L'économie du Japon face à des perspectives toujours ternes

TOKYO (Reuters) - L'économie japonaise ne s'est pas autant contractée au quatrième trimestre 2015 que ne l'indiquaient les estimations initiales mais la faiblesse, au contraire sous-évaluée, de la consommation des ménages illustre l'ampleur des défis auxquels est confronté le Premier ministre Shinzo Abe pour relancer l'activité dans un contexte international morose.

Si nombre d'économistes s'attendent à un modeste rebond de la croissance sur les trois premiers mois de 2016, d'autres prédisent désormais un nouveau trimestre de contraction qui ferait replonger le Japon en récession.

La pression est également forte sur la Banque du Japon (BoJ) engagée depuis des années dans une politique monétaire ultra-accommodante sans effet durable jusqu'à présent ni sur la croissance ni sur l'inflation. Les dirigeants de la BoJ se réunissent la semaine prochaine mais pourraient être réticents à agir si rapidement après leur décision inattendue en janvier de faire basculer les taux d'intérêt en négatif.

Ce tableau économique peu reluisant pourrait amener Shinzo Abe à retarder la deuxième hausse de la TVA censée passer de 8% à 10% en avril 2017.

Selon les chiffres révisés publiés mardi par le gouvernement, le produit intérieur brut (PIB) du Japon a reculé de 1,1% en rythme annualisé au quatrième trimestre 2015. L'évaluation préliminaire faisait état d'une contraction de 1,4%. La prévision médiane des économistes donnait une contraction amplifiée à 1,5%.

"Les indicateurs économiques du mois de janvier sont faibles. L'économie ne rebondira probablement pas de manière significative sur la période janvier-mars", dit Yoshiki Shinke, de l'Institut de recherches Dai-ichi Life.

"Le gouvernement pourrait adopter certaines mesures de soutien et retarder la hausse de la TVA si la croissance est faible en janvier-mars et s'il apparaît qu'elle stagnera en avril-juin."

LA CONFIANCE DES CONSOMMATEURS À UN CREUX D'UN AN

La croissance des dépenses d'investissement a été revue à la hausse, à 1,5% contre une première estimation de 1,4%. La consommation des ménages s'est en revanche contractée de 0,9%, soit un peu plus que le repli de 0,8% donné en première estimation.

Pris ensemble, ces chiffres montrent que la demande intérieure a retiré 0,4 point de croissance au PIB du quatrième trimestre, contre une contribution négative initialement estimée à 0,5 point.

Le ministre de l'Economie, Nobuteru Ishihara, a déclaré que le gouvernement n'avait pas changé d'opinion sur la solidité des fondamentaux de l'économie japonaise, la troisième du monde.

Un autre indicateur publié mardi a néanmoins montré que la confiance des consommateurs avait reculé en février pour un deuxième mois consécutif, à son rythme le plus rapide depuis octobre 2013. L'indice mesurant cette confiance est tombé à 40,1, un creux depuis janvier 2015, a annoncé le gouvernement.

"La confiance des consommateurs est en train de caler", a dû admettre le cabinet, qui évoquait encore une progression modérée après les chiffres de janvier.

Autre évolution de nature à alerter la Banque du Japon, qui bataille pour redresser les anticipations d'inflation, la proportion de ménages s'attendant à une hausse des prix d'ici un an recule, à 77,4%, alors que la part des ménages prévoyant au contraire une baisse des prix progresse, à 6,8%.

Le gouverneur de la BoJ a toutefois déclaré lundi que son institut allait pour l'instant examiner les effets des taux d'intérêt négatifs sur l'économie, ce qui semble écarter l'hypothèse d'une action imminente.

(Jean-Philippe Lefief et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Véronique Tison)