"General Motors a appuyé sur le bouton Reset", explique Frédéric Fréry
Pour Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l’ESCP, l’Etat américain a sauvé GM en 2009 mais l’a surtout forcé à se restructurer. La vente des parts de l’Administration Obama, lundi 9 décembre, va cependant redonner les coudées franches à la direction du groupe, qui vient de nommer à la tête du groupe Mary Bara, ex vice-présidente du développement mondial des produits.
L’Usine Nouvelle – La vente des parts de l’Etat américain dans General Motors ce lundi 9 décembre est-elle un symbole ?
Frédéric Fréry – Aux USA, GM est un symbole de l’entreprise privée. General Motors nationalisé est une anomalie de l’histoire. Depuis 2009 GM était même surnommé "Government Motors". Il était donc important pour eux de montrer qu’ils sont redevenus une entreprise privée. C’était aussi important pour l’administration Obama de montrer qu’ils ont tenu leurs promesses. Ils ont d’abord sauvé GM. Même s’ils ont perdu 10 milliards de dollars dans l’affaire, ils ont sauvé les retraites et plus d’un million d’emplois. L’influence sur l’économie réelle dépasse largement l'investissement. Ensuite, ils avaient promis de rendre son indépendance à GM, c’est ce qu’ils ont fait hier.
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Dans quels domaines General Motors va-t-il retrouver des coudées franches, sans regard sourcilleux de l’Etat américain ?
L’Etat était très regardant sur la stratégie. Il a obligé GM à être rentable, donc à se restructurer et à supprimer les surcapacités de production qui ont handicapé l’entreprise pendant longtemps. GM n’avait pas non plus le droit d’embaucher comme il voulait, la rémunération des dirigeants était encadrée. GM retrouve aujourd’hui toute latitude pour gérer ce type d’investissements, même si le déplacement des patrons des trois grands constructeurs allant chacun de Détroit à Washington dans leur jet privé pour demander des subventions en 2008 est encore très présent dans l’esprit du public américain.
La décision récente de retirer Chevrolet du marché européen a-t-elle un rapport avec la vente de la participation de l’Etat ?
Le retrait de Chevrolet d'Europe est une décision radicale. La crise et la nationalisation ont permis à GM d'oser un certain nombre de réponses à des problèmes qui leur nuisaient depuis longtemps et qu'ils n’avaient jamais affrontés. Retirer Chevrolet d’Europe ou sortir 30 nouveaux modèles l’année dernière s'inscrit dans cette politique audacieuse de GM : ils ont appuyé sur le bouton "Reset".
Et cette vente peut-elle avoir un impact sur l’alliance de General Motors avec PSA ?
Peut-être sur l’Iran. L’alliance avec GM et la participation de l’Etat dans le capital de GM ont forcé PSA à se retirer d’Iran et donc à perdre 450 000 ventes annuelles. L’amélioration de la situation avec le pays et le retrait de l’Etat vont peut-être rendre moins prégnantes ces questions géopolitiques. Pour le reste, l’alliance ne semble pas aller plus loin. Certains projets annoncés sont remis en cause, les usines comme les plateformes utilisées pour les modèles communs n’ont pas été annoncées. Je n’ai pas l’impression que la nouvelle indépendance de General Motors change beaucoup la forme que prend l’alliance avec PSA.
Est-ce que l’arrivée de Mary Barra est le symbole d'une nouvelle page pour GM ?
La nomination d'une femme à la tête de GM, une première dans l'histoire du groupe, s'inscrit dans cette approche audacieuse. Le parcours de Mary Barra est d'ailleurs étonnant : entrée chez GM il y a 33 ans, elle a fait carrière dans les ressources humaines avant de passer au développement produit. On peut cependant remarquer que si son prédécesseur Dan Akerson cumulait les fonctions de Chairman et de CEO, elle n'occupera que ce second poste, le premier revenant à un homme, jusqu'ici membre du conseil d'administration. Elle est donc nommée DG de GM, mais pas P-DG, du moins pour le moment.
Propos recueillis par Pauline Ducamp
"General Motors a appuyé sur le bouton Reset", explique Frédéric Fréry
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