"Il faut réhabiliter le fayot, il peut faire beaucoup de bien à l'entreprise", explique Benjamin Fabre

Les éditions Tut-tut viennent de publier "Comment devenir un parfait fayot au bureau", une sorte d’anti manuel de management, qui reprend tous les codes du genre avec humour. En cinquante fiches pratiques, il explique comment se sortir de situations difficiles en fayotant. Nous avons demandé à Benjamin Fabre, l’auteur de ce manuel particulier, de nous expliquer pourquoi selon lui les fayots sont des rouages essentiels à la bonne marche des entreprises. 

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L’Usine Nouvelle - Selon vous, ce n’est ni la compétence, ni la confiance en soi qui assurent la réussite, mais le fayotage. N’est-ce pas une vision exagérée ?

Benjamin Fabre - Mon livre s’appuie sur de nombreuses années d’observation et d’écoute des gens. J’ai acquis peu à peu l’impression que le fayotage était un véritable sport olympique. Si vous ne me croyez pas, regardez autour de vous, et vous verrez que de nombreuses personnes passent leur temps à se placer auprès de leurs chefs, à élaborer des stratégies plutôt qu’à vraiment travailler.

Certes, le livre est un peu outré, mais si peu.. Prenez deux salariés qui ont les mêmes diplômes, compétences, le même parcours. Celui qui a le patron dans sa poche aura une vie professionnelle beaucoup plus agréable que l’autre. A contrario, celui qui irrite son chef va avoir une vie professionnelle très difficile.

Pourquoi faire ce livre aujourd’hui ? Le fayot est-il le héros contemporain ?

Je ne crois pas que ce soit un comportement très nouveau. C’est fondamentalement humain. La crise rend peut-être le phénomène un peu plus aigü.

Dans votre livre, vous distinguez très nettement le bon fayot du mauvais fayot. Quel est donc ce petit plus qui fait la qualité du fayot ?

Si vous avez lu le Petit Nicolas, vous vous souvenez forcément du personnage d’Aignan. Il est le prototype du fayot qui a tout faux, car on le repère. Tout le monde voit son jeu. Son fayottage est cousu de fil blanc. La discrétion est une vertu du bon fayot. Ni ses collègues, ni ses chefs ne se disent "c’est un fayot" en le voyant. C’est sa force mais ça ne suffit pas.

Il faut avoir une intelligence des situations, savoir renvoyer une bonne image à son chef (car il adore ça) et avoir beaucoup d’empathie. Le chef est quelqu’un de seul, qui ne peut pas trop s’épancher. Le fayot va l’écouter, lui parler, anticiper ses difficultés. Car il est en connexion profonde avec lui, il peut même partager ses passions, quelles qu’elles soient.

En révélant dans votre livre les secrets des fayots, tout le monde va pouvoir briller dans cet exercice. Comment continuer à se différencier alors ? Autrement dit, comment améliorer son niveau de fayotage ?

Un très bon fayot commence par évaluer le potentiel de son rival. S’il voit que l’autre est mauvais, pas de panique. Il attend que l’autre en fasse trop et se démasque de cette façon. A l’inverse, si le rival est bon, il ne faut pas entrer dans une surenchère dangereuse. Il faut le laisser faire et le confondre : révéler à tout le monde que c’est un fayot.

Comme aurait dit Simone de Beauvoir, si elle s’était intéressée au fayot plutôt qu’au féminisme, naît-on ou devient-on fayot ?

Certaines personnes ont incontestablement des qualités innées pour le devenir : une certaine souplesse, un sens de la diplomatie, une forme d’empathie avec tout le monde… Il ne faut pas croire la morale des films américains qui expliquent que "mentir c’est mal", qu’"il faut dire la vérité". C’est le meilleur moyen pour se tirer une balle dans le pied et se mettre en difficulté. La vie des personnes entières n’est pas de tout repos, croyez-moi. Mais ne désespérons pas : les gens qui sont ainsi peuvent s’améliorer et décider de devenir davantage fayot, apprendre à être moins impétueux.

Avec qui faut-il fayoter ? Son n+1 ou le big boss ?

Le bon fayot ne lésine pas : il séduit toute la ligne hiérarchique. Avec le n+1, il fait le minimum et il peut donner toute sa puissance pour le top management.

Le principe du fayot, si j’ai bien compris, c’est de faire plaisir à son chef. Il risque de ne pas être très créatif. N’est-il pas l’ennemi de l’entreprise ?

Mon livre n’est pas une apologie de la création, c’est certain. Toutefois, un fayot ayant une bonne idée qu’il veut voir mettre en œuvre, va réussir à faire croire à son chef que c’est lui qui l’a eu. Le chef va adorer ça. Il ne suffit pas d’avoir une bonne idée. Il faut savoir convaincre les autres.

Si demain, votre chef vous demande d’écrire une note, ne lui imposez pas vos idées. Allez le voir, discutez-en avec lui, laissez-le croire que l’idée vient de lui, faites en sorte qu’il se l’approprie, qu’il en assume même la paternité si ça lui fait plaisir.

Au bout d’un moment, le chef n’en a-t-il pas marre d’avoir un fayot à ses basques ?

Oui, si c’est un mauvais fayot, je le répète. Mais si c’est bien fait, le chef est sensible au fayotage. Il a beau être chef, il a un ego comme tout le monde, et ça lui fait du bien de se sentir intelligent et "aimé". Au fond, tout le monde déteste les fayots, mais apprécie le fayotage.

Pourquoi estimez-vous que le bureau du chef est le meilleur lieu pour fayoter ?

Dans un open-space, les gens sont hypersensibles à ce qui se passe, qui parle à qui. Fayoter devant tout le monde c’est une attitude de mauvais fayot. De plus, le vrai bon fayot pratique le double discours, car il est empathique. Il dit à chacun ce qu’il rêve d’entendre. Il ne dit donc pas la même chose à ses collègues et à son patron. S’il fayote devant tout le monde, la contradiction risque de se voir. Alors, mieux vaut aller, le soir venu, dans le bureau du patron. C’est plus discret et plus efficace.

A quoi sert le fayot ?

Il a un vrai rôle, il met de l’huile dans les relations humaines il participe à créer une bonne atmosphère, même si, je vous l’accorde, il n’est pas toujours moralement parfait. Mais ce n’est pas un parasite. Ce serait injuste de le réduire à ça. Il est populaire, il sait créer une ambiance agréable autour de lui. Et puis, c’est une nature diplomate. Il ne faut pas oublier que la clé de son succès c’est qu’il sait écouter les autres et renvoyer une bonne image à chacun. Ce n’est pas à négliger.

Avouez-le, votre livre est une blague non ?

J’avoue. Oui, j’ai voulu faire un livre drôle. Mais pour faire sourire, il faut quand même s’appuyer sur quelque chose de vrai, sur un fond de réel. Blague à part, Il faut réhabiliter le fayot, car il peut faire beaucoup de bien à l'entreprise.

Propos recueillis par Christophe Bys

Retrouvez ci-dessous un extrait du livre :

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