[L'industrie c'est fou] Des couverts fabriqués avec des fruits et légumes moches
Trois étudiantes de l'école d'ingénieurs de Purpan, à Toulouse, veulent commercialiser des couverts confectionnés à partir de fruits et légumes déclassés. Leur entreprise, Croc Fork, espère lutter contre le gaspillage alimentaire et la pollution plastique.
Quelques semaines après que huit étudiants de la prestigieuse école AgroParisTech ont appelé leurs camarades à « déserter » les emplois « destructeurs » auxquels ils sont formés, les apprentis ingénieurs n'ont plus peur d'affirmer haut et fort leurs ambitions écologiques. Au sein de l'école Purpan de Toulouse (Haute-Garonne), spécialisée dans l'agroalimentaire, la révolution semble déjà en marche. Trois étudiantes de 24 ans ont fondé en mai leur propre entreprise, Croc Fork, dans l'objectif de proposer aux professionnels de la restauration des couverts comestibles et compostables, fabriqués à partir de fruits et légumes moches.
« Ce projet est né sur les bancs de l'école, alors que nous étions en cinquième année d'études, relate Léa Maravelle, qui s'est lancée dans l'aventure aux côtés de ses camarades Marie Varin et Victoria Pagès. Nous avions tout d'abord à cœur de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui atteint jusqu'à 40% dans la production française de fruits et légumes ». Trop petits, trop gros ou biscornus, ces végétaux se vendent difficilement en supermarché, malgré les (quelques) tentatives des grandes enseignes pour les mettre en avant.
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Des couverts résistants à l'eau et au chaud
Il s'agissait aussi pour elles de réagir à l'adoption de la loi Egalim, qui interdit depuis le début de l'année 2020 la commercialisation des produits en plastique à usage unique. Depuis, la plupart des restaurants qui vendent de la nourriture à emporter ont opté pour les couverts en bois, mais ceux-ci ne sont pas toujours recyclés et, de l'avis des trois étudiantes, « laissent un goût désagréable en bouche ». Pendant plusieurs mois, les apprenties ingénieures ont cherché la recette idéale permettant de transformer les aliments déclassés en couverts solides, capables de résister aussi bien à l'eau qu'à la chaleur, mais qui puissent aussi être mangés une fois le repas terminé.
« Nous ne donnons pas de détails sur le processus de fabrication, car nous sommes actuellement en cours de demande de brevet, explique Léa Maravelle. Je peux néanmoins vous dire que nous sélectionnerons nos fruits et légumes en fonction des saisons et que nos couverts comprendront toujours de la pomme, car celle-ci contient une importante quantité de pectine, un glucide qui aide à solidifier le produit ». L'approvisionnement ne devrait pas poser problème : le Tarn-et-Garonne voisin est le premier département producteur de pommes.
Des concurrents déjà établis
Ce projet « vertueux, engagé dans une démarche d'économie circulaire » compte déjà de fervents soutiens : il a remporté en mai 2021 le concours régional des étudiants créateurs d’entreprises de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Toulouse. Avant de passer à l'industrialisation chez un sous-traitant, Croc Fork doit faire valider ses prototypes en laboratoire afin de s'assurer qu'ils respectent les normes alimentaires. Une étape qui nécessite des fonds, ce pourquoi les étudiantes ont lancé une campagne participative sur la plateforme Blue Bees, avec l'espoir de récolter 15 000 euros.
Sûres de leur solution, Léa Maravelle et ses camarades voient déjà plus loin. « Nous avons noué des contacts avec de potentiels clients, notamment auprès de traiteurs ou de glaciers », se réjouit-elle. Le chemin vers la réussite sera semé d'embûches, d'autant que Croc Fork n'est pas la seule start-up à proposer des couverts comestibles. Créée il y a quatre ans, la société marseillaise Koovee a déjà séduit Casino, Frichti et Sodexo. Pas de quoi effrayer les étudiantes de l'école Purpan. « Nous nous démarquons grâce à notre concept qui valorise les déchets alimentaires et disposons d'ailleurs d'un autre avantage concurrentiel : les recettes de Koovee reposent principalement sur la farine et l'huile de colza, deux produits dont les prix ont fortement augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine ».
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