"L'Europe spatiale prend du retard", Arthur Sauzay auteur pour l'Institut Montaigne
Selon Arthur Sauzay, le leadership d’ArianeGroup sur le marché commercial est menacé par la montée en puissance de SpaceX. L'auteur de la note “Espace : l’Europe contre-attaque ?” publiée par l’Institut Montaigne , appelle à une accélération de l’Europe dans la maîtrise des technologies liées à la réutilisation des lanceurs, et à une plus forte implication du secteur privé sur le modèle des partenariats public-privé mis en place aux Etats-Unis.
L'Usine Nouvelle - Que nous apprend le tir réussi du lanceur Falcon Heavy de SpaceX ?
Arthur Sauzay - C'est clairement un signal de plus que le New Space accélère aux Etats-Unis. SpaceX prouve qu'il est un acteur extrêmement sérieux, compétent et plein d'audace. Ce lancement confirme sa maîtrise de la réutilisabilité. Ils ont une vraie chance d'arriver à développer d’ici à 2025 la fusée BFR, ce lanceur ultra lourd et totalement réutilisable imaginé par Elon Musk pour aller sur Mars mais qui pourrait aussi révolutionner l’accès à l’espace en baissant encore plus les coûts.
La réutilisabilité des lanceurs est-elle la clef du succès?
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A terme, la réutilisabilité va avoir un impact sur les coûts et la capacité d'offrir des prix intéressants sur le marché commercial.La situation de prédominance européenne sur le marché commercial est remise en cause par SpaceX et ses fusées réutilisables. Face à tant d’ambitions et de moyens, il sera très difficile pour Arianespace de conserver sa place de leader dans les 5 ans à venir. L'Europe ne maîtrise pas cette technologie mais a lancé des initiatives dans ce domaine comme le démonstrateur Callisto ou le moteur Prometheus. Il faut les accélérer.
Au-delà des lanceurs, comment se positionne l'Europe?
Dans les domaines des nanosatellites, des données spatiales, des services en orbite... l'Europe prend du retard. Or les segments hors-lanceurs représentent environ 80% du chiffre d'affaires du secteur spatial. Les premières start-up qui atteignent des tailles critiques, comme Planet par exemple, sont aux Etats-Unis. L'investissement en terme de capital privé, via les fonds de capital risque et les GAFA, émane très majoritairement des Etats-Unis. Il y a un risque très réel de se faire détacher du duo de tête des puissances spatiales, c'est à dire les Etats-Unis et la Chine. Dans la note “Espace : l’Europe contre-attaque ?”, publiée par l’Institut Montaigne, nous appelons donc les pouvoirs publics français et européens à réagir immédiatement.
Comment combler ce retard?
L'Europe doit se fixer l'objectif de rester dans le trio de tête du New Space. Cela pose la question des budgets. Il y a un rapport d'environ 1 à 5 entre les budgets publics européens et américains dans le secteur spatial. Dans le domaine des lanceurs, il faut maîtriser les briques de la réutilisabilité à commencer par les moteurs. Il faut également instaurer un mécanisme de préférence européenne. Cela assure une base de marché pour les lanceurs européens et donne plus de visibilité pour justifier de nouveaux investissements. En Chine, en Russie ou aux Etats-Unis, les lancements institutionnels sont assurés exclusivement par des lanceurs locaux. Ajoutons que la communication est essentielle : le lancement de mardi a eu un écho mondial et permet de faire rêver le grand public, y compris en Europe.
Faut-il faciliter l'arrivée d'acteurs privés ?
Aux Etats-Unis, l'implication du secteur privé (GAFA en tête) dans le secteur spatial change la donne. En Europe, l'un des enjeux majeurs est d'arriver à mobiliser le capital privé, y compris les milliardaires européens et des fonds de capital risque à destination du New Space. Cela peut passer par des partenariats public-privé innovants comme à su en réaliser la NASA. Cela a permis de maximiser l’efficacité d’investissements publics supplémentaires.
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