Huile de palme : Grand flou autour d’une inscription dans la liste des biocarburants

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L’Assemblée nationale a exclu le 15 novembre l’huile de palme de la liste des matières premières permettant la production de biocarburants. Mais une note des douanes au sujet des PFAD vient ranimer le débat à ce sujet.

Article publié dans le magazine Formule Verte n°42 - Février 2020

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Le dernier trimestre de 2019 aura été synonyme d’ascenseur émotionnel pour Total. En effet, la décision de l’inscription ou non des carburants issus de l’huile de palme dans la liste des biocarburants a donné lieu à de nombreux retournements de situation et était au cœur des débats. Le 15 novembre 2019, les députés se sont prononcés en faveur de l’exclusion de l’huile de palme de la liste des matières premières permettant la production de biocarburants. Mauvaise nouvelle pour Total, qui a démarré en juillet 2019 sa bio-raffinerie du site de La Mède. Alors que le débat semblait clos, une note d’information de la direction générale des douanes et droits indirects, datée du 19 décembre, vient jeter de l’huile sur le feu. Bien qu’il y soit confirmé que les carburants à base d’huile de palme ne bénéficieront plus d’une minoration de la taxe incitative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB), les PFAD (Palm Fatty Acid Distillate), considérés comme des résidus du raffinage de l’huile de palme, sont bien prévus dans la liste des biocarburants. Il est précisé dans cette note que « les biocarburants produits à partir de PFAD ne seront pas exclus du mécanisme de la TIRIB à compter du 1er janvier 2020 : ces biocarburants ne peuvent, en effet, pas être considérés comme des produits à base d’huile de palme. » Il s’agirait, selon les défenseurs de l’environnement, d’un « nouveau cadeau fiscal du gouvernement à Total ».

Avant la note du 19 décembre

En décembre 2018, l’huile de palme sort de la liste des biocarburants dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2019, voyant ainsi son avantage fiscal revu à la baisse. Cette mesure devait être mise en œuvre dès le 1er janvier 2020. Dans la foulée Patrick Pouyanné, p-dg de Total, s’oppose à cette décision : en effet, la bioraffinerie du groupe située à La Mède devait traiter au maximum 300 000 tonnes d’huile de palme par an. Fin juillet, le p-dg saisit le Conseil Constitutionnel. C’est dans ce cadre qu’il est reçu au mois de septembre en audition à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Audition au cours de laquelle Patrick Pouyanné déclare que cette mesure représenterait une perte de 70 à 80 millions d’euros pour le groupe, et que cela aurait pour conséquence d’exporter la production du site en Allemagne. La décision du Conseil, prononcée en octobre, est claire : Total est débouté de sa demande. Suite à cette décision, Patrick Pouyanné rappelle que la perte financière engendrée par la sortie de l’huile de palme de la liste des biocarburants risquait d’entraîner une incapacité du géant du pétrole à tenir ses engagements, à savoir un approvisionnement en huile de colza auprès des agriculteurs français. Cette pression exercée par le groupe serait, selon les opposants à l’huile de palme, la raison du vote du 14 novembre, qui reportait à 2026 l’exclusion de l’huile de palme, dans le cadre de la loi de finances pour 2020.

Tableau production_pays

Mais face à la polémique provoquée par ce vote, les opposants déclarant que le gouvernement avait cédé au lobbying de Total, le premier Ministre a annoncé le 15 novembre en milieu de journée qu’un second vote serait organisé « constatant l’absence d’un débat suffisant sur un sujet aussi important ». Suite à ce second vote, la secrétaire d’Etat à la Transition écologique Emmanuelle Wargon a annoncé le 18 novembre la volonté du gouvernement d’ouvrir un « groupe de travail » pour discuter, avec Total, de la possibilité de se fournir en huile de palme sans impact sur la forêt. Cependant, la note d’information de la direction générale des douanes a été publiée avant la mise en place de ces groupes de travail, témoin, selon les opposants à l’huile de palme, de la volonté du Gouvernement de satisfaire Total.

Pourquoi les PFAD font-ils polémique ?

Palme L'Oreal

Selon le ministère de la Transition écologique, les PFAD « correspondent à la définition de résidus du droit européen ». Ils entrent donc dans la catégorie des huiles résiduelles, et non pas dans celle des huiles végétales vierges. Ce que conteste par exemple l’association Canopée qui estiment que les PFAD sont de coproduits qui entrent dans la catégorie des huiles vierges. Or, ces acides gras étant considérés comme des résidus, ils bénéficient donc de l’avantage fiscal de la TIRIB. La production mondiale de PFAD est de 2,5 à 3 millions de tonnes par an, soit 3,5 à 5 % de la production d’huile de palme, et ce produit est valorisé à 100 % sur différents marchés : oléochimie, cosmétiques ou encore alimentation animale. Les opposants à l’huile de palme craignent que cette « classification » de ces acides gras ne résulte en une augmentation de la demande, ce qui entraînerait par conséquent une augmentation de la production d’huile de palme brute. De plus, étant considéré comme un résidu, Total pourra exploiter les PFAD au-delà de la limite des 300 000 tonnes par an fixée pour l’huile de palme sur le site de La Mède.

Dates clés

Décembre 2018 : l’huile de palme sort de la liste des biocarburants dans le cadre de la loi de finances pour 2019.
Juillet 2019 : Patrick Pouyanné, p-dg de Total, saisit le Conseil Constitutionnel, et rappelle que la perte financière du site risque d’entraîner une incapacité de Total à s’approvisionner en huile de colza auprès des agriculteurs français.
14 novembre 2019 : l’Assemble nationale vote un amendement prévoyant le report à 2026 de l’exclusion de l’huile de palme, dans le cadre de la loi de finances pour 2020.
15 novembre 2019 : l’Assemble nationale exclue l’huile de palme de la liste des matières premières permettant la production de biocarburants, annulant ainsi le vote de la veille.
19 décembre 2019 : publication d’une note d’information de la direction générale des douanes et des droits indirects spécifiant que les biocarburants produits à partir de PFAD, résidus du raffinage de l’huile de palme, ne sont pas exclus du mécanisme de la TIRIB.

L’huile de palme en bref

  • Plus de 55 millions de tonnes produites par an, soit 35 % de la consommation mondiale d’huiles végétales
  • 85 % de la production mondiale provient d’Indonésie et de Malaisie
  • 80 % de la production mondiale d’huile de palme est utilisée pour l’agroalimentaire, 19 % pour la cosmétique et 1 % pour les biocarburants
  • Les palmeraies représentent 6 % de la surface totale exploitée pour la production d’huiles végétales

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