"L’industrie nucléaire risque de mourir de ses grandes filières nationales", selon Yves Brachet
Yves Brachet est le président de la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) de Westinghouse. Ce fabricant américain de réacteurs nucléaires est détenu à 90 % par des capitaux japonais de Toshiba. Cet acteur est toutefois présent sur l’ensemble du cycle de l’atome en France. Hors des frontières, c’est un redoutable adversaire de la filière française avec son réacteur AP 1000, concurrent direct de l’EPR tricolore. Westinghouse participe au Bourget du Nucléaire, du 14 au 16 octobre.
L’Usine Nouvelle - Que pensez-vous du World Nuclear Exhibition (WNE), organisé au Bourget ?
Yves Brachet - Le WNE est une manifestation très orientée sur l’industrie française. Nous y participons car nous sommes un acteur de l’industrie nucléaire dans l’Hexagone. Par contre, nous serons moins présents que nous aurions pu l’être. C’est sans doute dû au fait que, de part notre métier, nous sommes parfois en concurrence avec Areva…. Ceci a peut-être conduit l’organisation du WNE à avoir des réflexes un peu nationaux, notamment sur les conférences. Du coup, nous sommes moins exposés que nous l’aurions souhaité.
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Vous définissez-vous comme un acteur de l’industrie française ?
Nous avons 500 salariés ici en France. Nous menons tout type d’activités et EDF est notre plus important client au monde. Nous lui fournissons une partie non négligeable de son combustible nucléaire que nous fabriquons en Suède, en Angleterre et, à travers un partenariat, en Espagne.
Quelle est la force de Westinghouse par rapport aux grandes filières nationales ?
Notre force est, justement, de ne pas être une filière nationale. Je pense que notre industrie risque de mourir de ses grandes filières nationales. Areva a un électricien de référence, EDF. Chez les Russes, l’électricien et le chaudiériste forment le même conglomérat. Chez les Coréens, Kepco est électricien et fournisseur. Chez les Chinois, les électriciens sont en même temps constructeurs. Nous, nous n’avons pas d’électricien de référence. Aucun électricien ne nous soutient économiquement à l’export.
N’est-ce pas une faiblesse ?
Bien sûr, il est plus difficile de convaincre de nouveaux clients. Mais, en même temps, c’est une garantie d’indépendance. Notre travail est relativement indépendant de l’Etat japonais ou américain. Nous menons notre travail dans un environnement le plus éloigné possible des aspects politiques.
Vous êtes dans le consortium Nugen avec GDF suez pour construire des réacteurs AP-1000 en Grande-Bretagne. Où en est le projet ?
Nugen est un électricien détenu à 60 % par notre actionnaire Toshiba et à 40 % par GDF Suez. A terme, Toshiba verra sa part décroître à mesure que d’autres investisseurs arriveront. L’agrément de notre réacteur est attendu pour 2016. Ensuite, nous mènerons deux ans de travail sur notre site de Sellafield. Il s’agit de caractérisation géologique et de terrassement. La décision finale d’investissement sera prise en 2018 et le premier AP-1000 sera en fonction cinq ans après. On pourrait même être les premiers à faire fonctionner un réacteur de troisième génération dans le pays !
Pourquoi Toshiba a investi dans le projet ?
Cette manière d’investir est nouvelle. C’est nécessaire car les électriciens ont besoin de soutien et il faut les aider à court terme. Mais cela ne peut durer dans le temps. Cet argent pourrait être utilisé en R&D. Ce modèle n’est pas idéal, mais actuellement, il est indispensable pour s’ouvrir de nouveaux marchés.
Aux Etats-Unis, pensez-vous que le gaz de schiste a tué toute possibilité de créer de nouveaux réacteurs ?
Non. Il y a deux marchés aux Etats-Unis. Il y a le marché non régulé où en effet, il est impossible de concurrencer le gaz de schiste et le charbon. Mais il y a aussi, dans certains Etats et groupe d’Etats, des marchés régulés, où nous avons actuellement quatre chantiers. Il y a d’autres projets à l’étude et nous espérons bien voir deux d’entre eux avancer significativement d’ici un ou deux ans.
Propos recueillis par Ludovic Dupin
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