L'Ukraine table sur l'aide russe pour relancer l'économie
KIEV (Reuters) - Le Premier ministre ukrainien, Mikola Azarov, a salué mercredi le plan d'aide financière de 15 milliards de dollars accordé par la Russie à l'Ukraine comme un accord "historique" alors que les manifestations antigouvernementales se poursuivent à Kiev.
Le plan de sauvetage financier de l'Ukraine a été annoncé mardi à Moscou par le président Vladimir Poutine et son homologue ukrainien, Viktor Ianoukovitch. Il comprend notamment un baisse d'un tiers du prix du gaz russe vendu à l'Ukraine.
"Hier s'est produit un événement historique. Le président est parvenu à un accord sur des conditions exceptionnellement avantageuses pour financer l'économie ukrainienne, ce qui nous permettra de mettre en oeuvre un programme de grande ampleur pour la modernisation économique", a déclaré Mikola Azarov lors d'une réunion du gouvernement.
Il a précisé que la baisse du prix du gaz s'appliquerait à compter du 1er janvier et jusqu'à la fin du contrat, en janvier 2019. Mikola Azarov a dit en outre qu'il proposerait une baisse de l'impôt sur les sociétés à partir de 2014 pour le ramener de 19% à 18%. La hausse des dépenses sociales se poursuivra.
La place centrale de Kiev est restée toutefois occupée mercredi par les manifestants qui souhaitent un rapprochement avec l'Union européenne plutôt qu'avec le grand voisin russe. Des appels à la démission du président Ianoukovitch se sont fait entendre.
"Les gens finiront par avoir ce qu'ils veulent. Nous signerons avec l'Europe. C'est la raison de ma présence ici", expliquait Cnejana, une ouvrière qui a passé la nuit sur la place de l'Indépendance, dans la neige et le froid.
"C'est difficile d'imaginer que ça pourra finir par autre chose qu'un changement de pouvoir", a renchéri Irina Litvinianko, une femme d'affaires.
ACCORD GAGNANT-GAGNANT
Les agences de notation S&P et Moody's ont estimé mercredi que l'aide russe pourrait bénéficier à la note souveraine de l'Ukraine, actuellement en catégorie spéculative. Kiev doit couvrir un besoin de financement de 17 milliards de dollars l'an prochain pour éviter de faire défaut sur le paiement de sa dette.
Le ministre russe des Finances a précisé que l'Etat russe achèterait pour trois milliards de dollars d'obligations ukrainiennes dès la fin de la semaine, sur le total de 15 milliards de dollars prévu.
Dans une interview accordée à Reuters, Anton Silouanov a estimé que l'accord bénéficierait aux deux économies.
"Les actifs ukrainiens ne sont certainement pas aussi bien notés que les autres valeurs dans lesquelles nous investissons nos réserves", a-t-il dit. "Mais nous savons que nous devons soutenir notre voisin, car nous avons des liens commerciaux et économiques étroits."
Pour Anton Silouanov, la Russie avait beaucoup plus à perdre à ne pas aider Kiev. "Je suis convaincu que nous sommes gagnants", a-t-il insisté.
Les marges de la société Gazprom, qui va livrer du gaz à prix cassé, pourraient ne pas être autant affectées par l'accord qu'il n'y paraît de prime abord, estiment par ailleurs certains analystes. Ils soulignent que la baisse des prix (de 400 à 268,5 dollars les 1.000 litres cubiques) pourrait être compensée par une hausse des importations ukrainiennes.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a critiqué devant les députés russes "les pressions manifestes" que l'UE continue à exercer selon lui sur l'Ukraine, malgré l'accord signé mardi à Moscou.
Soucieuse d'apaiser les tensions, la chancelière allemande, Angela Merkel, a déclaré de son côté sur la chaîne de télévision ARD que les liens avec la Russie n'empêcheraient pas l'Ukraine de regarder vers l'Ouest.
Gabriela Baczynska et Natalia Zinets, avec Steve Gutterman et Lidia Kelly à Moscou, Danielle Rouquié et Tangi Salaün pour le service français, édité par Gilles Trequesser