L’avenir d’EDF derrière le débat sur les risques de coupures électriques cet hiver
Alors que le transporteur d’électricité RTE affiche sa confiance sur la capacité du système électrique français à passer l’hiver 2017-2018 sans coupure, le Comité central d’entreprise d’EDF pense le contraire, et alerte. En fond, c’est l’avenir d’EDF et du mix énergétique français qui est en question.
Pour EDF, c’est la douche froide ! Le 7 novembre dernier, Nicolas Hulot annonçait que l’échéance de 2025 pour ramener à 50% la part du nucléaire n’était pas tenable. Une semaine plus tard, dans une interview accordée au journal britannique Financial Times, le ministre français de la Transition écologique et solidaire explique que "EDF peut se revitaliser grâce aux renouvelables... Son intérêt n'est pas de se cacher la tête dans le sable comme une autruche mais d'être comme une girafe et de regarder au loin" ajoutant que "demain la norme ne doit plus être l'énergie nucléaire, mais les énergies renouvelables. C'est un bouleversement complet de notre modèle". Le ministre a également rappelé qu’il attendait d’EDF un plan précis pour accompagner la transition énergétique prévue par la loi de 2015. L’abandon de l’échéance de 2025, n’était bien qu’un faux sursis.
L'impossible équation d'EDF
Mais, pour EDF, la transition énergétique demandée par les politiques, même avec plus de temps, "relève de l’équation impossible", observe Hervé Desbrosses, délégué syndical central CFE-CGC d’EDF. Car EDF, en tant que service public, doit assurer la sûreté d’approvisionnement électrique en France. En tant qu’entreprise cotée en Bourse mais détenue à 85% par l’Etat, elle doit aussi rester rentable tout en maintenant l’emploi. Enfin, en tant que nouveau chef de file de la filière nucléaire française, EDF doit réussir à sortir du débat idéologique entre énergie nucléaire et énergies renouvelables tout en prouvant la viabilité économique du nouveau nucléaire. Compliqué, surtout dans un contexte de prix de l’électricité durablement bas et de pertes de clients pour EDF dues à l‘ouverture de ses marchés, sauf ceux régulés du transport (assuré par RTE) et de la distribution (Enedis), qui ont été filialisés. EDF vient d'ailleurs de revoir à la baisse ses objectifs pour 2018.
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Hiver 2017-2018 sous surveillance pour RTE
Forcément, l’alerte du Comité centrale d’entreprise d’EDF de ce mercredi 15 novembre sur les risques de coupure d’électricité cet hiver arrive à point nommé dans ce débat. D’autant qu’une semaine avant, RTE, le transporteur d’électricité encore filiale à 50% d'EDF avait expliqué, lors de la publication de son bilan prévisionnel 2017-2035, qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Certes, François Brottes, président du directoire de RTE, a rappelé que le parc de production d’électricité français était maintenant "ajusté aux besoins de consommation" et que "jusque 2020 nous n’avons plus de surplus" avant d'ajouter qu’il n’est "pas possible de fermer des moyens de production en sus du fioul sans dégrader la situation". Selon les 2000 scénarios que RTE a fait tourner en prenant en compte les capacités des voisins européens, François Brottes anticipe "une consommation pour l‘hiver à venir stable comparée à cette de 2016-2017", une "capacité attendue d’effacement de 2500 MW, stable elle aussi" et "une croissance des capacités d’importations d’électricité en cas de besoins accrus grâce au retour de l’interconnexion avec l’Angleterre qui a retrouvé son plein régime". De plus, RTE pense que si 19 réacteurs nucléaires sont aujourd’hui à l’arrêt, ils devraient pour la plupart être redémarrés d’ici à l’hiver, et seuls "trois ou quatre réacteurs seront encore arrêtés" début 2018.
En conséquence de quoi, RTE estime qu’en novembre, décembre et début janvier, le réseau sera "dans une situation plus confortable que l‘année dernière" [et] qu'en condition normale l’hiver devrait se passer normalement". Certes, on n’est pas à l’abri d’une forte chute de température, et RTE place "cet hiver sous surveillance, surtout sur janvier et février". Les moyens exceptionnels pour palier un pic de consommation trop important sont bien prévus. Ils sont au nombre de quatre activables par palier. D’abord, demander aux consommateurs des gestes citoyens pour réduire la demande sur les pics du matin et de 19 heures. Ensuite, activer les 1500 MW d’effacement négociés avec les industriels. Puis si besoin, baisser la tension sur le réseau de 5%, ce qui permet une réduction de 4000 MW. En dernier recours lors d’une vague de froid extrême, il faut se résoudre au délestage, soit des coupures programmées tournantes d’un maximum de deux heures.
Risque d'une France dans le noir pour le CCE d'EDF
Le CCE d’EDF n’a lui retenu que la dernière partie "mise de l’hiver sous surveillance" des annonces de RTE, et veut l’alerter l'opinion sur les risques d’une "France dans le noir". Virginie Neumayer, présidente de la commission production du CCE d’EDF annonce même que "des coupures d’électricité vont certainement se produire cet hiver". Pour appuyer ses dires, elle invoque ce soir du 25 janvier 2017 à 19 heures, quand "la France est passée tout près de la coupure électrique", de l’aveu même de François Brottes, président de RTE. Or depuis cette date les deux centrales à fioul d’EDF en métropole ont fermé, retirant 1400 MW de capacité de production du parc. "La sécurité d’approvisionnement s’est largement dégradée", regrette Virginie Neumayer.
Pour asseoir son analyse, le CCE a commandé une étude à l’institut Energie Développement (IED) sur l’équilibre entre l’offre et la demande sur le réseau électrique français interconnecté. Dans ses conclusions, l’IED avance que contrairement à RTE, qui prévoit une diminution de la demande sur la période 2016-2021 de 479 à 471 TWh, il prévoit une augmentation à 490 TWh en 2021. Les scénarios optimistes de RTE partiraient donc sur des bases fausses. Et l’IED conclut que "la capacité de production en pointe du parc français complétée par ces importations possibles ne garantit pas la sécurité d’approvisionnement de la France lors d’un hiver un peu rude".
Les investissements questionnés
Le CCE d’EDF ne fait pas pour autant jouer son droit d’alerte comme il l’avait fait il y a deux ans au sujet des données financières. Mais il profite de ce débat pour rappeler son opposition à la fermeture de la centrales de Fessenheim, et surtout ses propositions de relancer l’investissement dans de nouveaux moyens de production d’électricité "pilotables", contrairement aux énergies renouvelables qui, de par leur intermittence, ne le sont pas. "Il faut engager la construction de nouveaux moyens de production nucléaire, combiné GAZ-biomasse et hydraulique STEP", détaille Véronique Neumayer. Rien que pour les STEP, les représentants syndicaux d’EDF auraient identifié près de 6000 MW de potentiel en France.
Mais, la capacité d’investissement d’EDF est désormais entièrement concentrée sur le parc nucléaire et le projet d’Hinkley Point C au Royaume-Uni, la maintenance des installations hydrauliques existantes et le développement de nouvelles capacités d’éolien et photovoltaïques, principalement à international. Des investissements qui entrent dans le plan Cap 2030 défini par Jean-Bernard Levy, le PDG d’EDF en 2015. Mais c’est peut-être justement ces objectifs à 15 ans, que le gouvernement demande à EDF d’adapter à la nouvelle donne de la transition énergétique en France. Le passage de l’hiver 2017-2018, avec ou sans coupures, n’y changera rien.
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