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Ils ont fait la technologie en 2014 : en janvier, Armand Hatchuel, de Mines ParisTech, diffuse sa méthode d'innovation
Armand Hatchuel, professeur à Mines ParisTech, où il est responsable de l’enseignement sur la théorie et les méthodes de la conception innovante, participe les 27 et 28 janvier au 7e Workshop international autour des théories de la conception qui se déroule à l’école.
Pour aider les entreprises à passer à une conception innovante ce pédagogue de la rupture a développé la théorie C-K, qui modélise l'ingénierie de la conception.
Mis à jour
30 décembre 2014
Petit garçon, le père de la théorie C-K, dédiée à l'innovation en conception, courait parmi les amoncellements de sardines sur les quais du port marocain de Safi ou dans les allées de la conserverie de son père. À l'époque déjà, il était fasciné par l'industrie et ses machines. Devenu jeune homme, il fait preuve, au cours de ses études au lycée Lyautey de Casablanca, d'un intérêt certain pour les sciences. Son goût pour la théorie des ensembles et la mécanique quantique s'affirme. La première jouera un rôle central dans l'élaboration de la future théorie C-K. « Elle m'a servi à prendre de la distance vis-à-vis des objets, c'est-à-dire les voir différemment, avec une possibilité de décrire le monde d'une façon souple, flexible, infinie. Alors que la mécanique quantique montre l'interaction observateur-observé, c'est-à-dire que le sujet crée une partie de ce qu'il voit ».
À l'École des mines, qu'il intègre comme élève ingénieur, Armand Hatchuel fait une autre découverte, à travers les stages mine et géologie : le monde réel dépassera toujours son savoir. Il lui faudra donc toujours observer, découvrir. « Ma représentation du savoir, c'est le manteau d'Arlequin. On a des poches de connaissances qui ne sont jamais intégrées et qui ne décrivent pas la totalité de la réalité d'un objet quel qu'il fut ». Voilà qui le rapproche de ses passions mathématiques. D'autant que les Mines sont aussi une école de mathématiques appliquées et de pensée formelle, qui développe des outils de modélisation performants adaptés aux objets très complexes et difficiles à décrire, à des fins opérationnelles.
Du coup, il sera comme un poisson dans l'eau durant toute sa scolarité. À tel point que, diplôme en poche, en 1973, il intègre le centre de gestion scientifique de l'école. Il y fait ses classes de recherche opérationnelle avec Jean-Claude Moisdon et développe son goût pour la modélisation, en gardant à l'esprit que ce n'est qu'un point de passage vers un réel qui, lui, est toujours beaucoup plus compliqué. Pendant dix ans, il invente et utilise des modèles mathématiques pour analyser et comprendre des organisations et process industriels. Des travaux qui seront à la base de la création avec Hughes Molet en 1985 du cursus Systèmes de production de l'école.
Modéliser le processus de conception innovante
Féru d'histoire, il arrive à la conclusion que l'usine doit devenir cohérente avec les régimes de conception et d'innovation. « L'usine doit devenir un espace de prototypage, un appendice d'une activité plus globale qu'est la conception. Toute frontière trop étanche entre la conception et l'usine condamne cette dernière, car elle tourne sur un système de savoirs codifiés, donc reproductibles ailleurs ». Une prise de conscience qui tombe à pic, puisque les industriels découvrent de leur côté qu'ils n'arrivent plus à piloter leurs projets toujours plus complexes. Il faut s'intéresser à l'ingénierie de la conception et passer à la conception innovante. Le goût de la modélisation d'Armand Hatchuel va pouvoir s'exprimer à nouveau.
Il arrive à la conclusion que cette crise industrielle est une crise de la conception réglée, qui faisait foi depuis le XIXe siècle. Face à l'innovation nécessaire, il devient impossible de décrire l'objet que l'on désire créer à l'aide des règles de conception habituelles et des connaissances disponibles. D'où l'idée de modéliser le processus de conception innovante en formalisant, à l'aide de la théorie des ensembles, les relations existant entre un espace de concepts (C), regroupant les propositions indécidables, et un espace des connaissances (K pour knowledge), regroupant les savoirs accessibles à un instant T aux concepteurs. Le raisonnement de conception est toujours la formulation d'un concept inconnu ‘‘désirable’’ mais ‘‘indécidable’’ en fonction des connaissances que l'on a. Ce qui pousse à acquérir de nouvelles connaissances qui aideront à l'émergence de nouveaux concepts. C'est de l'expansion simultanée de ces deux espaces que naît l'innovation.
« Mais attention, si j'ai esquissé les grands principes de ce qui allait devenir la Théorie C-K, celle-ci n'aurait jamais existé sans les travaux de Benoît Weil et Pascal Le Masson, qui ont très largement contribué à son développement. Je ne suis que le porte-drapeau ». Leurs travaux deviennent en 1996 un grand cours de l'école : Théorie et modèles de la conception qui est repris aujourd'hui dans plusieurs grandes écoles (X, Agro, Ensam, Dauphine...).
C-K, une théorie scientifique éprouvée
Cette forme naïve de la théorie C-K évolue jusqu'en 2007. Elle intègre ensuite les techniques de forcing de Paul Cohen propres à la théorie moderne des ensembles, acquiert un vocabulaire et est validée sur de nombreux cas industriels, tant pour piloter de nouveaux projets que pour analyser et débloquer des projets existants. C-K est alors une théorie scientifique éprouvée. Il en a été dérivé une méthodologie plus simple à appliquer par les entreprises, KCP, et de multiples avatars ont vu le jour, tel C-K Invent qui s'applique au raisonnement de brevetabilité.
De nouveaux développements sont aujourd'hui en cours notamment avec des psychologues qui entendent utiliser ces outils pour comprendre ce qui stimule ou bride les raisonnements des concepteurs. Autres voies de recherche, les objets ‘‘étranges’’ tels les objets connectés ou l'art contemporain. « Si l'on devait attribuer un vrai père à la théorie C-K, ce serait Marcel Duchamp car c'est lui l'initiateur de la conception innovante », sourit Armand Hatchuel.
Jean-François Prevéraud
La théorie formelle de la conception innovante
Formulée en 1996 et développée par Armand Hatchuel et Benoît Weil à l'École des mines de Paris, la théorie C-K repose sur la théorie moderne des ensembles. Elle met en jeu l'espace des concepts que l'on veut créer (C) et l'espace des connaissances existantes (K pour knowledge). À partir d'un concept, qui désigne une idée désirable que l'on ne peut pas encore décrire en extension, on examine dans l'espace des connaissances ce qui manque pour rendre le concept décidable et l'on essaie de développer ces connaissances manquantes. La Théorie C-K analyse l'interaction entre ces deux ensembles, et la façon dont elle crée de nouvelles connaissances et de nouveaux concepts, favorisant l'innovation.
Ils ont fait la technologie en 2014 : en janvier, Armand Hatchuel, de Mines ParisTech, diffuse sa méthode d'innovation
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