement, mais également pour la santé. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avance le chiffre de 42 000 décès par an en France liés aux seules particules fines. La surexposition au diesel dans les grandes villes provoque une augmentation de crises d'asthme, de rhinites ou de maladies bronchiques, notamment pour les plus fragiles : les enfants, les personnes âgées, les malades. Les plus pénalisés sont les cyclistes ou les piétons, et en tant qu’écologiste, je ne peux pas le tolérer.
Y a-t-il déjà eu ce type d’interdiction dans des grandes villes dans le monde ?
Au Japon, le diesel est interdit. Toute possession de véhicule diesel - même utilitaire - est interdite dans l'agglomération de Tokyo. Au Danemark, en Suisse, il est quasiment inexistant car fortement taxé, tandis qu’aux États-Unis, le gazole y est plus cher que l'essence. La France est une exception avec l’un des parcs automobiles le plus "diésélisé" au monde avec 64 % des véhicules utilitaires et des voitures particulières en 2011. Les industries automobiles devraient d’ailleurs y voir une belle opportunité : la conversion automobile favorisera certainement les exportations puisque le "tout diesel" est une exception française.
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Pourquoi dans trois ans ? Est-ce suffisant pour engager des changements dans le parc auto ?
Je crois qu’un délai de 3 ans est réaliste. Il faut être pragmatique et laisser le temps aux utilisateurs, comme aux industriels, d’adapter leurs comportements. Une politique de soutien peut être envisagée pour aider et inciter les particuliers et les professionnels à remplacer leur véhicule diesel.
L’industrie doit se reconvertir vers les secteurs d’avenir. Pour les trajets incompressibles, la voiture est nécessaire. Elle doit répondre aux besoins des utilisateurs tout en respectant l’environnement : la construction de véhicules sobres, de petite taille, à vitesse limitée permettrait de réduire les embouteillages et les problèmes de stationnement. De nombreux pays sont déjà engagés dans cette voie, notamment en Asie.
Les transports collectifs et les modes de mobilités douces comme le vélo doivent également être largement développés pour véritablement permettre un report modal. Créer de nouveaux trams, des lignes TER supplémentaires, aménager des pistes cyclables ne se fait pas en un jour. Pour avoir été Vice-Président à la Région Ile-de-France en charge des transports et de la mobilité je sais combien prendre en compte le "temps long" est nécessaire pour mener une politique de conversion écologique des transports. Pour autant, il faut fixer un cap dès maintenant car on ne peut pas attendre plus longtemps pour agir en faveur de la santé publique.
Faut-il mettre en place des mesures d’accompagnement pour "dé-dieliser" le parc auto français ?
On peut envisager une prime pour la conversion de son automobile diesel vers un mode de déplacement plus écolo, ou un système de bonus-malus. Un accompagnement social en faveur des utilisateurs les plus vulnérables, pour accompagner la transition est indispensable comme par exemple la gratuité des transports collectifs pour ceux qui abandonnent un vieux véhicule. Un effort pédagogique en direction des consommateurs est également nécessaire : le diesel n’est pas bon, il n’est ni écologique ni propre !
L’application de l’interdiction du diesel ne se fera pas contre les utilisateurs mais bien avec eux. Il faut adapter les modalités de mise en œuvre en fonction des contraintes des différents types d’utilisateurs : les artisans, les taxis, les poids-lourds, les particuliers, les professionnels…
Une piste intéressante a été évoquée à la Conférence environnementale : les Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air (ZAPA) dans les communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants dont la qualité de l'air s'avère mauvaise. En Europe, déjà neuf pays dont la Suède, l’Italie, l’Allemagne ont déployé les "Low Emission Zone", des zones dont l’accès est interdit aux véhicules ne répondant pas à certains critères sur leurs émissions polluantes.
Par ailleurs, il est urgent de supprimer les niches fiscales anti-écolos, notamment celle qui subventionne le diesel. Un litre de gazole utilisé comme carburant dans les transports est taxé 30 % de moins que l’essence. Il est aberrant que le contribuable paie pour se faire empoisonner ! La fiscalité avantageuse sur le diesel, et les carburants en général, empêche en partie l’industrie automobile et ferroviaire de se réorienter vers des pôles innovants.
Avez-vous suffisamment de relais politiques pour faire avancer ce dossier, ou alors est-ce que cela passe par l’échelon européen ?
L’union Européenne, est comme souvent en matière environnementale, en avance sur la France. Il faut savoir qu’en 2011, la Commission européenne a assigné la France devant la Cour de justice pour manquement aux règles de l'UE en matière de qualité de l'air. La norme européenne Euro6, applicable à compter du 1er septembre 2014, va renchérir le coût de fabrication des moteurs diesel, incitant les constructeurs à réinvestir dans les mécaniques "essence". Tous les véhicules équipés d’un moteur diesel auront l’obligation de réduire leurs émissions d’oxydes d’azote de manière importante à compter de l’entrée en vigueur de la norme. En France, la loi Grenelle II fixe un objectif de réduction de 30 % des particules fines dans l’air d’ici 2015.
Malgré la prise de conscience européenne et les réglementations, la qualité de l’air en France, loin de s’améliorer, a même eu tendance à s’aggraver. Nous avons tout à gagner à anticiper l’application de nouvelles normes européennes et à mieux prendre en compte la santé environnementale dans notre pays, je suis certain que le Gouvernement y sera très sensible.
Propos recueillis par Patrick Déniel
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