L’information quant aux effets indésirables d’un médicament n’est pas nécessairement exonératoire compte tenu de la gravité des effets indésirables survenus
Le régime de la responsabilité des produits défectueux tient pour responsables les industriels dont les produits ne confèrent pas la « sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre » (article 1245-3 du Code civil). Par conséquent, il est établi en jurisprudence[1] que l’absence ou l’insuffisance d’information quant aux effets indésirables d’un médicament peut constituer un défaut de sécurité – ce que la doctrine appelle parfois un « défaut extrinsèque » du produit.
Fallait-il pour autant en conclure que la parfaite information du patient concernant les effets indésirables potentiels d’un médicament était de nature à exonérer les laboratoires de leur responsabilité ?
VOS INDICES
source
202 -4.72
Janvier 2023
PVC
Base 100 en décembre 2014
172.7 -2.15
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
97.9 +0.51
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
Se fondant sur des jurisprudences anciennes (Cass. civ. 1re, 5 avril 2005, n°02-11.947), certains auteurs ont défendu une approche extensive de la notion de défaut en soutenant que la mention dans la notice du produit d’effets indésirables graves ne devrait pas suffire à évincer le défaut, notamment lorsque ces risques étaient excessifs eu égard aux bénéfices procurés par le produit (Patrice Jourdain, RTD civ. 2009, p. 735).
La Cour de cassation est venue clarifier cette question dans un arrêt récent dont il ressort que l’information quant aux effets indésirables d’un médicament n’exonère pas de facto le producteur de sa responsabilité compte tenu de la gravité des risques encourus et de leur fréquence (Cass. civ. 1re, 26 sept. 2018, n°17-21.271.)
Dans cette affaire, la victime, une jeune femme de 25 ans, était décédée des suites d’une embolie pulmonaire attribuée par expertise médicale à un contraceptif oral.
La Cour d’appel avait mis hors de cause le producteur du médicament, estimant que le contraceptif ne pouvait « être considéré comme défectueux, dès lors que la notice l'accompagnant comport[ait] une mise en garde contre le risque thromboembolique et l'évolution possible vers une embolie pulmonaire ».
La Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif qu’en se « déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si nonobstant les mentions figurant dans la notice, la gravité du risque thromboembolique encouru et la fréquence de sa réalisation excédaient les bénéfices attendus du contraceptif en cause et si, par suite, les effets nocifs constatés n'étaient pas de nature à caractériser un défaut du produit au sens de l'article 1245-3 du code civil ».
La portée de cet arrêt, qui pourrait à première vue inquiéter l’industrie du médicament, doit cependant être relativisée. En effet, dans la lignée d’un courant jurisprudentiel important, la Cour de cassation invite les juges du fond à procéder à un bilan bénéfice / risque afin d’apprécier la défectuosité du médicament (« sans rechercher, si… la gravité du risque… et la fréquence de sa réalisation excédaient les bénéfices attendus »).
Or, le test du bilan bénéfice / risque est précisément celui sous le crible duquel doivent passer les médicaments afin d’obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) (article L. 5121-9 du Code de la santé publique). La doctrine observe que les demandeurs devraient par conséquent rapporter une preuve difficile, impliquant de démontrer que l’autorisation de mise sur le marché aurait été accordée sur la base d’informations incomplètes ou erronées (Jean-Sebastien Borghetti, JCP G, n°51, 17 déc. 2018, p.2297). Il reste qu’un résultat positif à ce test n’exclut sans doute pas de manière absolue la défectuosité du médicament. Sur ce point, la question de l’articulation de la décision commentée avec de précédentes jurisprudences qui avaient reproché à des Cours d’appel de se déterminer par des « considérations générales sur le rapport bénéfice/risque »[2] reste en suspens (voir. Jean-Sebastien Borghetti, ibid).
Il appartiendra à la jurisprudence de définir une fois pour toute si le rapport bénéfice/risque doit être analysé de façon objective pour l’ensemble de la population de patients susceptible de se voir administrer le médicament concerné – et donc de substituer sa propre appréciation à celle effectuée dans le cadre de la délivrance de l’AMM – ou de façon subjective et individuelle en se plaçant du seul point de vue du demandeur.
Sans être déterminante, la référence dans l’arrêt commenté à une analyse qui dépendrait de « la gravité du risque » généré par l’effet indésirable et de « la fréquence de sa réalisation » nous semble néanmoins plaider en faveur d’une conception objective du rapport bénéfice/risque.
Jacques Sivignon, associé et Théodore Laurent de Rummel, collaborateur, chez Dechert
[1] Voir par exemple Cass. civ. 1re, 21 juin 2005, n°02-18.815.
[2] Cass. 1re civ. 26 sept 2012, n°11-17.738 ; Cass. 1re civ., 10 juill. 2013, n°12-21.314.
L’information quant aux effets indésirables d’un médicament n’est pas nécessairement exonératoire compte tenu de la gravité des effets indésirables survenus
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