"Il y a un risque de discordance entre la France et l'UE sur les perturbateurs endocriniens", estime Patrick O'Quin
Six mois après sa nomination à la tête du syndicat de l'industrie cosmétique, la Febea, Patrick O'Quin, ancien haut dirigeant de chez Danone, dresse son premier bilan pour L’Usine Nouvelle.
L'Usine Nouvelle - Comment se porte le marché de la cosmétique ?
Patrick O'Quin - Le marché français est atone, le marché européen n’est pas beaucoup plus dynamique. En revanche, les exportations hors Union européenne continuent à tirer le développement des entreprises, même si ces marchés semblent ralentir : les perspectives en Chine et au Brésil, l’embargo en Russie devraient certainement impacter nos ventes.
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En outre, des projets européens, déraisonnables à nos yeux, pourraient peser sur nos exportations. Par exemple, l’obligation de dénaturer l’alcool impliquerait d’ajouter des ingrédients, donc de reformuler, de modifier nos emballages et de réenregistrer nos parfums auprès de certains pays, comme la Chine.
On attend aussi la définition européenne des perturbateurs endocriniens…
Il y a d’ailleurs un risque de discordance entre l’Union européenne et la France, où ce sujet est à l’ordre du jour de la Conférence environnementale qui se tient cette semaine. C’est un sujet que nous regardons avec beaucoup d’attention, de même que ceux des allergènes, des nano-molécules…
La France est-elle toujours le premier exportateur mondial de cosmétiques ?
Oui. Et son image est fondamentale : un certain nombre d’entreprises viennent produire en France afin de bénéficier de cette réputation de qualité et du savoir-faire français alors même qu’elles n’ont pas l’intention de vendre sur notre territoire ! C’est d’ailleurs toute une chaine de valeur dont nous disposons, en amont comme en aval, avec la recherche – après l’automobile, la cosmétique est le deuxième secteur en nombre de dépôts de brevets –, l’emballage, les flaconniers… Au-delà des 42 000 emplois directs de la cosmétique, il faut voir les emplois indirects qui sont pour la plupart non délocalisables.
Quelles sont vos relations avec le pôle de compétitivité Cosmetic Valley ?
Mercredi et jeudi derniers, nous étions tous à Chartres à l’occasion de leur convention annuelle sur la réglementation. Nous avons un protocole pour que la Febea soit le partenaire réglementaire de Cosmetic Valley. Son président, Marc-Antoine Jamet, est membre de notre conseil d’administration. Je ne suis pas du tout dans une optique de concurrence, mais de complémentarité : comment travailler ensemble pour unifier l’offre française…
Où en sont vos discussions avec le gouvernement ?
Je déplore que le secteur de la cosmétique soit considéré comme un secteur futile, superficiel, la cerise sur le gâteau… Sur un plan purement économique, nous sommes le troisième secteur excédentaire de la balance commerciale et un des piliers de l’économie française. A l’heure où l’on parle de ré-industrialiser la France, notre secteur ne peut être négligé même si nous représentons de l’industrie fine et généralement des petites séries. La réputation des produits cosmétiques est aussi un des éléments fondamentaux de l’attractivité touristique de la France.
Quel plan d’actions prévoyez-vous ?
Nous sommes en train de faire une étude sur l’image du secteur, de ses entreprises et de ses produits. Nous aurons les résultats avant Noël, pour construire une stratégie à moyen terme visant à mieux valoriser les atouts du secteur. Nous disposons d’une grande diversité d’entreprises, entre le leader mondial et des TPE extrêmement performantes, et de produits : du luxe au marché de masse. Nos entreprises sont aussi en grande partie patrimoniales : en période un peu difficile, ce sont des structures qui voient au-delà de la conjoncture immédiate.
N’y a-t-il pas un risque d’atomisation des petits par des géants comme L’Oréal ?
Je n’opposerai pas les "petits" et les "géants" . Il y a aujourd'hui de belles entreprises qui réalisent plus de 200 millions d’euros de chiffre d'affaires qui n’existaient pas ou débutaient à peine il y a quarante ans, comme L’Occitane, Nuxe, ou Sisley. De même, lorsqu’un grand groupe rachète des PME, il a souvent tout intérêt à garder leur ADN car elles peuvent apporter leur agilité, et devenir leur laboratoire d’innovation…
Gaëlle Fleitour
Vaste opération anti-contrefaçon dans le secteur de la beauté
Début novembre, une trentaine de parfumeries de la chaîne Equivalenza ont été perquisitionnées dans le cadre d’une vaste enquête pour contrefaçon ouverte à la demande de la FEBEA. Le syndicat accusait l’entreprise espagnole d’utiliser des "tableaux de concordance" en proposant à la vente des parfums portant un numéro, en les associant à des parfums de grande marque auxquels ce produit est censé correspondre. "C’est une problématique importante pour nous, il est très important que la FEBEA ou les marques attaquent le contrefacteur, estime Patrick O'Quin. Nos collègues espagnols nous avaient prévenus fin 2013 qu’Equivalenza comptait s’installer en France. En juillet dernier, cette chaîne disposait déjà de quinze boutiques : nous avons alors porté plainte, la gendarmerie et les autorités ont compris qu’il fallait agir vite." Dans le monde, 10% de la contrefaçon porterait sur des produits cosmétiques.
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