[Grand débat national] Les chercheurs mèneront leur propre analyse des contributions
La restitution et l’analyse des contributions au Grand débat ne sera pas l’apanage du gouvernement. Dans le cadre d’un appel de l’Agence nationale de la recherche, nombre de chercheurs mèneront leur propre analyse. Dont une équipe du laboratoire Lerass de Toulouse.
Il n’y aura pas une mais plusieurs restitutions des contributions au grand débat qui vient de clôturer la phase de consultation. Celle commandée par le gouvernement à un certain nombre de prestataires doit être rendue publique courant avril. S’y ajouteront nombre de restitutions et analyses issues d’initiatives variées tirant profit de la mise à disposition en open data des contributions récoltées, en particulier sur la plateforme en ligne du Grand débat.
Certains chercheurs du CNRS et de l’INRIA se sont déjà emparés de cette mine de données, utilisant les outils Cartolabe et Politoscope pour dresser un catalogue des contributions et les représenter sous forme d’une carte en fonction de leur proximité sémantique. D’autres équipes sont sur les rangs pour aller plus loin, dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par l’Agence nationale de la recherche le 15 février dernier.
"Un véritable objet de recherche"
"La communauté scientifique s’est emparée du sujet "Grand débat national" comme un véritable objet de recherche et ce dès son annonce. Les contributions qui découlent de cette consultation et qui sont accessibles offrent une richesse de contenus qui se prêtent à une véritable analyse scientifique", commence cet appel, "qui vise à identifier les forces de recherche susceptibles de se mobiliser sur des questions scientifiques originales suscitées par ce jeu de données".
Cet appel s’est clôturé le 8 mars dernier et une réunion devrait se tenir jeudi 28 mars à Paris entre le comité d’organisation et les équipes de chercheurs pré-sélectionnées pour construire l’appel à projets qui devrait suivre.
Une approche nommée "textométrie"
Une équipe pluridisciplinaire de 13 chercheurs du Lerass sera présente. Au sein de l’Université de Toulouse 3 – Paul Sabatier, ce Laboratoire d’études et de recherches appliquées en sciences sociales travaille depuis 15 ans sur les forums et consultations numériques en utilisant des outils d’analyse statistiques des données textuelles.
"C’est une approche aujourd’hui nommée "textométrie" et qui est issue de méthodes développées à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud dans les années 1960", rappelle Pascal Marchand, directeur du laboratoire. "Ces méthodes ont beaucoup évolué et bénéficient de l’accroissement de la puissance de calcul. Nous pouvons désormais traiter des corpus de plusieurs centaines de millions de mots pour en cartographier le lexique et extraire des textes représentatifs"
Pas d’intelligence artificielle
Pas de deep learning ou autres méthodes d’intelligence artificielle en vogue à l’horizon : "De mon point de vue, on n’a pas besoin d’IA. Nous utilisons les statistiques et l’informatique pour extraire ce qui s’est dit dans un débat, dans quelle proportion, par qui, de quelle façon, dans quel contexte, etc. Ensuite vient une phase d’interprétation, par exemple des positionnements et des préconisations, qui est réalisée par des sociologues spécialistes des média sociaux."
La conception des consultations menées via la plateforme en ligne du Grand débat pose cependant des problèmes à Pascal Marchand. "Elle a été conçue à l’ancienne, un peu comme un sondage d’opinion, alors que les gens n’ont plus envie de répondre à des questions mais de s’exprimer avec les outils qu’ils apprécient. Nos outils nous permettent d’analyser ce genre d’échanges", regrette le chercheur. En outre, en l’absence d’informations sur les contributeurs, hormis leur département, "il est impossible d’établir ce que les contributions nous renvoient de la société en général".
Méthodologie plus ouverte du "vrai débat"
A contrario, Pascal Marchand vante la méthodologie plus ouverte du "Vrai débat", cette consultation organisée par les Gilets jaunes en réaction à un Grand débat repris en main par le gouvernement après le retrait de la Commission nationale du débat public. Le chercheur apprécie en particulier le principe du "vote", qui permet de donner immédiatement un éclairage sur l’apparition d’un concept.
L’équipe du Lerass a travaillé à analyser les contributions au "Vrai débat". Sans dévoiler les résultats, qui seront diffusés la semaine du 25 mars, Pascal Marchand décrit "un débat de très bonne tenue, technique et argumenté, avec un discours de responsabilité et de raison bien loin de l’image donnée par les manifestations."
Apports fondés scientifiquement
Reste que Pascal Marchand se félicite de la masse exceptionnelle de données issues du Grand débat. Son équipe entend bien essayer de dépasser les limites posées par ses modalités, notamment en essayant de déduire le profil des contributeurs à partir de leurs contributions. Pourquoi ? "Il y a une demande forte de savoir qui dit quoi. Les politologues parlent souvent de clivage villes/campagnes ou jeunes/vieux. Nous voulons apporter des éléments fondés scientifiquement." Un apport bienvenu.
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