A la demande du gouvernement, l’Inra vient de rendre un rapport sur les alternatives au glyphosate, que L’Usine Nouvelle s’est procuré. Il présente les pistes possibles, déjà expérimentées dans certaines fermes françaises. Mais ne se prononce pas sur la possibilité ou non de les généraliser d’ici trois ans, comme le veut Emmanuel Macron.
Quatre jours après le vote européen qui a reconduit pour cinq ans le glyphosate, l’Inra a remis ce vendredi 1er décembre un rapport très attendu sur cette molécule controversée. L’Usine Nouvelle a pu se procurer ce document transmis aux ministres de la Transition Ecologique, de la Santé, de l’Agriculture, et de la Recherche et de l’Innovation, suite à leur saisine conjointe du 2 novembre dernier. Mais alors qu’Emmanuel Macron a promis d’interdire en France le glyphosate "dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans", l’Institut National de Recherche Agronomique se montre prudent, en raison du manque de temps dont il a disposé (voir encadré).
En 2016, rappelle l’Inra, ont été consommées en France métropolitaine 9100 tonnes de cet herbicide qui présente "la double propriété d’être total (tous les végétaux partagent le mécanisme bloqué et sont donc tous sensibles à des degrés divers) et systémique (il migre dans les tissus lui permettant d’atteindre les systèmes racinaires). (…) Fruit de son usage généralisé, on le retrouve ainsi que ses métabolites dans l’eau et le sol et, rarement fort heureusement, dans les denrées agricoles."
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Des alternatives possibles, seules ou combinées, y compris pesticides…
Si le glyphosate était interdit, pour maintenir leur niveau de revenu et de rendement, les agriculteurs devraient utiliser d'autres outils, seuls ou combinés : désherbage mécanique et le travail superficiel du sol, labour, agro-équipements permettant le hachage de la végétation (afin d’éviter le recours à une destruction chimique totale), la culture sous mulchs vivants... L’Inra n’exclut pas l’usage d’autres pesticides : "l‘utilisation ciblée d’autres herbicides homologués (mais qui peuvent avoir des profils tox/écotox plus défavorables que celui du glyphosate), pourra être nécessaire pendant une période de transition pour traiter les adventices vivaces qui résisteraient aux options précédentes". Ces leviers, déjà expérimentés au sein du réseau Dephy Ecophyto, "sont donc possibles et même économiquement viables quand ils sont réfléchis avec l’optique d’un couplage des interventions pour en limiter le surcout, et dans une réflexion à l’échelle du système de culture", selon l’Institut.
… Mais des « freins majeurs » voire des impasses
Cependant, "des freins majeurs" existent, sur "l’impact économique et le temps de travail, les évolutions du parc matériel, de la motorisation et des automatismes, les modalités d’installation des cultures pérennes. La réflexion sur la transition vers la sortie du glyphosate doit donc se faire sur une échelle de temps qui prend en compte la mise en oeuvre de ces techniques alternatives", estime l’Inra, qui ne s’avance pas à se prononcer sur les trois ans annoncés par Emmanuel Macron.
Problème, il reste même des impasses pour lesquelles seule la destruction à la main peut répondre pour l’instant. Comme l’agriculture de conservation (qui concerne 4% environ des surfaces de grande culture), les cultures pour des marchés spécifiques avec de fortes contraintes techniques (comme le secteur de la production de semences "pour les espèces fourragères, potagères et florales", les légumes de frais et de conserve cultivés en plein champ), ou encore des niches : le rouissage de la fibre de lin, une activité dans laquelle la France est leader mondial, mais aussi la récolte des fruits à coques.
Quant au surcoût économique à prévoir, il "sera d’autant plus marqué que la diversification des cultures est faible, qu’il n’y a pas d’élevage, que le secteur concerné touche des marchés très concurrentiels au sein de l’Union Européenne".
Plus de robotique, d’agriculture de précision, de biocontrôle…
Pour faciliter l’adaptation, l’instutit recommande des "changements profonds", et notamment : plus de robotisation, "en particulier en maraîchage" et d’outils de désherbage mécanique (ce qui nécessitera une réglementation adaptée), d’agriculture de précision et de cartographie des parcelles pour mieux cibler les interventions chimiques et mécaniques… Mais aussi "des modes de contrôles chimiques ou alternatifs innovants ciblant spécifiquement quelques espèces soit préoccupantes en santé publique soit freins majeurs des conduites actuelles vertueuses, y compris chez les agriculteurs en Agriculture Biologique". L’institut mise sur la recherche pour créer de nouvelles options, comme le biocontrôle.
Nombre de ces changements sont compatibles avec une réduction de la dépendance aux herbicides, au-delà du seul glyphosate, selon l’Inra. Pour lequel "la transition vers l’absence de glyphosate sera aussi facilitée par une adaptation de la demande des consommateurs et l’harmonisation des pratiques entre pays européens pour limiter les distorsions de concurrence". "Avec les autres travaux en cours", ce rapport "permettra au Gouvernement de présenter, lors de la clôture des Etats Généraux de l’Alimentation, une feuille de route ambitieuse visant une agriculture moins dépendante aux pesticides, dont le glyphosate", précisent pour leur part les ministères. Une feuille de route finalisée en début d’année 2018.
Saisi le 2 novembre, l'Inra n’a eu que peu de temps pour réaliser son analyse à partir de "données rapidement mobilisables (fermes des réseaux Dephy Ecophyto, rapports nationaux et internationaux, publications scientifiques et techniques) et d’une consultation d’experts de l’Inra, du Cirad et d’Irstea, des Instituts Techniques Agricoles, des Chambres d’Agriculture et des organisations professionnelles agricoles", reconnaît-il. Objectif de son rapport, étudier les alternatives identifiables pour les principaux usages du glyphosate, "les incidences économiques et organisationnelles de leur déploiement et l’accompagnement susceptible d’aider à leur mise en œuvre".
Gaëlle est rédactrice en chef web de L'Usine Nouvelle. Entre 2011 et 2018, elle a suivi les industriels de la pharmacie, des dispositifs médicaux, de la cosmétique et de la chimie, puis ceux de l'agroalimentaire et de l'agrochimie pour le magazine et le site. Formée aux Echos, au Monde, à La Croix et à Ouest-France, elle travaillait précédemment au sein du magazine Option Finance et pour l’Expansion. Elle est titulaire d’un master professionnel de journalisme de l’Institut Français de Presse et diplômée de Sciences-Po Rennes (section économie-finances).
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