L’ENE, la nouvelle assiette de la cuisine de Bercy
Taxer l’excédent net d’exploitation (ENE) plutôt que l’excédent brut d’exploitation (EBE) préserverait l’investissement. Mais des questions demeurent encore.
La fronde des entreprises a porté ses fruits. Le gouvernement devrait déposer un amendement au projet de loi de finances pour modifier l’assiette de la nouvelle taxe créée pour remplacer l’impôt forfaitaire annuel (IFA). Plutôt que l’excédent brut d’exploitation (EBE), Bercy entend taxer l’excédent net d’exploitation (ENE). Le rendement de la mesure devrait en revanche rester inchangé à 2,5 milliards d’euros.
Qu’est-ce que cela change ? Le gouvernement répond à la principale inquiétude des entreprises, qui accusaient la nouvelle assiette de pénaliser l’investissement. Les amortissements des investissements sont de fait compris dans l’ENE. "Mais on ne résout que la moitié du problème. Quand une entreprise achète des équipements, elle n’a pas forcément les fonds propres pour les acquérir. Or si elle s’endette, ses charges financières seront toujours taxées", estime Patrick Fumenier, avocat associé au sein du cabinet Taj. Conséquence pour l’avocat : "Cela revient à augmenter le taux d’intérêt réel pour les entreprises".
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Un débat loin d'être clos
La nouvelle assiette ne lève pour autant pas tous les doutes. Car il existe plusieurs règles d’amortissements. Et il existe aussi une différence entre l’ENE fiscal et l’ENE comptable. "On ne sait encore pas si tous les investissements seront pris en compte et quels seront les règles d’amortissement retenues. De la même façon, il n’a pas été prévu de mécanisme de sauvegarde pour des entreprises qui auraient un résultat comptable insuffisant pour payer leur taxe", souligne Benoît Dambre, avocat associé chez Taj également. Des aspects un peu techniques. Le ministre du budget Bernard Cazeneuve a dévoilé en fin d’après-midi les nouvelles modalités de la taxe à Pierre Gattaz, le président du Medef.
Mais le débat sur la fiscalité des entreprises est loin d’être clos. Les Assises de la fiscalité, annoncées pour mi-décembre par le Président de la République risquent d’avoir un agenda chargé. "En soi, créer une taxe sur l’EBE ou l’ENE est une vraie réforme. Une concertation plus poussée n’aurait pas nui au débat", estime Benoît Dambre, qui juge que la vraie réforme aurait été d’élargir la base de l’impôt sur les sociétés, aujourd’hui mitée par les niches et les exonérations. "Aujourd’hui, coexistent près d’une dizaine de taux d’impôt sur les sociétés différents. Mieux vaudrait engager une réforme en profondeur de l’imposition des sociétés plutôt que de procéder par retouches successives et mettre fin à cette complexité issue d’un mille-feuille instable. Si l’on veut favoriser le réinvestissement des bénéfices, pourquoi par exemple ne pas créer deux taux stables, l’un sur les bénéfices réinvestis et un autre plus élevé lorsque les bénéfices sont distribués, mais avec des bases élargies et surtout des règles simples compréhensibles par tous ?", poursuit l’avocat. Simplifier, pas vraiment une habitude française.
Solène Davesne
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