Fagor et Brandt, essorés par la mondialisation
Trop petit, trop seul, trop circonscrit aux marchés espagnols et français, Fagor a été victime de la concurrence asiatique à bas coûts et de son manque d’internationalisation. Son statut coopératif ne lui a pas permis, non plus, de réaliser des restructurations nécessaires et de faire entrer un partenaire financier à son capital.
C’était attendu. L’annonce de la mise en cessation de paiement du groupe Fagor Electrodomesticos n’étonne personne dans le secteur du gros électroménager. Les difficultés du cinquième fabricant européen étaient déjà anciennes. La coopérative espagnole avait doublé de taille en 2005 en avalant le français Brandt, lessivé par trois propriétaires successifs en quinze ans (l’Etat français avec Thomson jusqu’en 1993, les italiens d’Elfi qui le marièrent en vain avec Moulinex en 2001, puis l’israélien Elco jusqu’en 2005) et surtout un dépôt de bilan retentissant en 2001.
Pendant que Fagor s’occupait à digérer et restructurer Brandt, les concurrents européens comme l’allemand BSH (Bosch-Siemens), le suédois Electrolux ou l’italien Indesit, se sont attachés à conquérir les marchés émergents et à y implanter des usines, de l’Est-européen au Moyen-Orient en passant par l’Asie. Une avance incontestable qui leur a permis de trouver des relais de croissance pour compenser les difficultés du marché européen quand la crise est arrivée. En 2009, Fagor, leader sur un marché espagnol en pleine crise, commençait à connaître ses premières difficultés. Elles n’auront de cesse de s’accentuer, au fur et à mesure de la concurrence croissante et violente des appareils importés d’Asie, tant des produits low cost de Chine via les marques distributeurs, que des produits haut de gamme de Samsung et LG venus de Corée. Le tout avec un marché espagnol en chute vertigineuse de 50 % entre 2008 et 2012.
Des cessions d’usines réalisées trop tard
Malgré la cession en 2011 de l’usine française de Lyon, spécialisée dans le lavage (reprise par la société SITL pour faire des véhicules électriques), celle de Verolanuova, en Italie, en 2012 et tout récemment d’un site au Maroc, le groupe a fini par rendre les armes, croulant sous le poids des pertes chaque année (60 millions pour le seul premier semestre 2013 !) et des dettes accumulées (plus de 800 millions d’euros). Fagor a été pris à son propre piège : son statut coopératif l'a empêché de se restructurer en Espagne et de faire entrer un partenaire privé à son bord. L’annonce en septembre 2013 d’une alliance avec le chinois Haier pour construire une usine de réfrigérateurs en Pologne n’est arrivée que trop tard. Malgré des rumeurs répétées ces dernières années de dépôt de bilan, Fagor a réussi à tenir quatre ans, à la fois grâce à sa maison mère basque Mondragon qui lui injectait de l’argent à fonds perdu, au marché français qui s’est étonnamment maintenu jusqu’à la fin de l’année 2012 et à sa présence historique en Pologne. Mais pas assez pour soutenir un fabricant trop petit, trop seul, pour innover et lutter face à la concurrence mondiale.
Pour éviter la liquidation, le groupe n’a plus d’autres choix aujourd’hui que de subir une lourde restructuration. De 12 usines actuellement (dont 4 en France), il pourrait n’en rester que la moitié. Il y a fort à parier que les salariés français (2 000 actuellement), déjà marqués par le dépôt de bilan de 2001 vont connaître une nouvelle période difficile. Le site de La-Roche-sur-Yon (Vendée), spécialisé dans les activités de lave-vaisselle et sèche-linge, où travaillent près de 400 salariés, devrait être la première victime, car très exposé aux produits low cost. Celui de Saint-Jean-de-la-Ruelle, près d’Orléans (Loiret), dédié aux appareils de cuisson encastrables, à plus forte valeur ajoutée, devrait s’en sortir. Il pourrait être le seul rescapé des quatre sites français. Fagor dispose aujourd’hui de quatre mois pour faire ses choix et convaincre les banques de restructurer sa dette.
Adrien Cahuzac
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