L’emploi est-il le bon indicateur d’une politique publique d’innovation ?
La lettre de mission de la nouvelle commission d’évaluation des politiques publiques d’innovation indique que cette dernière ne doit retenir que l’emploi et le chiffre d’affaires comme indicateur de mesure. Une bonne idée ?
Suis-je bête. Si Fleur Pellerin, Arnaud Montebourg et Geneviève Fioraso n’avaient pas fixé d’objectifs clairs à leurs 40 mesures pour l’innovation, c’est parce qu’ils étaient évidents. Et ils se résument en un mot : emploi. C’est du moins ce que m’a expliqué Bruno Sportisse, directeur adjoint du cabinet de Fleur Pellerin.
La création d’emplois et l’augmentation du chiffre d’affaires des entreprises seraient même les deux uniques indicateurs que la nouvelle commission d’évaluation des politiques publiques d’innovation utilisera pour évaluer l'efficacité des dispositifs et multiples structures d’aide à l’innovation : pôles de compétitives, SATT, IRT, ITE, institut Carnots, mais aussi on peut l’espérer, programme Nova de la Bpifrance (qui reprend l’a mission d'Oséo, ex. Anvar), programmes d’investissements d’avenir, grand concours national d’innovation, et bien sûr statut fiscal jeune entreprise innovante, crédit impôt recherche et son petit frère crédit impôt innovation. J’en oublie sûrement.
Oubliés donc le nombre de brevets déposer ou l’intensité de R&D (pourcentage du PIB ou du chiffre d’affaires consacré à la R&D) pour évaluer l’innovation en France. C’est sûrement une bonne chose. Même si ce sont les indicateurs retenus par les cabinets conseil comme Booz&Co pour Thomson Reuters pour classer les entreprises et les organismes et par conséquent l’aune à laquelle se comparent les pays. De fait brevets et intensité R&D ne donne souvent qu’une évaluation de l’innovation technologique. Et surtout n’indiquent en rien son impact économique.
Pour mesurer cet impact, les entreprises évaluent de plus en plus le chiffre d’affaires réalisé par des produits lancés, suivant les cas, depuis moins de 5, 4 voire 3 ans.
Au niveau d’un écosystème ou d’un pays, il est aussi nécessaire de comptabiliser le nombre d’entreprises innovantes créées et leur survie, non pas à 5 ans, mais surtout 10 ans (ce qui est impossible à trouver), ainsi bien que leur part à l’export. Les montants de capital-risque qu’elles ont réussi à lever (et pas uniquement ce que les fonds français ont investi) sont aussi un bon indicateur de l’efficacité des politiques publiques d’innovation.
Mais l’emploi est-il un bon indicateur d’innovation ? L’écosystème considéré comme le plus innovant dans le monde, la Silicon Valley, a détruit beaucoup plus d’emploi qu’il n’en a créé. Est-ce propre au numérique ? Peut-être. Mais c’est aujourd’hui dans ce domaine transverse, ainsi que dans celui de la santé que doit se concentrer l’innovation. Mesurer l’efficacité d’une politique au nombre d’emploi créé est donc sûrement politiquement cohérent, mais économiquement dangereux, surtout sur le court terme.
Aurélie Barbaux
L’emploi est-il le bon indicateur d’une politique publique d’innovation ?
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