François Hollande se réconcilie avec l'Angola pour profiter du miracle économique local

Le président angolais José Eduardo dos Santos est en visite officielle à Paris. Il sera reçu à l’Elysée mardi 29 avril, où il a été convié à un déjeuner. L’occasion de renforcer les liens économiques entre les deux pays. Malgré la brouille provoquée par l’Angolagate, les entreprises françaises sont présentes dans le secteur pétrolier, Total occupant la seconde place. En décembre dernier, Ubifrance organisait un voyage d’affaires pour inciter les entreprises françaises à profiter du miracle économique angolais. Retrouvez notre reportage.

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 François Hollande se réconcilie avec l'Angola pour profiter du miracle économique local

Elles étaient 23. 23 entreprises à avoir été sélectionnées par Ubifrance pour se rendre à Luanda, la capitale angolaise, du 27 au 29 novembre dernier à l’occasion d’un forum d’affaires France Angola. Rien d’étonnant dans le choix de cette destination, où le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’est rendu à la fin du mois d’octobre, la croissance de l’économie devrait ressortir à 5,2 % en 2013 (un résultat décevant pour les experts qui avaient prévu un peu plus) et atteindre 6 % en 2014. Pour l'année en cours, la prévision du FMI est de 5,6%.

Car l’Angola est un pays riche, très riche, avec des ressources naturelles en diamant et surtout en pétrole, qui est le "véritable moteur de l’économie angolaise, représentant 70 % des recettes fiscales et 97 % des exportations du pays", assure Catherine Dumarché, la chef du service économique de l’Ambassade de France. Ce que confirme le directeur général de Total Angola, Jean-Michel Lavergne : "le secteur est extrêmement dynamique. En simplifiant, ce sont 20 milliards qui sont dépensées chaque année." Et à l’écouter ce n’est pas fini : "le gouvernement veut faire croître sa production pétrolière. De grands projets d’investissement sont actuellement à l’étude".

Diversifier l'économie

Pourtant, conscient du risque que représente la trop forte dépendance au pétrole, le président José Edourado Dos Santos, qui est aussi le chef du gouvernement angolais, souhaite désormais diversifier son économie, relancer l’agriculture et développer une industrie locale, dévastée par une guerre civile de 27 ans, qui a provoqué un exil rural massif. Résultat : seulement 5 % des terres arables sont cultivés.

La preuve avec une visite chez Refriango, un des principaux industriels agro-alimentaire du pays. Dans cette usine flambant neuve et ultra-moderne, où dès l’accueil sont accrochées au mur des affiches insistant sur l’importance de la sécurité et les trophées obtenus par l’entreprise, le PDG Daniel Estevao reçoit au premier étage, dans des bureaux design dernier cri. Si l’eau minérale qu’il embouteille est made in Angola, les jus de fruits sont fabriqués à partir de pulpes achetées sur le marché mondial et de sucre venu du Brésil, le cousin lusophone.

En attendant une production locale qui, à écouter Philippe Frédéric, un dirigeant de Cuca, le numéro un de la bière angolaise, pourrait avoir des allures de récolte miraculeuse : "dans certains endroits le climat est tel qu’il peut y avoir deux récoltes par an. Il y a des filières pour les fruits, les poulets à créer ici." Le responsable des opérations internationales de Lesieur, Marc de Braquilanges, est lui persuadé des potentialités du marché angolais. Faisant partie des entreprises retenues par Ubifrance, le producteur d’huiles compte bien exporter ses spécialités sous peu vers l’Angola : "nous allons commencer par nous adresser à la classe moyenne naissante et à la classe aisée, précise-t-il. On compte une dizaine d’hypermarchés dans la capitale et il y a un programme pour en ouvrir d’autres ces prochaines années".

La puissance de la Chine Afrique

Luanda a effectivement des allures de chantier à ciel ouvert, avec la construction de dizaines de tours dans les quartiers d’affaires les plus aisés, jouxtant parfois, à peine séparé par une rue les "musseques" comme on désigne ici les bidonvilles qui s’étalent horizontalement à perte de vue, avec leurs toit de tôle lestés par quelques parpaings. Aux routes asphaltées succèdent de même des chemins de terre cahoteux au cœur de la capitale pour rejoindre certaines entreprises comme le français Ponticelli qui a installé son site de production dans la ville.

Difficile pourtant d’avoir un jugement définitif, tant géographiquement les niveaux de vie se succèdent : après les musseques, les quartiers résidentiels protégés ; après les mauvaises routes, d’imposantes deux fois trois voies quittent la capitale, longent l’imposant stade de 70 000 places construit pour la coupe africaine de football, tandis que de l’autre côté à quelques kilomètres à vol d’oiseau se trouve un autre stade construit lui pour le championnat du monde de hockey en salle !

Plus étonnant encore la ville nouvelle sortie de terre par des ouvriers du géant chinois Citic Construction, dont le nom est inscrit sur des pancartes accrochées à des kilomètres de grillage encerclant des terrains vagues. Bienvenue à Kilamba, une ville prévue pour 200 à 500 000 habitants selon les sources (!) mais dont le taux d’occupation des logements semble faible quand on se promène le long de ses longues avenues vides, au parking désert. Des immeubles tous construits sur le même plan, selon une architecture qui rappelle fortement l’urbanisme en hauteur chinois dont seul varie le nombre d’étages, l’orientation des immeubles et la peinture extérieure passant du jaune au vert d’eau ... Quelques mois après la livraison du programme immobilier, les prix des logements ont été baissés par le gouvernement angolais. C’est la version urbaine du verre à moitié vide : les optimistes verront les premiers habitants comme les débuts de la classe moyenne, les pessimistes dauberont sur leur petit nombre...

L’inflation des salaires

Car Luanda est une ville très chère, ce qui n’est pas sans poser des problèmes aux industriels présents sur place. Pour une maison de 100 mètres carré pour un expatrié il faut compter environ 15 000 dollars par mois, les deux premières années étant payables d’avance. Dans le dynamique secteur du pétrole, il faut compter 1 500 dollars par mois pour un soudeur qualifié. Un industriel français confie qu’"un ouvrier dans le bâtiment coûtait 150 dollars par mois il y a 15 ans. Aujourd’hui, c’est 1200 dollars."

Par moments, à écouter les DRH croisés, on a l’impression d’être encore à Paris, tant les problèmes évoqués à Luanda évoquent ceux entendus à longueur d’année dans l’Hexagone : coût élevé de la vie qui tire vers le haut les salaires, problème pour trouver de bons profils, manque cruel de techniciens et de salariés de niveaux intermédiaires, craintes à former des salariés qui risquent partir chez un concurrent…

D’autres problèmes sont nettement plus spécifiques à l’Angola, comme les multiples procédures imaginées par l’administration angolaise. Une anecdote résume le goût local pour le contrôle tous azimuts : pour quitter le territoire, le voyageur passera par pas moins de huit points de contrôle avant de s’asseoir dans son siège d’avion ! La vie des affaires n’est guère plus aisée. Conscient de ces richesses, le gouvernement angolais ne souhaite pas voir les entreprises étrangères les piller et multiplie les contraintes. Ainsi, une loi récente favorise les investissements de plus d’un million de dollars : une fois approuvé par l’Anip, une commission ad hoc, il sera possible de rapatrier les bénéfices sans difficulté. Sinon place à l’imagination, puisque rien n’est prévu pour les investissements d’un montant inférieur.

Autres interventions étatiques : les droits de douane sur les importations mises en place à partir de 2014 pour protéger les industries naissantes locales. Ou encore les difficultés à obtenir des visas pour les expatriés (une demande de visa est une bonne sensibilisation à l’administration angolaise). Sans oublier la pratique dite de local content qui oblige les entreprises étrangères à ne pas compter plus de 30 % de salariés expatriés dans leur effectif. Jusqu’ici, les entreprises s’en sortaient "en embauchant un peu plus que nécessaires, pour avoir le nombre d’expatriés qu’elles désiraient", explique un Français implanté de longue date. Une pratique qui va devoir changer, puisque le gouvernement angolais veut aussi limiter le nombre de jeunes expatriés, exigeant des salariés qualifiés à même de former les salariés angolais.

Reste à savoir si, à terme, la présence forte d’une administration assez rigide ne risque pas d’entraver le dynamisme économique. L’autre menace serait une chute des cours du pétrole qui réduirait la marge de manœuvre du pays. Le vice-président de l’association des industries angolaises, Bernardo Moarais se veut rassurant : "nos difficultés sont vos opportunités", affirme-t-il en conclusion de la présentation qu’il fait devant les représentants d’entreprises françaises entre deux coupures de courant. Autant dire que le potentiel de développement pour les entreprises françaises qui sauront slalomer entre les contraintes semble immense.

Christophe Bys, envoyé spécial à Luanda

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