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« L'évolution du marché bénéficie pleinement au développement des CDMO »
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« L'évolution du marché bénéficie pleinement au développement des CDMO »
Avec la fin du modèle des « blockbusters », le marché de la chimie fine pharmaceutique s'oriente vers une demande croissante de principes actifs de plus petits volumes, mais avec des structures chimiques plus complexes. Une aubaine pour les acteurs de la production pour des tiers, dont les outils flexibles sont habitués à gérer une multitude de produits. Entretien avec Vincent Touraille, président du syndicat professionnel Sicos Biochimie.
Industrie Pharma : Vous êtes président du syndicat de l'industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie, affilié à l'Union des Industries Chimiques. De votre poste d'observation, que pouvez-vous dire sur la santé des acteurs de la production pour des tiers présents sur le territoire français ?
Vincent Touraille : Le paysage est actuellement contrasté. Il y a des sociétés qui rencontrent des difficultés financières, comme par exemple la société de chimie fine Isochem en redressement judiciaire ou le laboratoire pharmaceutique israélien Teva qui a récemment annoncé la suppression de 6 000 emplois à travers le monde, avec des répercussions possibles pour des fournisseurs sur le territoire français. Mais en dehors de ces cas particuliers, les CDMO installées en France se portent plutôt bien. Ceci confirme le retour de productions de matières actives et d'intermédiaires en Europe.
VOS INDICES
source
202 -4.72
Janvier 2023
PVC
Base 100 en décembre 2014
172.7 -2.15
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.1 − Produits chimiques de base, engrais, Produits azotés, plastiques, caoutchouc synthétique
Base 100 en 2015
97.9 +0.51
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 21.20 − Préparations pharmaceutiques
Base 100 en 2015
Qu'est-ce qui explique ce bon développement des CDMO ? Est-ce uniquement une réponse à des problèmes de qualité qui auraient pu intervenir sur des productions en Asie ?
V.T. : Ce n'est pas la seule explication. En réalité, et c'était notamment le cas de Teva, les grands laboratoires pharmaceutiques étaient jusqu'à présent bien organisés pour la production de « blockbusters », avec des sites de production qui pouvaient être dédiés à un seul produit. Ce modèle a vécu. Les médicaments d'aujourd'hui sont produits en plus petits volumes. Ils requièrent moins de principes actifs (de l'ordre de 10 à 20 t/an au maximum) mais avec des chimies souvent plus complexes. Ceci nécessiterait de transformer les sites mono-produits des grands laboratoires pharmaceutiques en sites multiproduits. Or c'est une faiblesse des laboratoires pharmaceutiques que d'arriver à mettre en place des sites flexibles capables de gérer plusieurs produits en même temps. C'est en revanche tout le savoir-faire des CDMO habituées à gérer simultanément beaucoup de produits, en particulier des petits volumes. En conséquence, l'évolution du marché bénéficie pleinement au développement des CDMO, tant en Europe qu'en Amérique du Nord.
Pourquoi les laboratoires ne seraient-ils pas en mesure de se restructurer pour gérer cette complexité croissante ?
V.T. : Ce n'est pas le métier des gros laboratoires pharmaceutiques que d'avoir à gérer 20 ou 30 produits différents sur un même site. Et l'on constate qu'ils ont tendance à sous-traiter. Sanofi est un exemple particulier car le groupe a regroupé tous ses sites faisant du multiproduits dans une organisation particulière qui s'apparente à une CDMO. Mais si l'on regarde du côté des États-Unis, des grands laboratoires pharmaceutiques émergents comme Vertex ou Gilead organisent leur « supply chain » en combinant les savoir-faire de différents sous-traitants. Ils font exécuter 3 ou 4 étapes chez l'un puis chez l'autre. Ce processus a pour effet de lier les acteurs de la chimie fine les uns aux autres dans la fabrication d'un même principe actif. Ce sont en général des responsables qualité qui gèrent cette « supply chain ». Pour ce qui est de la complexité des principes actifs innovants, je dirais que l'on est passé en quelques années de synthèses en 7 à 8 étapes à des synthèses de plus de 20 étapes, voire plus. Et en général, la valeur ajoutée est telle que le prix du principe actif est encore plus faible au regard du prix du médicament. En parallèle, le marché des génériques se développe et offre aussi des opportunités intéressantes pour les CDMO.
Est-ce que les start-up sont des clients intéressants pour les acteurs de la chimie fine ?
V.T. : Le marché nord-américain se caractérise par un foisonnement de start-up, ce qui crée des opportunités de business intéressantes. Les lancements de phase III requièrent de 2 à 5 t/an de matière active, ce qui est bien à la portée des CDMO françaises, mais aussi allemandes et italiennes, qui sont particulièrement appréciées aux États-Unis. Leur point fort est d'avoir des sites de production qui existent depuis plusieurs dizaines d'années, ce qui rassure les clients. C'est notamment le cas de sociétés comme Novasep, Interor ou PCAS. Aux États-Unis, il n'y a pas tant d'acteurs que cela dans la chimie fine et tous les petits sont systématiquement rachetés par de plus gros acteurs locaux.
Vous évoquez une bonne dynamique des M&A1 aux États-Unis, tandis qu'en Europe, PCAS vient d'être rachetée par Novacap (voir p. 26). N'y a-t-il pas un risque de perte de flexibilité à faire croître les entreprises ?
V.T. : Cela ne convient pas à tous les clients de traiter avec une toute petite société qui ne possède qu'un seul site de production. D'où cette recherche de taille critique pour les acteurs de la chimie fine pour atteindre les 100 à 150 millions d'euros de chiffre d'affaires, voire davantage, et pouvoir posséder plusieurs sites de production. Cette consolidation du secteur est demandée par les clients de la pharmacie et va se poursuivre, même s'il restera difficile pour des acteurs européens de se renforcer aux États-Unis par croissance externe pour les raisons que j'ai évoquées précédemment. En revanche, chacun des sites de production, pris individuellement, devrait rester à taille humaine, employant entre 150 à 300 personnes. Une telle taille de site permet de gérer 20 à 30 produits de façon flexible. à titre d'exemple, le rachat de Novacap conserve l'autonomie et pérennise la structure de PCAS dont les clients traitent dorénavant avec un groupe pesant près de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires.
Est-ce que tout cela signifie que l'Asie risque de perdre sa suprématie en matière de production d'intermédiaires et de principes actifs ?
V.T. : Il y a beaucoup de retour de productions en Europe et aux États-Unis sur les produits à haute valeur ajoutée. Les gros volumes continuent d'être produits en Asie. Néanmoins, dans cette zone, les coûts de production ont considérablement augmenté avec la mise aux normes HSE des usines et l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre. Les différentiels de prix que l'on a pu connaître, il y a quelques années, ne sont plus aussi importants.
Hormis cette nécessité de maîtriser parfaitement la synthèse chimique pour enchaîner de plus en plus d'étapes, est-ce qu'il y a d'autres évolutions à souligner dans les compétences à maîtriser pour un acteur de la production de principes actifs ?
V.T. : Effectivement, les sous-traitants doivent travailler plus qu'avant sur l'ensemble de la chaîne de production du principe actif. Un des points qui ressort lors de nos échanges au sein du Sicos Biochimie est notamment la nécessité d'intégrer des compétences dans la fabrication des poudres. En effet, des principes actifs ayant une bonne morphologie pourront être utilisés directement par les galénistes, et faciliter à la fois la formulation de ces principes actifs puis leur biodisponibilité dans l'organisme. Pour cela, nous travaillons sur la cristallisation des principes actifs afin de leur donner le bon polymorphisme qui est un critère de plus en plus important. Mais certains d'entre nous ont également investi dans le séchage, notamment le « spray drying » et le broyage, et commencent à s'intéresser à la micronisation. Le groupe suisse Lonza, qui a inventé la sous-traitance analytique et qui est l'un des leaders mondiaux, vient justement d'investir dans la société suisse Micro-Macinazione, spécialiste du domaine.
Depuis deux ou trois ans, le Sicos Biochimie ambitionne de fédérer les acteurs de la biochimie et des biotechnologies industrielles présents sur le territoire français. Où en êtes-vous ?
V.T. : Nous continuons de penser que l'on peut apporter nos compétences aux acteurs des biotechnologies industrielles, qu'elles soient basées ou non sur des matières premières végétales et qu'elles s'adressent ou non à l'industrie pharmaceutique. Le pôle IAR ou l'Association Chimie du Végétal, par exemple, sont très actifs sur la partie végétale. Ce qui nous intéresse, c'est la partie industrielle. Nous avons déjà constitué un groupe de travail avec une dizaine d'adhérents qui se réunissent régulièrement pour traiter de thèmes divers. Notre idée est d'accompagner ces acteurs et d'identifier des plateformes susceptibles d'accueillir des start-up biotechs. Dans les technologies qui se cachent derrière, il y a bien entendu la biofermentation, mais également la catalyse enzymatique qui offre des opportunités très intéressantes en chimie fine. Une étape de catalyse enzymatique peut modifier une voie de synthèse en réduisant drastiquement le nombre d'étapes, ce qui peut apporter un bénéfice écologique et une réduction de coût. C'est d'ailleurs une tendance de fond de notre industrie que de chercher à intégrer des étapes de catalyse enzymatique dans nos synthèses chimiques.
Plus d'informations :
www.chimiefine-biochimie.fr ou lequime.sicos@dial.oleane.com
Note : 1- M&A : fusions-acquisitions.
REACH RESTE UN SUJET DE MOBILISATIONÀ moins d'un an de la dernière phase d'enregistrement de Reach, fixée au 31 mai 2018, le ministère de la Transition écologique et solidaire a lancé une vaste campagne d'information à destination de toutes les entreprises potentiellement concernées en France. « Un ensemble de « petits » produits va être concerné et cela risque d'être compliqué », estime Vincent Touraille. Cette dernière échéance de Reach s'ajoute au sujet des intermédiaires SCC. Il s'agit de molécules, produites et utilisées dans des conditions strictement contrôlées et qui peuvent théoriquement faire l'objet d'enregistrements allégés, mais dont le statut est parfois contesté par l'administration. Le président du Sicos cite également le sujet difficile de la substitution de certains solvants et assure que son syndicat va rester fortement mobilisé sur tous ces sujets.
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