Fabrication additive : Redonner de la valeur aux déchets plastiques
Comment un matériau est-il soutenable sur le plan environnemental ? Les matériaux issus de l’économie circulaire, y compris les plastiques, offrent de nouvelles perspectives aux industriels.
L’émergence d’imprimantes 3D dernière génération et de matériaux haute performance possède un double avantage : économique et environnemental. Le recyclage des plastiques permet à la fois de réduire les émissions de CO2 et notre dépendance aux matières premières, et de réduire les coûts de production, dans les cas de plus en plus nombreux où l’utilisation de la matière recyclée devient moins chère à l’entreprise que la matière vierge.
« Les technologies de fabrication additive se prêtent bien au recyclage et à la valorisation de gisements de plastiques de faibles tonnages, par exemple, les gaines de câbles, les emballages cosmétiques de luxe, les masques chirurgicaux », explique Patricia Krawczak, professeur de l’Institut Mines-Télécom experte en plasturgie et composites. « Ces plastiques en fin de vie sont un déchet pour les uns, une matière première pour d’autres ». Au sein d’IMT Nord Europe, Patricia Krawczak axe ses recherches sur les matériaux avancés polymères ou composites et sur leurs procédés d’élaboration et de mise en forme (injection, extrusion, impression 3D, Liquid Composite Moulding).
Économie circulaire
L’experte a identifié à ce stade une petite dizaine de matériaux plastiques issus de l’économie circulaire dont le PLA (acide polylactique), le TPU, le polystyrène choc HIPS, et le PETG. Ces quatre formulations sont développées par Kimya, au sein du groupe Armor, qui propose aux industriels des bobines de filaments 3D disposant chacun de propriétés chimiques et mécaniques qui lui sont propres. Le filament 3D Kimya PETG-R est soutenu par le dispositif de ADEME Orplast 2 – Objectif Recyclage PLASTiques –, qui encourage l’intégration de matières plastiques recyclées par les plasturgistes ou transformateurs de la matière première en produits.
D’autres développements de matériaux recyclés pour l’impression 3D portent sur le Polypropylène et l’ABS, ou le PLA chargé de différents déchets issus de la filière agricole ou de la restauration indique la chercheuse. « La fabrication additive permet déjà de concevoir et produire sans moule des pièces allégées en optimisant la quantité de matière nécessaire. Par le traitement et la valorisation des matières contenues dans les déchets collectés, les impacts environnementaux peuvent être encore réduits », reprend l’experte.
Mobilier urbain imprimé en 3D
Après la collecte, la phase de traitement consiste en effet à trier, broyer, séparer, désodoriser, filtrer, homogénéiser et réajuster la formulation des matériaux avant regranulation. « Un des enjeux du compoundage à l’état fondu est aussi de fonctionnaliser la matière plastique recyclée pour qu’elle réponde au cahier des charges des applications industrielles ou aux spécificités des procédés de fabrication », souligne Patricia Krawczak. « La formulation du matériau doit ainsi être adaptée à la fabrication additive ».
Exemples d’application : l’entreprise hollandaise « The New Raw » a implanté son projet « Print your City » en Grèce, à Thessalonique. Un parc de la ville a été entièrement équipé d’un mobilier urbain conçu grâce à des imprimantes 3D, à base de 800 kg de déchets plastiques. Une autre entreprise néerlandaise « VolkerWessels » a imaginé une solution pour valoriser les déchets plastiques des océans, et utiliser la matière recyclée pour la construction de routes.
Projet Doudou : De nouveaux débouchés pour le recyclage des plastiques par impression 3D
Augmenter le taux de recyclage des plastiques, et leur trouver des débouchés techniques suffisants et une valeur économique justifiant leur réemploi, c’est l’objectif du projet Européen Interreg Doudou, initié en avril 2019. Il a pour vocation de proposer des solutions techniques pour le recyclage des plastiques par impression 3D. Par une approche transfrontalière globale, Doudou associe quatre centres de recherche aux compétences et réseaux industriels complémentaires, en France et en Belgique.
Après avoir prospecté une quarantaine d’industries de la zone transfrontalière, le projet a permis d’approvisionner des matériaux à recycler sous forme de chutes de production (déchets industriels) ou produits en fin de vie (flux post-consommateur) : cuves de couvercles en polypropylène, gaines de câbles optiques, pièces automobiles, chutes de découpe de plexiglas, cartouches de chasse, masques chirurgicaux, films d’emballage de cartouches de cigarettes…
Ces flux de plastiques ont été traités, puis le comportement des matériaux a été étudié. Des pièces tests ont ensuite été imprimées 3D à Certech et à IMT Nord Europe/Armines par dépose de fil fondu.
La comparaison des filaments recyclés produits dans le cadre du projet transfrontalier avec des filaments commerciaux a permis de valider le recyclage de plusieurs flux de déchets plastiques régionaux grâce à l’impression 3D d’objets de géométrie simple.
Matériaux intelligents : Intégrer l’électronique au cœur de la matière
Issus de matière organique renouvelable, végétale ou animale, les matériaux biosourcés constituent un champ de recherche très prometteur. Le Centre d’innovation du Pôle Léonard de Vinci, basé à la Défense à Paris, en a fait une de ses spécialisations. La collaboration initiée en 2020 entre le Centre et la start-up bayonnaise Lynxter, spécialisée dans la conception de machines-outils modulaires industrielles, propose par exemple de développer de nouveaux matériaux intelligents intégrant l’électronique au cœur de la matière.
Une technologie qui permettrait, c’est leur espoir, de révolutionner les approches dans la confection des prothèses, et de la robotique en général. « Les mains de robot en silicone pourraient être remplacées par des matériaux biosourcés », explique Marc Teyssier, directeur de recherche au Centre d’innovation de Vinci. « Nos recherches actuelles explorent l’utilisation de plastiques biosourcés à partir de gélatine et d’agar-agar ».
La question qui se pose pour les chercheurs : comment rendre ces plastiques fonctionnels et interactifs ? « Il ne s’agit pas seulement d’en faire des objets statiques mais également de les rendre conducteurs », reprend le chercheur. « Cela sous-entend de développer les propriétés de conduction du plastique bio-sourcé ».
Des perspectives prometteuses.