Industrie du futur : « Mettre en avant l'excellence française »
Créée en juillet 2015, l'Alliance pour l'Industrie du Futur compte désormais les chimistes dans ses rangs. L'occasion de détailler avec Tahar Melliti, directeur général de l'organisation, ses objectifs et réalisations.
Infochimie magazine : Comment est née l'Alliance pour l'Industrie du Futur ?
Tahar Melliti : L'Alliance a été créée le 20 juillet 2015. Elle fait suite au 34e plan d'Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, dont l'objectif était de transformer l'outil de production pour le mettre au meilleur niveau mondial et relancer ainsi la course à la compétitivité de nos usines. Revisité par Emmanuel Macron, son successeur à la tête du ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, ce plan a été élargi et intègre désormais, sous le nom Industrie du futur, des composantes comme la « supply chain », la relation clients... Des acteurs industriels (organisations professionnelles) mais aussi des acteurs de la recherche technologique et académique ont décidé de s'associer pour mettre en oeuvre ce plan. À l'origine, l'Alliance comptait 11 membres qui étaient répartis dans trois collèges : les fédérations et syndicats professionnels ; les acteurs technologiques et les acteurs académiques. Aujourd'hui, nous sommes 19 membres.
VOS INDICES
source
612.5 -2.93
Février 2023
Phosphate diammonique (DAP)
$ USD/tonne
82.8 +0.36
Février 2023
Cours des matières premières importées - Pétrole brut Brent (Londres) en dollars
$ USD/baril
163.1 +0.87
Janvier 2023
Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français − CPF 20.30 − Peintures Industries
Base 100 en 2015
Quels sont les axes de travail de l'Alliance ?
T.M. : Nous avons défini six axes de travail. Ils sont issus du plan initial mais nous avons très largement élargi leur portée. Il s'agit du déploiement régional, de la mise en place de vitrines technologiques, d'amener à maturité les nouvelles technologies, l'enjeu de la normalisation et enfin, la formation des salariés à ces nouveaux outils industriels. Nous voyons des initiatives similaires se constituer aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie... Il y a une prise de conscience mondiale sur le fait de changer de manière de concevoir et produire. Il y a une urgence à basculer vers cette industrie du futur qui sera une manière de faire perdurer le modèle social auquel nous sommes attachés. Depuis le 20 juillet 2015, nous avons bien engagé nos travaux sur chacun de nos axes de travail et ce, avec des visées extrêmement concrètes et opérationnelles pour les entreprises que nous ciblons. Des premiers résultats sont d'ores et déjà visibles et concrets pour les entreprises et les salariés.
Votre 1er axe concerne les régions. Quelles sont vos actions ?
T.M. : L'objectif est d'accélérer le changement de « business model » des PME, PMI et ETI. Nous travaillons main dans la main avec les Conseil régionaux. Cette notion d'accompagnement dans les territoires, nous la voulons extrêmement proche des entreprises. Nous nous associons avec les régions. Ce sont elles qui lancent les appels à manifestations d'intérêt afin d'amener les PME à s'identifier pour entrer dans le processus pour un accompagnement. La première étape consiste à réaliser un audit au sein de l'entreprise. Cette évaluation dure entre une semaine et dix jours et peut être financée entre 50 et 100 % par la région. À l'issue de cet audit, un diagnostic est remis avec des recommandations qui vont permettre d'entrer dans la 2e phase. Nous avons constitué une base de près de 500 experts qui peuvent être mobilisés pour accompagner les entreprises dans cette deuxième phase. Cela peut, par exemple, consister à aider l'entreprise à réaliser le cahier des charges, analyser les réponses... Il peut également y avoir un co-financement régional. Début février, près de 1 200 PME et PMI étaient engagées dans le processus de diagnostics ou d'investissements destinés à accélérer leur transformation et leur modernisation. L'objectif qui avait été fixé à la création de l'Alliance était de permettre à 2 000 PME/PMI de bénéficier de ce processus d'accompagnement à l'horizon 2017. Nous serons largement au-delà !
Vous avez également créé la Vitrine technologique. En quoi consiste-t-elle ?
T.M. : L'objectif est de mettre en avant l'excellence française en termes de technologie et de savoir-faire, tant au niveau national qu'international. Nous voulons montrer que l'innovation est capable d'entrer dans les usines et dans l'entreprise de manière générale et que les entreprises y gagnent en efficacité industrielle. L'entreprise qui souhaite être labellisée nous envoie un dossier de candidature. Nous avons défini une charte, disponible sur notre site Internet, sur laquelle figurent les exigences. La place de l'homme doit être centrale dans le projet qui doit également comporter une attention forte à la réduction de l'empreinte environnementale. Enfin, la vitrine doit être constituée majoritairement de produits ou solutions fabriqués en France. Nous voulons montrer le savoir-faire français. Aujourd'hui, nous avons labellisé quatre projets portés par Air Liquide, Bosch, la SNCF et Daher. Bien que nous recevions de nombreuses demandes, je lance une appel fort aux PME/PMI et ETI à se faire connaître.
Quelles sont vos actions pour amener à maturité les technologies du futur ?
T.M. : Nous nous intéressons aux technologies qui sortent de la recherche ou de l'étape de démonstrateur. Nous avons défini sept technologies prioritaires : la fabrication additive, les nou-veaux matériaux et les composites, la robotique avancée, la virtualisation de la chaîne de valeur, le monitoring et le contrôle, l'efficacité énergétique et la place de l'homme dans l'usine. Nous constituons des consortiums d'acteurs afin de mettre en place des plateformes ou projets collaboratifs. Aujourd'hui, 12 plateformes ont été identifiées et sont en cours d'instruction à Bpifrance. En octobre 2015, le gouvernement a lancé un appel à projets de 100 M€, Piave Industrie du futur, pour accompagner ces développements. De même, autour de l'axe de la valorisation des technologies, nous voulons donner de la visibilité à des technologies qui existent, en particulier portées par des PME, mais ne sont pas assez connues afin qu'elles soient implémentées dans les filières industrielles classiques. Il faut permettre à ces entreprises offrant des solutions de mieux valoriser leur produits et aux acteurs de la demande d'introduire ces technologies dans leurs entreprises pour gagner en compétitivité.
Vous vous intéressez également à la normalisation et à la formation. Quels sont les enjeux ?
T.M. : En termes de normalisation, nous manquons de coordination de tous les acteurs industriels, pour définir un message et le porter dans toutes les instances internationales. Enfin, le dernier volet est essentiel pour l'Alliance. C'est d'ailleurs le coeur de notre spécificité par rapport à toutes les initiatives mondiales : la place du salarié. Nous pouvons imaginer les meilleurs outils industriels de demain, ce sera compliqué si nous n'avons pas les salariés compétents pour les utiliser. Nous travaillons sur deux composantes : l'identification des nouvelles compétences pour les métiers de demain et les formations qu'il faudra mettre en oeuvre. Bien évidemment, lorsque nous parlons formation, nous intégrons à la fois la formation continue des salariés d'aujourd'hui et la formation initiale pour les étudiants, futurs salariés. Ainsi, dans le cadre du projet « Osons l'industrie du futur », que nous avons déposé auprès de l'ANRU œndlr, Agence nationale pour la rénovation urbaineæ et du Commissariat général à l'investissement, nous souhaitons constituer un portail destiné à informer les jeunes et les salariés aux métiers de demain et à la manière de se former pour pouvoir exercer. Ce projet a reçu un avis favorable de financement par l'ANRU.
Avez-vous identifié des problématiques liées à l'industrie chimique ?
T.M. : L'Union des industries chimiques (UIC) nous a rejoints en décembre 2015. Nous n'avons pas encore identifié concrètement des éléments spécifiquement dirigés vers elle. Les choses sont en train de se construire. Néanmoins, nous avons eu en janvier la labellisation de la Vitrine Air Liquide. C'est exemplaire d'une entreprise très largement centenaire en train de se renouveler. Avec son projet Connect, Air Liquide crée en France son premier centre d'opération et d'optimisation à distance. Il permettra de piloter et d'optimiser la production, l'efficacité énergétique et la fiabilité d'une vingtaine de sites de production de gaz d'Air Liquide et d'adapter les flux en temps réel, en fonction des besoins des clients. Connect associe les équipes des sites de production et le tissu économique local, avec plus de 10 start-up françaises. Il représente un investissement total de 20 M€ d'ici 2017.
DATES À RETENIRDu 6 au 9 décembre 2016 L'Alliance pour l'industrie du futur organisera le salon « Industrie du futur » au parc des expositions de Paris Nord Villepinte. Il concernera les « savoir-faire industriels et les atouts des acteurs économiques dans l'industrie du futur », selon l'organisation.
LES 19 MEMBRES DE L'ALLIANCE- AFDEL (Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet), - Arts et Métiers ParisTech, - CCI France, - CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), - Cercle de l'industrie, - CESI (Centre des études supérieures industrielles), - CETIM (Centre technique des industries mécaniques), - FIEEC (Fédération des indus-tries électriques, électroniques et de communication), - FIM (Fédération des industries mécaniques), - Fédération de la plasturgie, - Gimélec (Groupement des industries de l'équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés), - Institut Mines-Télécom, - Institut de soudure, - JVMV (Jules Verne manufacturing valley), - PFA (Plateforme automobile), - SYMOP (Syndicat des machines et technologies de production), - Syntec Numérique (syndicat professionnel des éditeurs, et sociétés de conseil en technologies), - UIC (Union des industries chimiques) - UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie).