Japan Display signe un nouvel épisode du fiasco de la politique industrielle du Japon
En situation de faillite, le fabricant japonais d’écrans Japan Display Inc doit son sauvetage à des investisseurs chinois et taïwanais. Son cas démontre encore une fois l’échec de la politique industrielle du Japon. Un exemple à méditer peut-être en France et en Europe.
Le Japon peut pousser un soupir. L’un de ses fleurons technologiques, Japan Display Inc, en situation de quasi-faillite depuis quatre ans, sort enfin de l’ornière. Mais il est renfloué par des investisseurs chinois et taïwanais, et non japonais comme le veut la tradition. Encore une fois, la fierté japonaise en prend un sacré coup. Ce dénouement signe un nouvel épisode de l’impuissance de Tokyo et du fiasco de sa politique industrielle.
Face aux difficultés, le regroupement
L’instrument de politique industrielle du Japon réside dans le fonds d’investissement stratégique Innovation Network Corporation of Japan (INCJ), l’équivalent de Bpifrance. A chaque crise, il est dépêché en pompier avec la mission de garder la technologie, l’essentiel de l’emploi et le contrôle au Japon. Sa stratégie de sauvetage se résume à un mot : regroupement. C’est ainsi qu’en 2012 il crée sous sa bannière Japan Display Inc en regroupant les activités de Hiatchi, Toshiba et Sony dans les écrans LCD de petit et moyen formats. La nouvelle société s’impose alors comme le numéro un mondial des écrans pour smartphones et l’un des fournisseurs clés d’Apple. Mais le basculement plus rapide que prévu des smartphones haut de gamme sur les écrans Oled et la montée des concurrents chinois la plonge dès 2016 dans la tourmente. En quatre ans, elle perd près de 30% de son chiffre d’affaires et cumule près de 3 milliards de dollars de déficit.
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La faute est au management qui n’a pas su diversifier les marchés en dehors des mobiles et anticiper la transition vers la technologie Oled. Mais la grande responsabilité incombe à INCJ qui n’a pas su, en tant que principal actionnaire, accompagner la société dans cette transformation vitale. Manque de vision stratégique, défaut d’agilité, absence d’ouverture internationale… Le fonds cumule tous les travers du modèle d’affaires japonais, qui a fait le succès industriel nippon jusqu’au début des années 1990, mais qui s’avère un échec cuisant depuis le milieu des années 2000.
Sharp dans le giron du taïwanais Foxconn
Japan Display Inc n’est pas un cas isolé. Sur le même modèle, INCJ crée en 2002 Renesas en réunissant l’essentiel des puces électroniques de Hitachi et Mitsubishi Electric, puis en 2010 celles de NEC, trois géants figurant dans le Top 6 mondial des semi-conducteurs dans les années 1980 avant de se faire malmener par les concurrents coréens et américains. Virtuellement, la nouvelle société devait faire figure de leader mondial. Mais le recouvrement de produits, usines et clients la plonge dans plus de cinq ans de crise et de restructuration, avec à la clé la division des effectifs par trois et le nombre d’usines par deux. Aujourd’hui, elle ne figure même pas dans le Top 10 mondial.
Autre cas symptomatique de l’impuissance du Japon : Sharp, un fleuron de l’électronique du pays qui a marqué le développement des écrans LCD, des panneaux solaires ou encore de la télévision à écran plat. Face au rouleau compresseur de Samsung et LG, il est tombé dans des difficultés chroniques entre 2011 et 2016. Pour le sauver, INCJ envisage alors de le démembrer et de regrouper ses écrans LCD avec Japan Display Inc, ses panneaux solaires avec Showa Denko, son électroménager avec ceux de Toshiba et Hitachi, etc. Un projet qui affole la direction et pousse l’entreprise dans les bras du géant taïwanais de la sous-traitance électronique Foxconn. Le Japon perd le contrôle de l’un de ses joyaux industriels. Mais le désastre s’avère finalement salutaire. En moins d’un an, Foxconn redresse le groupe d’Osaka et le remet en contre-offensive, donnant au passage une leçon magistrale de management au pays du Soleil Levant qui se vante d'être un modèle pour la Chine et Taïwan.
L'erreur d'INCJ réside dans la croyance que le regroupement est la solution à tous les maux. Or cette formule ne fonctionne que si les activités réunies sont complémentaires. Ce n'était le cas ni des écrans LCD de Sony, Toshiba et Hitachi, ni des puces électroniques de Hitachi, Mitsubishi Electric et NEC.
Le patron de Panasonic parmi les rares voix critiques
Paradoxalement, ces échecs répétés ne suscitent dans l'archipel nippon aucune critique et aucun débat. Ils sont vécus à la fois comme des événements douloureux et une fatalité. La réalité c'est que le pays, affaibli par une terrible débâcle dans l'électronique grand public, la télévision, les mobiles, les PC, les équipements télécoms, les écrans plats, les panneaux solaires ou encore les semi-conducteurs, n'a plus les moyens de sa politique industrielle. Il se résigne à voir ses joyaux industriels passer sous contrôle étranger. Kazuhiro Tsuga, PDG de Panasonic, fait partie des rares voix qui osent mettre le doigt sur les causes de faillite du modèle japonais.
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