Ineos et Solvay prêts à associer leurs divisions pour former un géant
Les rumeurs étaient bien fondées : Ineos ne compte plus être seul à bord des ses activités chloro-vinyliques et négociait bien avec Solvay. Le 7 mai dernier, les deux géants européens du secteur ont officialisé la signature d'un accord de principe pour rassembler leurs activités et actifs de polychlorure de vinyle (PVC), de soude caustique et de dérivés chlorés au sein d'une coentreprise détenue à parts égales. De quoi constituer un géant avec un chiffre d'affaires de 4,3 milliards d'euros, un Ebitda récurrent de 257 M€, 5 650 salariés, et doté de 17 sites industriels en Europe. Cette union permettrait à Solvay et Ineos, respectivement n°3 et 4 mondial du PVC, de destituer Formosa Plastics de sa place de n°2 et de se positionner juste derrière le leader Shin-Etsu. Surtout, en s'épaulant, les deux partenaires espèrent dégager des synergies essentielles pour continuer de maintenir et même d'améliorer leur compétitivité sur des marchés difficiles et cycliques. Notamment en Europe, où il y a surcapacités alors que la demande en PVC a chuté de 30 % depuis 2007 avec les crises, et que les exportations hors Europe de chloro-vinyles faiblissent. Sans compter que les coûts de l'énergie rognent toujours plus les marges et que la « divergence du scénario énergétique avec les États-Unis », en raison de la révolution des gaz de schiste, « devrait continuer à augmenter la pression sur l'Europe », juge Solvay. En termes de synergies, les deux partenaires envisagent de spécialiser les usines par gammes de produits, d'améliorer leurs procédés de production, d'optimiser les achats de matières premières et d'énergie, et de réduire les coûts logistiques, entre autres. La coentreprise bénéficierait également de deux points relativement capitaux. D'abord, elle disposerait de 8 unités d'électrolyse à technologies à membrane, dont 5 apportées par Solvay, bien plus modernes et écologiques que celles à mercure. Ensuite, elle pourrait à court terme bénéficier d'éthylène moins cher en raison des projets qu'Ineos a mis en place pour obtenir de l'éthane américain très compétitif ces derniers mois.
Une géographie complémentaireD'un point de vue comptable, si le projet est finalisé, Solvay verserait dans la coentreprise des activités qui ont compté pour un chiffre d'affaires de 1,9 Mrd € l'an dernier. Sept usines dans cinq pays européens, de la Belgique à l'Espagne en passant par les actifs concernés du gigantesque site français de Tavaux (Jura), ainsi que 2 300 salariés rejoindraient la coentreprise. Les actifs de SolVin, coentreprise entre Solvay (75 %) et BASF (25 %) seraient versés, y compris la part de SolVin dans le vapocraqueur à Feyzin (Rhône). En revanche, Rusvinyl, la coentreprise avec Sibur, ne sera pas incluse dans le projet. De son côté, Ineos, à travers sa division Ineos ChlorVinyls, connue aussi sous le nom de Kerling, apportera des activités qui ont généré des ventes 2012 de 2,4 Mrds €. Dix usines dans sept pays, plus au nord de l'Europe et en Scandinavie et 3 350 salariés rejoindraient la coentreprise. Ineos exclue en revanche de reverser les 50 % détenus par Kerling dans le vapocraqueur d'Ineos à Rafnes en Norvège.
La transformation de SolvayL'accord prévoit enfin un mécanisme de sortie pour Solvay. D'ici quatre à six ans, Ineos pourrait devenir seul maître à bord en reprenant la part et les actifs du groupe belge fondus dans la coentreprise « pour une valeur calculée sur un multiple de 5,5 fois l'Ebitda récurrent de milieu de cycle », explique Solvay. Le chimiste belge recevrait également 250 M€ de prépaiement dès que l'accord serait conclu. A moyen terme, cette sortie des chloro-vinyles serait une révolution pour Solvay, qui se détacherait de son héritage pour se positionner alors presque uniquement sur des segments à plus forte marge. Une stratégie de plus en plus visible depuis que le groupe a intégré Rhodia en son sein, et depuis que l'ancien dirigeant du groupe français, Jean-Pierre Clamadieu, est aux commandes de Solvay. Cet aspect de l'accord signé avec Ineos est la seule ombre au tableau pour les syndicats, inquiets désormais de l'avenir à moyen terme des sites de Solvay concernés par l'opération.