Face aux perturbations causées par la grève, quels sont les droits du salarié et ceux de l’employeur ?
La grève du 5 décembre promet de paralyser une partie du pays et particulièrement suivie dans le secteur des transports. De nombreuses personnes auront des difficultés pour se rendre sur leur lieu de travail. Quels sont les droits des salariés et des employeurs dans ces conditions ?
Pas de métro, pas de boulot ? Pour répondre à vos interrogations avant le 5 décembre, L’Usine Nouvelle a posé 5 questions à Eric Segaud, avocat associé au sein du cabinet Filor Avocats, et spécialiste en droit du travail.
Une grève - peu importe son ampleur, le nombre et la nature des secteurs touchés – ne constitue pas un "cas de force majeure". Si elle est extérieure à l’entreprise, le droit du travail considère cette journée de mobilisation comme un "jour normal". Les mouvements sociaux étant portés à la connaissance du public, ils sont connus à l’avance et donc peuvent être anticipés. Dans le secteur public, ils sont même réglementés. "En principe, le salarié doit s’organiser en amont pour se rendre sur son lieu de travail, mais l’employeur peut faire preuve de souplesse", analyse maître Segaud.
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Précisons d’ores et déjà que les explications à venir s’attachent à décrire les règles générales du droit du travail. Elles ne prennent pas en compte les innombrables accords de d’entreprises, collectifs et de branches qui permettent d’infléchir le droit et de l’adapter par entreprise et par secteur. Demandez donc à votre direction des ressources humaines avant de prendre une décision.
Puis-je proposer de faire du télétravail ? OUI ET NON
Les ordonnances travail de 2017 ont modifié le recours à cette pratique et lui ont offert un cadre juridique. Le télétravail est ainsi défini: "toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, en utilisant les technologies de l'information et de la communication".
Un simple échange de mails avec les ressources humaines est suffisant pour y avoir recours, mais l’employeur peut refuser s’il existe un motif justifié.
Mais dans certains secteurs – industriels par exemple – on ne peut pas y avoir recours. Ces derniers nécessitent souvent une présence des employés sur les sites, comme dans certaines usines ou le secteur du nucléaire par exemple. Une usine nucléaire a besoin d’un service minimum pour la maintenance, et, en outre, "le caractère confidentiel des données peut amener l’employeur à refuser le télétravail", détaille maître Segaud.
Un employeur peut-il sanctionner pour un retard ou une absence ? OUI
"Pas de travail, pas de salaire. C’est un principe de base du droit du travail", explique l'avocat. Un employeur peut donc pénaliser avec une retenue sur son salaire l'employé s'il arrive en retard sans justificatif valable. En pratique, il peut se montrer plus souple, surtout si l'on est capable de lui fournir des preuves (lieu de résidence éloigné, justificatif fourni par les opérateurs de transports,…) des difficultés rencontrées pour se rendre sur son lieu de travail.
Il en va de même pour une absence. "Tout l’enjeu est en fait d’éviter les abus, mais la sanction doit être à proportionnée à la faute. Si je suis sanctionné et que je peux prouver, à l’aune des difficultés rencontrées pour me rendre à mon lieu de travail, que mon absence est justifiée, l’employeur risque de voir la sanction remise en cause", assure maître Segaud. Avant d’ajouter, "pour assurer la paix sociale, l’employeur n’a peut-être pas trop intérêt à sanctionner ses salariés dans de telles conditions".
Un dernier cas, celui d’une personne en grève. Si le salarié a respecté les règles régissant le droit de grève, son employeur ne peut pas le sanctionner. Mais il ne sera pas payé pour les jours où il ne travaille pas.
Un employeur peut-il obliger à poser des jours de congés ou des RTT ? NON
"Il n’y a pas d’obligation de poser des congés payés ou RTT, mais cela peut-être fait d‘un commun accord. En revanche, l’employeur ne peut en aucun cas obliger à prendre ou considérer rétroactivement un jour d’absence dû à la grève comme un RTT ou un congé payé", explique maître Segaud.
Un employeur peut-il demander de rattraper les heures perdues ? OUI et NON
Si votre entreprise n’est pas en touchée directement par la grève, le mouvement social est considéré comme externe. Dans ces conditions, un employeur peut demander de rattraper les heures perdues. Dans le cadre d’une "activité salariale à temps complet, un employeur peut tout à fait demander de venir rattraper exceptionnellement les heures", le samedi s’il le faut.
En revanche, "il ne faut pas que ce rattrapage soit consécutif d’une modification du contrat de travail, le passage d’un horaire de jour en horaire de nuit par exemple", précise l'avocat.
Puis-je me mettre en grève dans le cas de la réforme des retraites? OUI
Le droit de grève est défini comme un "accord collectif et concerté de personnes en activité reposant sur des revendications professionnelles", détaille maître Ségaud. Même si les contours exacts de la réforrme des retraites ne sont pas connus (âge pivot, générations concernées, etc.), la loi devrait concerner la quasi-totalité des travailleurs, du secteur privé comme public. Ainsi, vous pouvez vous mettre en grève si vous remplissez les conditions légales."La Cour de cassation admet dans une telle hypothèse la légitimité de la participation du salarié à ce mouvement de grève nationale", conclut Eric Segaud.
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