"L’avantage écologique des véhicules électriques n’est pas si évident", selon Antoine Decelle
Antoine Decelle est manager au sein de l’équipe Energie du cabinet Colombus Consulting. Avec ses équipes, il étudie la place de la voiture électrique dans la transition énergétique. Pour justifier les lourds investissements sur le sujet, il juge qu’il faut miser avant tout sur les conséquences sanitaires.
L'Usine Nouvelle - Dans la loi de transition énergétique, le véhicule électrique est mis en avant. Est-ce une bonne chose ?
Antoine Decelle - L’environnement politique, en particulier la loi de transition énergétique, pousse au développement des véhicules électriques en raison de leur avantage écologique. Or ce point suscite un débat assez vif. Les études, qui visent à rationaliser cette question, montrent que l’avantage écologique de ce type de véhicules n’est pas si évident. En se basant sur le dégagement de gaz à effet de serre, nous avons des situations disparates selon le mix énergétique des pays concernés. En France, sur l’ensemble de la chaine, un véhicule électrique dégage 55 % de CO2 de moins qu’un véhicule diesel. En Allemagne, il y a quasiment une égalité entre les rejets des voitures électrique et thermique.
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En France, l’intérêt est réel…
L’avantage du véhicule électrique en termes d’émissions de CO2 est très net en France du fait de l’importance du nucléaire dans notre production d’électricité, ce qui pose d’autres questions environnementales. Par ailleurs, même si la propulsion électrique offre des qualités intrinsèques indéniables, la production des véhicules soulève néanmoins des questions sur l’ensemble de sa chaîne.
Construire des batteries demande des quantités d’énergie considérables et fait appel à des matériaux rares comme le lithium, dont l’extraction comporte des risques sociaux et environnementaux lourds dans les quelques pays qui possèdent des ressources. La loi de transition énergétique fait donc un pari sur l’avenir et sur la capacité à améliorer cette technologie. C’est un investissement à très long terme. L’acceptation de ce pari est d’autant plus difficile que la loi française prévoit de diminuer la part du nucléaire, ce qui diminuerait mécaniquement l’avantage écologique à court terme de la voiture électrique.
La voiture électrique n’est donc pas un bon investissement pour l’avenir ?
Ce n’est pas ce que nous disons. Si on regarde uniquement la problématique du réchauffement climatique, le discours pro-électrique est difficile à tenir. Mais il y a un sujet plus immédiat que celui des émissions de gaz à effet de serre, c’est la santé publique. Le développement des véhicules électriques se fait aujourd’hui dans des zones urbaines denses, plus à même de rentabiliser les infrastructures de recharge. Il y a donc une délocalisation de la pollution. Les particules nocives ne sont pas dégagées là où le service de mobilité est employé. On concentre les usages et on délocalise les externalités négatives, les centrales et les usines de batteries, dans les zones faiblement peuplées.
Ce facteur est-il pris en compte ?
Insuffisamment. C’est le ministère de l’Ecologie qui traite le sujet de la mobilité électrique. On n’entend pas le ministère de la Santé s’exprimer sur cette opportunité. Or les effets des voitures électriques sur l’environnement se feront sentir dans des dizaines d’années, alors que ceux qui concernent la santé seront immédiats.
En France, le coût de la pollution due aux transports sur la santé publique a été évalué par l’OCDE à 40 milliards d’euros par an. Avec ce prisme, il y a un vrai sens économique à subventionner les véhicules électriques avec un très fort retour sur investissement à attendre.
Propos recueillis par Ludovic Dupin
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