Industrie du futur : La chimie entame sa transformation digitale

En collaboration avec les magazines Usine Nouvelle et InfoChimie, l'Union des industries chimiques (UIC) a réalisé une grande enquête sur la transformation digitale dans l'industrie chimique. InfoChimie magazine publie en exclusivité les principaux résultats de l'enquête qui démontrent que la profession n'a pas attendu pour se mobiliser sur le sujet.

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Industrie du futur : La chimie entame sa transformation digitale

La transformation digitale touche toutes les strates de l'économie en France et dans le monde. Le domaine des services a été le premier impacté avec le boom du commerce en ligne, ou la transformation de métiers comme l'hôtellerie ou le transport, à la suite de l'arrivée de nouveaux acteurs comme Airbnb ou Uber. Mais l'industrie n'a pas été épargnée. Certains évoquent même l'avènement d'une quatrième révolution industrielle (d'où le terme d'Industrie du futur), après le développement de la machine à vapeur et de la mécanisation à partir du XVIIIe siècle, de l'électricité à la fin du XIXe siècle et de l'automatisation au XXe siècle. Est-ce une menace ou une opportunité pour les industriels sur le territoire français ? Pour les plus optimistes, pas de doute : la transformation digitale offre une opportunité unique de combler le retard d'investissement productif pris par la France pendant la dernière décennie, avec l'espoir de remettre notre industrie au meilleur niveau mondial. Outre la modernisation de l'outil de production, la transformation digitale promet aussi aux industriels de transformer leurs modèles d'affaires, leurs organisations, leurs modes de conception et de commercialisation.

Pour donner le tempo, le président de la République a lancé, en avril 2015, le programme Alliance Industrie du futur qui réunit des industriels, des écoles d'ingénieurs, des organismes de recherche et techniques, le Conseil national de l'industrie (CNI) autour d'un projet commun de modernisation et de transformation de notre modèle industriel par le numérique. Parmi les membres actifs, l'Union des Industries chimiques (UIC) s'est ralliée au mouvement, dès novembre 2015, considérant que le sujet concernait les industries de procédé.

Industrie fortement automatisée, la chimie avait déjà commencé à travailler sur des technologies d'interconnexion de ses machines au sein de ses sites de production mais aussi vers l'extérieur (clients, partenaires, autres sites de production), qui sont souvent citées comme des technologies de référence de la transformation numérique. Via l'usage croissant de capteurs, la contribution de ses services analytiques ou celle de ses services commerciaux..., l'industrie chimique est aussi une industrie qui génère depuis toujours des volumes considérables de données (des « data ») qu'elle a toujours essayé d'analyser et d'utiliser avec pertinence. Pour autant, comment se situe exactement l'industrie chimique dans ce grand chantier de la transformation numérique ? Qu'est-ce que les industriels de la chimie peuvent attendre concrètement de cette révolution, de l'arrivée des outils connectés ou du passage de l'ère du « data » à l'ère du « big data » ? Comment prioriser ses investissements et ses actions pour bénéficier pleinement de ce mouvement, compte tenu des spécificités de la chimie par rapport à d'autres secteurs industriels ou au monde des services ?

Pour tenter de répondre à ces questions, l'UIC, en collaboration avec les magazines Usine Nouvelle et InfoChimie magazine a lancé une grande enquête sur la transformation digitale dans l'industrie chimique. 232 dirigeants ou managers de l'industrie chimique ont participé à l'étude. Parmi les répondants, 40 % évoluaient dans des entreprises de plus de 250 salariés (contre 60 % dans les entreprises de moins de 250 salariés). En parallèle, un forum prospectif a permis d'interroger 10 experts sur les enjeux de la transformation numérique. Quelques-uns des principaux résultats sont dévoilés en exclusivité dans nos colonnes.

L'industrie chimique déjà engagée dans la transformation digitale

C'est l'un des premiers enseignements de l'enquête : 82 % des sociétés interrogées ont déclaré être engagées dans la transformation digitale (ou vouloir le faire au cours de cette année 2017). Un pourcentage qui grimpe à plus de 92 % dans le cas des entreprises de plus de 250 salariés. Ce résultat confirme que l'industrie chimique s'intéresse au sujet, au même titre que l'ensemble de l'industrie. Le sujet est même considéré comme stratégique par les industriels de la chimie. À la question « Qui porte la transformation numérique dans votre entreprise ? », 79 % des entreprises interrogées ont déclaré privilégier des ressources en interne, tandis que seules 20 % des répondants préfèrent recourir à des consultants. Ces résultats, qui sont très similaires pour les entreprises de plus ou de moins 250 de salariés, montrent que les industriels de la chimie ont choisi massivement de s'emparer du sujet en interne plutôt que de l'externaliser. Ceci prouve l'aspect stratégique de la transformation numérique pour les industriels de la chimie. Cependant, seules 6,8 % des entreprises ont d'ores et déjà nommé un Chief Digital Officer (CDO), un pourcentage qui grimpe à plus de 12 % pour les plus grandes entreprises.

Les outils de la mobilité et le big data plébiscités

Le sujet de la transformation digitale se confond souvent avec celui de l'industrie du futur et la capacité à intégrer toute une série d'innovations technologiques encore en développement. C'est ainsi qu'une liste de technologies emblématiques de cette 4e révolution industrielle a été soumise aux répondants. Ensemble, grandes et petites entreprises ont plébiscité les outils de la mobilité (dont l'usage de tablettes,...), le « big data »/« data sciences », le « cloud computing », la communication « machine to machine » (équipements qui communiquent et interagissent) (Question 1).

Pour comprendre comment s'organise cette mosaïque de technologies, dont l'énumération donne l'impression d'un ensemble de briques technologiques isolées, un expert du forum prospectif explique : « il s'agit de distinguer « le digital technologique » qui s'apparente dans sa finalité à de la capacité de calcul qui permet de monter en puissance, de générer des modélisations, des algorithmes beaucoup plus puissants et « le digital dans le mode de vie » avec un gros impact au niveau organisationnel mais surtout au niveau du management, parce que cela impacte le mode de vie des salariés et la circulation des données ».

Puis, les répondants ont été interrogés plus spécifiquement sur la question du « big data » et de l'analyse des données (« data sciences » ou « data analysis ») (Question 2). 50 % des entreprises interrogées ont estimé disposer de compétences en interne pour traiter ces sujets, mais autant d'entreprises ont confié qu'elles auraient besoin d'intégrer de nouvelles compétences. Quant aux gains apportés par le « big data » et les « data sciences », les industriels ont d'abord mentionné la gestion de la documentation technique qui est arrivée en tête, puis le domaine de la production, de la logistique et de la relation client. Les entreprises de plus de 250 personnes ont cependant eu plus de mal à hiérarchiser les bénéfices du « big data », plaçant également sur le même plan la R&D et la gestion des commandes parmi les principaux bénéficiaires de cette technologie. Et pour cause, le big data devrait jouer un rôle très important dans tous les secteurs de l'entreprise. Son gros atout étant sa capacité à réaliser des prédictions en tout genre : sur les perspectives de marché, sur l'état des équipements de procédés (maintenance prédictive), sur les conditions opératoires optimales à utiliser, etc.

En revanche, la fabrication additive, dont on parle beaucoup dans l'industrie manufacturière comme dans le grand public, ressort en queue de peloton. Son utilité pour l'industrie chimique reste à démontrer. Pour l'heure, cette technologie est surtout assimilée au prototypage qui reste peu utilisé dans ce secteur de la chimie. Pourtant, elle pourrait être envisagée dans la fabrication de pièces de rechange pour des équipements du coeur du procédé (par exemple, des pompes, des vannes, des compresseurs) ou pour la fabrication d'équipements chimiques eux-mêmes (éléments de réacteurs ou microréacteurs).

De la même façon, seuls 10 % des industriels de la chimie utilisent des technologies de réalité augmentée. Un pourcentage qui ressort à moins de 6 % pour les entreprises de moins de 250 salariés. Des bénéfices sont néanmoins perçus en assistance à la production, à la maintenance et dans l'entretien des équipements.

Des industriels et fournisseurs de technologies à mettre en relation

Quelles que soient les technologies retenues pour équiper les usines, l'enquête met l'accent sur la nécessité de mettre en relation les offreurs de solutions avec les industriels de la chimie : les premiers devant s'approprier les contraintes de l'industrie chimique, qui est notamment une industrie fortement réglementée soumise à des réglementations telles que Seveso ou Atex, et les seconds devant exprimer leurs attentes vis à vis du digital. En effet, près de la moitié des entreprises interrogées ont déclaré ne pas avoir eu à leur disposition des offres adaptées à leurs besoins. Et pour cause. Il va falloir rapprocher des mondes qui s'ignorent. Dans le domaine du « big data » et des « data sciences » par exemple, chimistes et mathématiciens vont devoir se côtoyer. Un expert ayant participé au forum prospectif commente : « La « data science » n'est pas magique. Il ne s'agit pas d'utiliser des algorithmes qui tournent à l'aveugle, quelle que soit l'application. Il y a un gros travail d'adaptation. La collaboration avec les mathématiciens et les experts du domaine est fondamentale... et l'expérience. Je sais que c'est souvent là que le bât blesse. Il faut qu'il y ait une véritable volonté des différents acteurs de travailler ensemble ».

L'organisation du travail bouleversée

Interrogés sur les impacts de la transformation digitale sur leurs entreprises, les répondants ont estimé que la transformation digitale aurait, en premier lieu, un effet positif sur l'organisation du travail (Question 3). Un expert souligne : « L'organisation sera a priori moins hiérarchique, laissant plus d'autonomie et d'initiatives aux différents niveaux voire une meilleure délégation tout en responsabilisant ». Les hommes et les femmes de l'industrie chimique joueront un rôle central dans leur capacité à intégrer ces nouvelles technologies. Un expert du forum prospectif a même estimé que les objets connectés pourraient « faire rebasculer l'opérateur sur des missions à plus grande valeur ajoutée que la recopie manuelle de données brutes, la vérification de ces données, l'archivage de papier... » Sans compter que l'utilisation d'outils et de méthodologies d'avant-garde pourrait contribuer à renforcer l'attractivité de la chimie au regard de nouveaux talents. « Les nouvelles générations Y et Z ne comprennent pas que ces outils qui sont disponibles à titre personnel ne puissent pas être utilisés et mis en place dans le monde professionnel », ajoute un expert. Outre les changements dans l'organisation du travail, les répondants tablent sur une amélioration de la productivité et de la flexibilité de leurs installations, du fonctionnement de leur chaîne logistique et de leurs activités de vente et de marketing. Par ailleurs, 66 % des entreprises interrogées ont estimé que les gains de la transformation digitale sur leur organisation seront plutôt importants, voire très importants.

Des technologies du numérique plus faciles à intégrer

Comme pour toutes nouvelles technologies, 50 % des industriels de la chimie estiment que ces technologies de la transformation digitale vont surtout se déployer sur les nouveaux sites avec une capacité d'intégration facilitée par des logiciels « up to date ». Mais ceci signifie aussi que les 50 % restants envisagent l'usage de ces technologies nouvelles sur des sites existants. C'est d'ailleurs ce qui fait toute la puissance de la transformation digitale : les outils du digital sont pour la plupart simples (à l'instar des tablettes et des lunettes connectées), peu onéreux, et suffisamment flexibles pour s'intégrer dans des architectures de sites déjà équipés de solutions logiciels.

Des freins plus organisationnels que financiers

Quant aux freins liés au développement de ces technologies, ils seraient majoritairement d'ordre organisationnel : les craintes liées au changement et la méconnaissance des apports du numérique dans les métiers de l'entreprise recueillent la moitié des suffrages (Question 4). Néanmoins, le coût d'investissement élevé et la difficulté à justifier d'un ROI (retour sur investissement) arrivent également en bonne position. Il est à noter que pour les entreprises de moins de 250 salariés, plus de 52 % des répondants anticipent des coûts d'investissements élevés. C'est une perception qui est probablement fausse. Un expert du forum prospectif a expliqué que, comparées à des outils traditionnels de la chimie (échangeurs, colonnes à distiller, compresseurs, fours...), les technologies numériques sont justement « moins gourmandes en capital et plus rapides à implémenter, en particulier dans des usines existantes ».

En conclusion, il ressort de cette enquête que l'industrie chimique est bien engagée dans sa réflexion sur la transformation digitale. Elle a pris conscience des bouleversements que vont entraîner les usages de ces nouveaux outils, tant au niveau des équipements et des procédés de production que dans l'organisation et les méthodes de travail et la R&D. Une chose est sûre, la transformation digitale ne se fera pas au détriment de l'homme. Ce dernier restera au centre de cette révolution. Reste maintenant à identifier les sociétés les plus avancées dans la transformation numérique (à l'instar d'Air Liquide) et à les inciter à diffuser leurs témoignages pour mobiliser plus avant les entreprises de la chimie, en particulier les PME, et les inciter à investir. En tant qu'organisation professionnelle, l'UIC jouera ce rôle de facilitateur, tant dans la communication sur les bénéfices de la transformation digitale aux niveaux national et régional, que dans le rapprochement des deux mondes que sont les offreurs de solutions digitales et les industriels de la chimie.

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