L’industrie remporte le match du glyphosate
Molécule phare des désherbants utilisés à travers le monde, le glyphosate a finalement été reconduit pour cinq ans en Europe. Un soulagement pour l’industrie et les agriculteurs, une catastrophe aux yeux des ONG. Toutefois, rapidement après cette annonce, Emmanuel Macron a déclaré que la France reste déterminée à sortir du glyphosate "au plus tard dans trois ans".
Mis à jour
28 novembre 2017
Après de longs mois de bataille médiatique, scientifique et politique, l’Europe a finalement reconduit pour cinq ans l’autorisation du glyphosate, molécule phare de la plupart des désherbants utilisés par les agriculteurs et les particuliers à travers le monde. Malgré les controverses, ce produit a été adoubé à nouveau par les Etats membres de l'Union Européenne, réunis au sein d'un comité d'appel. La France s’y est opposée, préférant une autorisation limitée à trois ans, mais l’Allemagne a finalement fait pencher la balance en donnant son feu vert.
Interrogée par L’Usine Nouvelle, Eugenia Pommaret, la directrice générale de l'UIPP (Union des industries de la protection des plantes), se dit "satisfaite" qu’un accord ait enfin été trouvé entre les Etats membres. Mais regrette une "visibilité limitée à cinq ans, alors que rien n’empêchait d’aller vers les quinze ans comme le permet le règlement européen lors d’un renouvellement. Car il faut au moins dix ans pour développer des produits alternatifs."
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Un sursis faute d’alternative
Certes, mais comment expliquer dès lors qu’aucun autre produit ne soit venu supplanter le glyphosate, découvert par Monsanto dans les années 1980, et ayant perdu son brevet depuis de nombreuses années ? Peut-on vraiment croire à un trou dans la raquette dans la R&D pour ce type de produits ? "Il n’y en a pas eu au niveau de la R&D, assure Eugenia Pommaret. C’est un processus long qui n’est pas facile et très coûteux, car il faut veiller à vérifier l’innocuité et l’efficacité. Nos adhérents n’ont pas attendu ces crises au niveau européen pour continuer leurs recherches, mais il n’y a certainement pas d’alternative prête à l’emploi. C’est ce qui a conduit les décideurs et pays à voter pour, afin de prendre leurs responsabilités."
Une analyse partagée par la FNSEA. Le premier syndicat d’agriculteurs français déplore d’ailleurs "que la France ne s'y soit pas ralliée et ait choisi de faire bande à part. Mais ce temps politique reste en décalage avec le temps de la recherche scientifique", estime le syndicat, qui a récemment lancé une initiative R&D avec d’autres organisations (centres de recherche, industriels comme l’UIPP…) "afin de réduire les usages, les risques et les impacts des produits phytosanitaires".
La position de la France saluée par les ONG
Pour les associations environnementales, la décision de Bruxelles est au contraire catastrophique. "Un sursis arraché par Monsanto, Bayer & Co. qui scandalise les ONG", dénoncent Générations Futures, Foodwatch et la Ligue contre le cancer. A leurs yeux, "tout convergeait vers une interdiction : la pression des citoyens qui réclamaient la sortie du glyphosate, de nombreuses organisations dont des associations d’anciens agriculteurs malades, des députés français et européens, le scandale des Monsanto papers, la polémique autour de l’évaluation scientifique…" Le glyphosate avait en effet été classé en 2015 "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer, un organe de l'OMS… mais réhabilité par les agences scientifiques de l’Union Européenne.
Les ONG se félicitent néanmoins "que la France ait maintenue son opposition au renouvellement de cinq ans. Le gouvernement doit maintenant mener le pays vers une sortie du glyphosate, en accompagnant les agriculteurs, comme il s’y est engagé et ce, indépendamment du verdict de la Commission européenne."
Effectivement, peu de temps après la décision prise par l'UE, Emmanuel Macron a "demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans". Dans la même optique, le cabinet du Premier ministre Edouard Philippe a fait savoir que la France "regrettait" le résultat du vote européen et demandait à la Commission européenne de faire rapidement des propositions pour revoir ses modes d'évaluation des substances chimiques.
J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans. #MakeOurPlanetGreatAgain
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 27 novembre 2017
Un usage maîtrisé en Europe, assure l’industrie
Ne pouvant faire l’impasse sur la controverse, l’industrie compte-t-elle désormais rassurer ou mieux encadrer cette molécule ? "C’est aux pouvoirs publics et aux agences sanitaires - et les agences sanitaires européenne et française se sont prononcées sur le fait qu’il n’y avait pas d’inquiétude d’après les études soumises lors du renouvellement – d’expliquer encore et encore quelles sont les utilisations du glyphosate en Europe et en France. Et d’éviter des comparaisons hasardeuses avec l’utilisation dans d’autres pays dans le monde", estime Eugenia Pommaret. En Argentine, l’usage massif de ce produit a ainsi fait de redoutables dégâts sur le plan environnemental comme celui de la santé publique.
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