Google: La justice européenne invitée à limiter le déréférencement

par Douglas Busvine et Gwénaëlle Barzic
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Google: La justice européenne invitée à limiter le déréférencement
Google peut limiter l'application du "droit à l'oubli" aux recherches sur internet effectuées dans l'Union européenne, a estimé jeudi dans un avis l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, prenant le parti du géant américain dans le débat qui l'oppose à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) française. /Photo d'archives/REUTERS/Arnd Wiegmann

FRANCFORT/PARIS (Reuters) - Google peut limiter l'application du "droit à l'oubli" aux recherches sur internet effectuées dans l'Union européenne, a estimé jeudi dans un avis l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, prenant le parti du géant américain dans le débat qui l'oppose à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) française.

Les avis de l'avocat général sont le plus souvent suivis par la Cour qui rend habituellement ensuite sa décision dans un délai de deux à quatre mois.

Les recommandations de Maciej Szpunar sont une bonne nouvelle pour Google, sanctionné en 2016 par l'autorité française chargée de la protection des données privées pour ne pas avoir déréférencé des informations sur l'ensemble des extensions géographiques de son nom de domaine(".fr", ".com" par exemple).

"Nous avons travaillé dur pour nous assurer que le droit à l'oubli soit effectif pour les Européens, notamment en utilisant la géolocalisation pour garantir une efficacité à 99%", a réagi Peter Fleisher, chargé des questions de protection de la vie privée chez Google, dans une déclaration en anglais.

A la suite d'une décision de justice rendue il y a cinq ans, les internautes européens ont la faculté de demander à ce qu'une information les concernant soit "déréférencée".

Si ce droit leur est accordé à l'issue d'une délibération qui doit notamment arbitrer entre droit à la vie privée et droit à l'information, le contenu n'apparaîtra plus dans les résultats de recherche même s'il continuera d'exister sur son site d'origine.

Alors qu'il n'existe pas de texte régissant le périmètre géographique du droit à l'oubli, l'avocat général de la CJUE a estimé qu'il n'avait pas vocation à s'appliquer aux recherches effectuées en dehors de l'Union européenne.

"Le droit fondamental à l’oubli doit être mis en balance avec l’intérêt légitime du public à accéder à l’information recherchée", a notamment expliqué l'avocat général, tout en soulignant l'obligation pour les moteurs de recherche de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer d'un déréférencement "efficace et complet" à l'échelle de l'UE.

"GEO-BLOCAGE"

Il a notamment évoqué le recours au "géo-blocage" pour s'assurer qu'un ordinateur localisé dans un Etat membre ne puisse accéder à une information déréférencée, quel que soit le nom de domaine utilisé.

L'avocat général n’écarte pas la possibilité dans certains cas particuliers d’imposer à un moteur de recherche un déréférencement au niveau mondial, précise la CJUE dans un communiqué.

Google, qui estime avoir déréférencé 2,9 millions de liens dans le cadre du droit à l'oubli, a été sanctionné par une amende de 100.000 euros par la Cnil en mars 2016. Le moteur de recherche a contesté la décision devant le Conseil d'Etat qui a saisi la CJUE de plusieurs questions.

Dans une déclaration, la Cnil dit avoir pris connaissance des conclusions de l'avocat général tout en réaffirmant les motivations qui l'avaient amenée à sanctionner Google.

"Le droit au déréférencement est dérivé du droit au respect de la vie privée, qui est un droit fondamental universellement reconnu", fait valoir la Cnil qui est l'un des régulateurs des données privées les plus actifs en Europe.

"Seul un déréférencement sur l’ensemble des extensions du moteur de recherche, quelles que soient l’extension utilisée et l’origine géographique de la personne effectuant la recherche, permet d’assurer une protection effective de ce droit".

DROIT À LA VIE PRIVÉE VS DROIT À L'INFORMATION

Article 19, une organisation britannique qui lutte pour la liberté d'expression, a salué l'avis de l'avocat général dans un litige qui a mobilisé de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et de la liberté d'information.

"Les régulateurs européens de données privées ne devraient pas être en capacité de déterminer les résultats de recherche que les internautes à travers le monde peuvent voir", fait valoir l'organisation.

Dans un second avis portant cette fois sur un litige entre la Cnil et plusieurs particuliers s'étant vu refuser le déréférencement d'informations les concernant, Maciej Szpunar recommande de maintenir le statu quo.

Pour décider d'un éventuel déréférencement, les moteurs de recherche passent actuellement les requêtes qui leur sont adressées au crible de plusieurs critères dont leur intérêt pour le public.

Plusieurs particuliers, dont un ancien porte-parole de la Scientologie, un responsable politique visé par une information judiciaire, une personne condamnée pour agression sexuelle sur mineurs, réclamaient que des informations les concernant soit automatiquement déréférencées au vu de leur caractère sensible.

L'avocat général est d'un avis contraire, estimant que "l’exploitant d’un moteur de recherche est amené, en présence d’une demande de déréférencement portant sur des données sensibles, à procéder à une mise en balance entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données et, d’autre part, le droit du public à avoir accès à l’information en question ainsi que le droit de la liberté d’expression de celui dont émane l’information".

(Avec Philip Blenkinsop et Peter Maushagen à Bruxelles, et Jean-Baptiste Vey à Paris, édité par Jean-Michel Bélot)

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