"Il ne faudra pas s’étonner si des plans sociaux se poursuivent", prévient Marc de Garidel

Concurrents, ils s’allient pour faire pression sur le gouvernement. Les huit dirigeants du G5 Santé demanderont, vendredi 8 novembre, à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, d’intervenir pour empêcher la régulation économique d’étouffer la filière santé. Marc de Garidel, président d’Ipsen et président du G5 Santé, justifie la démarche à L’Usine Nouvelle.

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L'Usine Nouvelle - Vous lancez un appel solennel au gouvernement dans L’Usine Nouvelle. Pourquoi ?

Le G5 Santé
est l’association regroupant huit grandes entreprises françaises de la santé et des sciences du vivant : bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Stallergenes et Théa.xte

Marc de Garidel - Le 8 novembre, nous organisons les Rencontres du G5 Santé en présence d’Arnaud Montebourg, pour souligner l’importance de l’innovation en production, facteur de compétitivité de notre pays. Nous avons connu une dynamique positive avec le gouvernement avec, le 5 juillet dernier, la signature du contrat de filière santé et la tenue du Conseil Stratégique des Industries de Santé. Mais nous sommes aujourd’hui préoccupés par l’incohérence entre cette politique industrielle ambitieuse et des mesures court-termistes (voir ci-dessous) dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) qui risquent d’affaiblir fortement nos entreprises.

Que demandez-vous précisément au gouvernement ?

De réécrire l’article du PLFSS sur les biosimilaires, afin de respecter l’engagement pris par l’État envers nous le 5 juillet. C’est-à-dire, attendre les conclusions d’un groupe de travail public-privé pour légiférer. Concernant les baisses de prix, les 960 millions d’euros d’économies qui nous sont demandés nous semblent disproportionnés par rapport à notre contribution aux dépenses de santé, ce que comprend Arnaud Montebourg. Nous souhaitons que ce montant soit diminué pour atteindre un niveau qui reste à discuter.

Le gouvernement vous avait-il fait des promesses contraires à la tournure prise par le PLFSS ?

Il nous avait dit que ce serait dur, mais nous avait indiqué à l’époque des chiffres plus proches de 700 millions d’euros de baisses de prix.

Qu’attendez-vous du ministre du Redressement productif ?

Nous souhaitons qu’Arnaud Montebourg nous aide à convaincre Marisol Touraine, qui ne nous a toujours pas reçus. Or, l’absence de dialogue direct entraîne incompréhensions et malentendus, comme par exemple au sujet de l’automédication. Pas plus qu’elle, nous ne voulons de mauvais usage des produits de santé. Nous proposons avec les pharmaciens de développer un parcours de soins pharmaceutique, encadré, sécurisé, avec des médicaments à valeur thérapeutique éprouvée fabriqués en France ou en Europe.

Mis à part l’automédication, quelles sont vos propositions concrètes pour maîtriser les dépenses de santé ?

Il faut regarder avec plus d’acuité le rapport de la Cour des Comptes, qui préconise notamment d’aller chercher cinq milliards d’euros d’économies en médecine ambulatoire. À terme la situation n’est pas tenable : il faut entrer dans des réformes de structure, même si elles seront plus compliquées, nous le reconnaissons.

Pourriez-vous décider de ne pas respecter les mesures de filière ?

C’est encore prématuré pour répondre. Le comité de filière santé se réunit régulièrement : nous évaluerons en janvier en fonction des décisions prises. Mais il ne faudra pas s’étonner ensuite si des plans sociaux se poursuivent, si des usines ferment : il faudra alors que le gouvernement assume les conséquences de ses actes. Nous essayons d’éviter cela.

Y a-t-il un risque de délocalisation ?

Si vous êtes dans un pays qui augmente les taxes, qui ne tient pas sa parole, et dont les conditions d’attractivité diminuent, les investissements ne vont pas se faire et les nouveaux projets vont être réalisés ailleurs ! Nous sommes dans un environnement mondial compétitif : beaucoup d’investissements pharmaceutiques sont réalisés en Irlande ou à Singapour où la fiscalité est très faible. La France vit sur son capital historique, mais ce ne sera plus possible à long terme.

Des pistes pour travailler avec les pouvoirs publics sur la relocalisation de productions stratégiques ?

La balle est dans le camp du ministère de la Santé, qui doit toujours nous dire quels sont, en termes de santé publique, les produits qui auraient vocation à être produits en France. C’est un enjeu d’indépendance sanitaire. Mais pour que ce rapatriement se fasse, il faut aussi des incitations. Fiscales notamment, car ces substances actives sont souvent produites dans des pays peu chers. Ou, comme l’a évoqué Arnaud Montebourg, en instaurant dans les appels d’offres hospitaliers des quotas pour les petites entreprises ou laboratoires qui auraient joué le jeu. Le coût de revient serait légèrement supérieur que dans les pays émergents, mais l’administration publique serait peut-être prête à payer un pretium pour faire tourner nos usines.

Consulter l'appel du G5 santé pour une politique de santé

Propos recueillis par Gaëlle Fleitour

Les 3 points de discorde avec le gouvernement


Trois points cristallisent particulièrement le mécontentement des industriels français de la santé. "Les fortes baisses de prix des médicaments (960 millions d’euros) du PLFSS induisent des effets d’exportations parallèles, car la France a des prix en moyenne plus bas que certains autres pays européens ", affirme Marc de Garidel. Tandis que la majoration de la  taxe sur les ventes directes contribue à exacerber la tension. Autre point de discorde, les biosimilaires, ces " copies " complexes des médicaments biologiques. Un article du PLFSS préconise des mesures (comme la substitution) que le gouvernement s’était engagé le 5 juillet à discuter en amont avec les industriels via un groupe de travail du comité stratégique de filière santé. " La méthode nous a heurtés ", confie Marc de Garidel. Le dernier malentendu porte sur l’automédication (la vente de médicaments sans ordonnance). Alors que le contrat de filière promettait d’avancer sur ce terrain, "les mesures d’économies du PLFSS n’en tiennent aucun compte, c’est inacceptable ! S’il faut attendre 2015 pour avancer sur l’automédication, les usines ne tiendront pas jusque-là ! ", s’insurge le dirigeant.

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