[L'industrie c'est fou] Des filets en betteraves et maïs pour une pêche responsable
Concevoir un filet de pêche à la fois biodégradable et solide, c’est un challenge de taille que s’est fixé le spécialiste breton de matériaux en bioplastique compostable, Seabird. Après trois ans d’essais en mer, les filets innovants ont réussi à convaincre les pêcheurs, séduits par leur durée de dégradation 40 fois plus courte que celle d’un filet en nylon classique.
«Sur la plage abandonnée, coquillages et gros déchets…», aurait pu chanter Brigitte Bardot. Capsules de bières, mégots, bouteilles en plastique... Nombreux sont les déchets croisés chaque année sur nos plages et dans nos océans. Parmi ces détritus, on recense également de multiples filets de pêche, perdus en mer lors d’une tempête, ou éparpillés en divers morceaux arrachés… La plupart des filets sont en nylon et mettent 400 à 600 ans pour se dégrader dans l’eau de mer. L'invention de filets biodégradables n’est donc pas une idée si loufoque.
Des marins de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Fécamp et Le Tréport (Seine-Maritime) ont testé pendant trois ans des filets biodégradables et recyclables. Convaincus, ils ont affirmé début juin lors d’un point presse avoir obtenu des résultats «presque équivalents» aux filets conventionnels en nylon. «Il a fallu vérifier que le filet ne se dégradait pas trop vite, qu'il était aussi pêchant qu'un filet en nylon, et qu'il était facile à manœuvrer», a expliqué Thierry Missonnier, directeur de l'organisation de producteurs FromNord, qui rassemble 160 navires de Calais (Pas-de-Calais) à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques).
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Deux appels d'offre
L’initiative du projet de création de filets biodégradables provient du Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale, espace maritime de 2 300 km² au large de la Seine maritime, de la Somme et du Pas-de-Calais. Les responsables du parc en avaient assez de retrouver des micro-plastiques issus de filets sur les plages. En 2018, grâce à des financements européens, le parc a choisi de se rapprocher du spécialiste de matériaux en bioplastique compostable breton (Morbihan), Seabird, pour créer un filet innovant, à la fois solide et biodégradable.
«Nous avons remporté deux appels d’offre de l'Office français de la biodiversité et du Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale, en 2019 et en 2021, pour concevoir des filets de pêche écoresponsables type trémail (composé de trois nappes aux mailles inégales, ndlr)», explique Marie Chauvel, PDG de Seabird. Après deux ans de travail pour concevoir un premier filet en matières biosourcées, la fabrication et le nouage du fil ont été confiés à l’entreprise Cadilhe & Santos (Portugal). Les filets ont ensuite été distribués à des pêcheurs volontaires pour trois ans de tests.
Canne à sucre, betterave et maïs
Si la recette précise est tenue secrète, Marie Chauvel donne un aperçu de la composition des filets : «dans nos formulations, on intègre des polymères biosourcés fournis par des bioraffineries qui utilisent de la canne à sucre, de la betterave, de l'amidon de maïs ou de pomme de terre…». D’après la dirigeante, avec une composition pareille, ces filets mettent 40 fois moins de temps à se dégrader dans l’eau de mer qu’un filet en nylon classique.
Avec une durée de vie d’un an, les filets biodégradables sont à destination des fileyeurs (bateaux qui déposent les filets au fond de l’eau pour les relever plus tard, ndlr), car ces navires ont l’habitude de changer leurs filets chaque année. Actuellement, le coût de ces filets innovants reste 10% à 20% plus cher que les filets conventionnels, mais des aides nationales ou européennes pourraient faciliter leur déploiement.
«C’est un projet de rupture, une première européenne. Au niveau mondial, seul un laboratoire sud-coréen travaille sur le sujet. Mais l’Europe a compris les enjeux et lance d’autres appels d’offre sur les filets biodégradables, s’enthousiasme Marie Chauvel. Quant à nous, nous visons une commercialisation en 2024, 2025…»
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