L'étrange résurrection d'un chantier naval polonais
La Pologne aurait-elle trouvé la recette miracle pour relancer ses chantiers navals ? Réponse à Szczecine, troisième ville portuaire du pays.
Les ateliers de l'ex-chantier naval de Szczecine (Stetin en français) ont repris vie il y a 18 mois. Selon son nouveau dirigeant, 2 000 personnes y travaillent désormais et 80 bateaux sont sortis du chantier depuis cette résurrection. Certes, il ne s’agit plus des grands porte-conteneurs d’avant la fermeture du site, en 2008, mais de navires spéciaux de 600 à 800 tonnes comme un ferry et un transporteur de fourrage. On y fabrique même aujourd’hui la structure métallique d'un pont pour le Danemark. Pourtant, de l'extérieur, le site de 45 hectares a tout d'une friche industrielle. De l'intérieur aussi. Sauf que dans les grands bâtiments vides et rouillés, les quelques machines restées là après la fermeture des chantiers, comme ce train de nettoyage des plaques d'acier noir, ces deux presses de 1000 et 2000 tonnes, et ce bain de découpe plasma, sont comme ranimées par la poignée d’ouvriers présents sur le site. Des hommes d'expérience, qui maîtrisent ces outils XXL de traitement de tôle.
mais fonds affichés comme privés
"Le chantier avait été fermé par décision politique, notamment sous la pression de l'Europe. Il a rouvert par une volonté politique, mais nous ne recevons aucune subvention publique", affirme Andrzej Strzebonski, président du Szczecinski Park Przemystowy (le nouveau Parc industriel de Szczecin). Par quel miracle arrive-t-on donc à relancer un chantier naval au cœur de l'Europe ? Alors que le chantier était fermé il y a encore quelques mois, comment est arrivé dans la grande cale de mise à l'eau dénommée Vulcan (265 mètres de long), la coque d'un nouveau ferry destiné à faire la navette entre des îles Danoises ? La mise à l'eau est prévue le 30 septembre. Et dans ce grand hangar, qui a commandé ces structures d'une plateforme offshore attendant d'être nettoyées et peintes ?
En interrogeant longuement le dirigeant, on comprend qu'un groupe d'armement polonais privé a créé un fonds d'investissement qui détient 100 % des 25 millions d'euros du capital du Szczecnski Park Przemystowy, la société qui veut ressusciter l'outil de production des ex-chantiers navals de Szczecin, dont Andrzej Strzebonski rêve d'ailleurs tout haut de récupérer le nom. Un nom qui s'affiche encore partout sur le site.
Un consortium d'entreprises clientes
Le carnet de commandes, lui, est alimenté par un consortium de 75 entreprises polonaises, mais aussi danoises et suédoises, qui trouve là un outil pour le travail des grandes pièces de métal, sûrement à des tarifs très compétitifs. Mais, secret des affaires oblige, on n’en aura pas confirmation.
Dans les faits, la société du parc industriel n'emploie que 300 personnes sur les 2 000 annoncées, reconnaît le nouveau dirigeant. Les autres font partie du personnel des commanditaires, comme JVP Steel, qui fabrique les structures métalliques pour plateformes offshore aperçues sur le chantier.
Le montage semble un succès. "Sans aucune dette, insiste Andrzej Strzebonski, le parc a réalisé 10 millions d'euros de chiffre d'affaires et travaillé 70 000 tonnes de métal." Depuis avril dernier, la structure réaliserait même des bénéfices, déjà réinvestis. "Nous avons rénové la cale de mise à l'eau, qui avait été dévastée, pour deux millions d'euros", précise le dirigeant. Et, entre autres investissements, nous devons racheter une ligne de soudure automatique."
Investir dans l'urgence
Pour le président du parc industriel, qui montre fièrement dans son bureau les maquettes d'un immense porte-conteneurs et d'un navire de transport de gaz dont il a réalisé le design et qui sont sortis des mêmes chantiers en 2001, la réouverture du site est une affaire de fierté nationale. "Le plus important est que les Polonais reviennent à une vie normale", explique-t-il en reprenant à son compte la rhétorique du parti ultra-conservateur Droit et justice au pouvoir depuis deux ans.
Quant aux deux ouvriers qui mangent dans un coin sombre et sale, il aurait vraiment préféré qu'on ne les voit pas. Les photographier, et surtout publier les photos, serait même une manière d'"humilier les Polonais". En revanche, ces opérateurs, sans casque ni gant, ne le gênent pas. Mais l’important, était sûrement de relancer la machine. Pour la sécurité et les conditions de travail, on verra plus tard.
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