L'AG de Monte Paschi reporte l'augmentation de capital
par Silvia Aloisi
SIENNE, Italie (Reuters) - La banque italienne en difficulté Monte dei Paschi di Siena a été contrainte samedi de reporter une augmentation de capital de trois milliards d'euros censée lui éviter une nationalisation mais qui se heurte à l'opposition d'une partie de ses actionnaires.
La plus vieille banque du monde doit lever des capitaux frais pour rembourser l'aide de 4,1 milliards d'euros reçue de l'Etat italien au début de l'année, alors que la crise de la zone euro et de lourdes pertes sur le marché des produits dérivés menaçaient sa solvabilité.
Le groupe, numéro trois du secteur bancaire italien, a vu sa capitalisation boursière fondre au fil des mois, au point que celle-ci est désormais inférieure au montant de l'augmentation de capital projetée.
Sa direction, conduite par le président Alessandro Profumo et l'administrateur délégué Fabrizio Viola, voulait lancer l'appel au marché dès janvier mais l'assemblée générale réunie samedi a rejeté ce calendrier.
Le premier actionnaire de la banque, une fondation à but non lucratif étroitement liée aux milieux politiques de Toscane et qui détient 33,5% du capital, souhaite en effet disposer de plusieurs mois pour tenter de vendre sa participation.
Des sources proches du dossier ont rapporté qu'Alessandro Profumo pourrait démissionner après ce revers cuisant.
Banquier d'expérience et très respecté dans le secteur, le président de Monte Paschi avait obtenu d'un pool de banques l'engagement de garantir l'augmentation de capital, mais uniquement à condition que celle-ci soit lancée avant la fin janvier.
Il a expliqué samedi qu'un report de l'opération la rendrait plus difficile car elle risquerait de coïncider avec d'autres appels au marché susceptible d'être lancés par des banques italiennes et européennes après l'examen des bilans des principales institutions financières de la zone euro.
"Aujourd'hui, nous sommes certains que nous pouvons la mener à bien. Si nous la retardons, nous entrerons dans une période d'incertitude", a-t-il dit.
MENACE DE NATIONALISATION
Alessandro Profumo a expliqué samedi qu'une réunion du conseil d'administration était déjà prévue en janvier et qu'il arrêterait d'ici-là sa position sur une éventuelle démission.
"C'est une décision qu'on prend la tête froide et dans les conditions appropriées", a-t-il dit.
La presse italienne a rapporté que l'ancien membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE) Lorenzo Bini Smaghi et Carlo Salvatori, qui siège au directoire de l'assureur allemand Allianz, figuraient parmi les candidats possibles à la présidence de Monte Paschi dans l'éventualité d'un départ d'Alessandro Profumo.
Antonella Mansi, une femme d'affaires de 39 ans récemment nommée à la tête de la fondation Monte dei Paschi, a assuré que son insistance à reporter l'augmentation de capital n'équivalait pas à un vote de défiance envers la direction.
Elle a expliqué que lancer l'opération en janvier aurait pour effet de diluer considérablement la participation de la fondation et qu'elle la priverait de tout moyen de rembourser ses propres dettes, qui s'élèvent à 340 millions d'euros.
"Nous avons le devoir clair d'assurer la survie" de la fondation, a-t-elle dit. "Vous ne pouvez pas nous demander de la laisser tomber en ruines."
Pour les analystes, cependant, le report de l'augmentation de capital et l'éventuelle démission d'Alessandro Profumo pourrait remettre en cause le redressement même de Monte Paschi.
"Il est important de mener à bien l'augmentation de capital dès que possible", explique Roberto Lottici, gérant d'Ifigest. "Le risque, c'est que la banque soit obligée de mener dans la précipitation un appel au marché à un prix inférieur à celui qu'elle obtiendrait aujourd'hui."
Le maire de Sienne, Bruno Valentini, dont la municipalité est le premier actionnaire de la fondation Monte dei Paschi, a déclaré vendredi qu'un report de l'opération pourrait aider à assurer le maintien du capital entre des mains italiennes.
"On ne peut pas laisser la troisième banque de ce pays devenir une proie pour des intérêts étrangers", a-t-il dit. "Monte dei Paschi n'est pas seulement un enjeu pour Sienne, c'est un enjeu national important."
L'augmentation de capital fait partie des conditions posées par la Commission européenne à son feu vert à l'aide d'Etat reçue au début de l'année. Si la banque ne parvient pas d'ici la fin 2014 à lever les trois milliards prévus, le Trésor convertira en actions les obligations qu'il détient, ce qui équivaudra à une nationalisation.
Monte Paschi, qui prévoit de supprimer 8.000 postes et de fermer 550 agences, souligne quant à elle qu'un report de l'augmentation de capital renchérira de 120 millions d'euros au moins la charge des intérêts sur les dettes dues à l'Etat.
Marc Angrand pour le service français