L'industrie du livre se prépare au piratage numérique
Elles étaient sous le sapin du Noël 2011 ; les liseuses et tablettes numériques sont désormais dans nos salons et dans les transports en commun. Ça et là, le papier laisse la place à ces écrans à la technologie e-ink et LCD. Un challenge pour l’industrie du livre qui craint de vivre l’histoire de celle du disque : voir la diffusion de romans, essais et autres biographies en format numérique plombée par le piratage.
Et aujourd’hui, il y a déjà des éléments qui laisse entrevoir des brêches dans l'univers du livre dématérialisé. On peut trouver sur Internet tous les ouvrages distingués par un prix littéraire en 2011. Et très souvent, gratuitement ! Ces livres ont été numérisés, édités et mis en ligne en dépit des droits d'auteurs. Il ne faut pas moins de 5 minutes par exemple pour trouver et télécharger le prix Renaudot 2011 : Limonov de Emanuel Carrère.
Pour le moment, ce "piratage" touche principalement les best sellers. "Ce sont les gros éditeurs les plus concernés par ce problème aujourd’hui. Pour le moment, Marc Lévi et Amélie Nothomb sont les premiers à être téléchargés. Mais cela va s’étendre", explique Christophe Tourneur, chargé de marketing aux Editions Persée, une petite maison d'édition.
Amazon, Fnac et Virgin ont explosé leur vente de liseuses, des lecteurs de livres électroniques entre 99 et 129 euros, et les tablettes numériques se vendent de plus en plus. Ainsi, même si le marché du numérique légal et illégal est encore limité, il ne devrait pas rester au stade embryonnaire. "Cette technologie suit le même chemin que le MP3. 2011 fut l’année 0 du e-book, 2012 sera l’année 1 et ainsi de suite", annonce Christophe Touneur.
Pour lui,"le numérique va se propager. La plupart des freins se lèvent. La nostalgie du papier se marginalisera comme pour les vinyles." Et de conclure : "Il n’y aucune raison que cela se passe différemment de ce qu'a vécu l’industrie du disque."
Alors que faire face aux menaces de contournement du circuit commercial des livres numériques ? Les maisons d’édition semblent déjà prendre le problème au sérieux. Hachette par exemple a fait appel à une société privée de veille, appelée Attributor.
"Chez Attributor, une équipe observe et repère les copies. Elle signale ensuite au site hébergeur qu’il diffuse une copie illégale. Et, pour le moment, dans la grande majorité, les sites retirent le document incriminé", explique une porte-parole de chez Hachette.
Pour le moment, aucun procès, aucune menace. Simplement la même technique que les producteurs de séries américaines qui préviennent feu Megaupload et autres plateformes de téléchargement qu’ils possèdent une copie illicite. Hachette assure qu’un tel système est dissuasif.
"Hachette est en avance sur le sujet car elle est en lien avec le marché américain. Là-bas, le numérique représente déjà 20% du marché. Ils savent déjà à quoi ils ont à faire, remarque Christine de Mazières, déléguée générale du Syndicat National de l’édition (SNE). Mais souvent,les petits adhérents n’ont pas les moyens de faire appel à de grosses sociétés privées."
Développer l'offre pour occuper le marché
Alors le syndicat tente de créer une initiative européenne entre les différents représentants de la profession. "Nous baisserons les prix et améliorons l’efficacité de la procédure en mutualisant nos efforts", explique la déléguée générale.
Les maisons d’édition pourraient alors faire appel à ce service en payant un abonnement annuel par livre à protéger. Le syndicat espère annoncer la création de ce portail européen au Salon du Livre, du 16 au 19 mars 2012.Mais ce genre de démarche suffira-t-il ? Après tout, les lois Hadopi sur le droit d’auteur n’ont pas enrayé la chute des ventes de disques. Même si les maisons d’éditions se rendent compte plus tôt du risque, pour elles rien n’est encore joué sur ce marché balbutiant.
"Dans mon souvenir, il n'a jamais été aussi difficile de prédire où en sera le secteur d'ici 12 mois", a déclaré à Reuters John Makison, le directeur général de Penguin, filiale de Pearson. Et c’est ce que confirme Hachette :"Nous tatonnons encore. Pour le moment les livres numériques sont un investissement à perte mais nous pensons que c’est l’avenir."
Plus que ça : "La seule façon de contrer le piratage, c’est d’offrir un catalogue complet nous même, 15% moins cher que le papier." Ce qui reste une différence inférieure au reste du marché français. Hachette prévoit de baisser ses prix avec le changement de TVA.
Avant le 1er janvier 2012, elle était de 5,5% pour le papier et 19,6% pour le numérique. Désormais. il n’y a qu’un taux pour les deux de 7%. Avant, la différence de coûts liée à l’impression était absorbée par cette différence de taux. Cette excuse invalidée, les prix devraient se creuser entre le livre électronique et le papier.
Des livres en streaming?
Chez Persée, Christophe Tourneur explique qu’avec l’accord des auteurs, il numérise aussi leur catalogue pour être présent sur ce marché porteur. Néanmoins, il s’inquiète du manque de protection des œuvres en amont : les DRM, des mesures techniques de protection censées interdire la copie de certaines œuvres, peuvent être contournées facilement par des amateurs.
"La protection des DRM ne sert pas à grand-chose. Le verrou est facile à démonter. Sans compter que certains lecteurs ne peuvent pas lire de DRM sur leur liseuse. Donc pour le moment nous avons fait le choix de ne rien faire", estime-t-il. Les éditions Persée préfèrent donc travailler avec le portail d’Orange qui offre la possibilité de lire les œuvres en streaming.
Le streaming permet, contre un abonnement, d'avoir accès au livre sans le télécharger. Ces "read and go" ont l’avantage de ne pas permettre la copie pour protéger les droits d’auteur. De son côté, le lecteur a un accès illimité contre un forfait, un peu comme la plateforme de streaming musical Deezer. Le seul soucis demeure que ces services fonctionnent uniquement lorsque le lecteur est connecté. Pas sûr dans ce cas qu'il y trouve son compte. Et c'est pourtant un élément déterminant quand il s'agit de choisir entre piratage et acte d'achat...
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