[Etats Généraux de l'Alimentation] Comment Emmanuel Macron espère casser la guerre des prix
Que retenir de l’heure et demie de discours d’Emmanuel Macron à mi-chemin des Etats Généraux de l’Alimentation ? Des décisions impactantes pour les agriculteurs, des industriels de l’agroalimentaire et des grandes surfaces, mais aussi pour l’agrochimie…Les 4 mesures phares à retenir.
Comment casser la « guerre des prix » dans l’alimentaire. Au marché de Rungis (Val de Marne), au milieu des stands de fruits et légumes, le président de la République a enfin dévoilé sa vision, très attendue après près de trois mois de débats lors des Etats Généraux de l'Alimentation. Avec une équation à résoudre : garantir le "juste prix", la "souveraineté alimentaire" et une meilleure qualité des produits made in France.
Un nouveau cadre contractuel
L’Etat conditionnera désormais certains dispositifs d’aide aux agriculteurs à la taille de leurs organisations de production commerciales. Ceci pour les forcer à se regrouper en organisations économiques, négocier ainsi de manière plus équitable avec l’industrie et la grande distribution, et définir par filière des indicateurs de marché, de coûts de production et des contrats-type. Les différents maillons de la chaine s’engagent ainsi à renverser la construction des prix dans les contrats avec l’agriculteur : ils devront être calculés en fonction de son coût de revient, afin d’éviter de nouvelles crises comme dans le porc ou le lait. Et via des contrats pluriannuels : "sur trois à cinq ans", préconise Emmanuel Macron, pour leur donner de la visibilité et les aider à monter en qualité.
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Une loi au premier semestre 2018
Au premier semestre 2018, une loi permettra, probablement sous forme d’ordonnances, d’« accélérer cette transformation agricole » en modifiant le code de commerce. Elle devrait également inclure un encadrement des promotions et une hausse du seuil de revente à perte "pour les produits alimentaires", mesure très attendue par la grande distribution, le principal syndicat de l’agroalimentaire Ania, mais contestée par Michel-Edouard Leclerc, les associations de consommateurs, et la Feef, qui défend des PME fournissant la grande distribution.
Problème, la loi ne sera donc pas prête pour les négociations commerciales annuelles, qui s’ouvrent le premier novembre entre les entreprises de l’agroalimentaire et les grandes surfaces. Le président de la République les appelle donc à respecter malgré tout cette "philosophie". Et promet une évaluation parlementaire à mi-mandat pour réaliser des changements législatifs si besoin.
Mais pas question, pour Emmanuel Macron, de faire ainsi un "chèque en blanc". Il la conditionne donc à des "plans", que devra soumettre d’ici la fin de l’année chaque filière agricole, avec l’aide de l’industrie et de la grande distribution, sur ses objectifs à cinq ans pour se restructurer, aller vers du bio ou de l’agroécologie, monter en gamme ou exporter, identifier les maillons manquants dans la production, la transformation ou la logistique…
Objectif, que la loi garantisse un juste revenu aux producteurs et aux acteurs de la filière, mais aussi une meilleure qualité pour les consommateurs. Emmanuel Macron pointe notamment du doigt la filière volaille, lui reprochant de tenter d’exporter des poulets congelés au Moyen-Orient malgré la concurrence du Brésil, plutôt que de répondre aux goûts des consommateurs français. Idem pour le porc, insuffisamment bio ou Label Rouge, ou la restructuration nécessaire des abattoirs… Certaines initiatives, comme le projet en faveur d’œufs en élevage en plein air d’ici à 2022, pourront être accompagnées par un plan de 5 milliards d’euros de l’Etat. Mais elles devront l’être aussi par la grande distribution, en donnant plus de visibilité sur ses attentes en volumes et prix, et les consommateurs, en acceptant de payer ces produits un peu plus chers.
Des contrôles renforcés
Comment garantir que tous les acteurs joueront le jeu? La grande distribution avait été souvent accusée par l’industrie par le passé, et certaines enseignes condamnées pour des mauvaises pratiques lors des négociations commerciales. Le pouvoir des Médiateurs des prix et des relations commerciales sera renforcé. Et la pratique anglo-saxonne du "Name and Shame", qui consiste à dévoiler publiquement le nom des mauvais élèves, "sera retenue pour les relations commerciales agricoles", promet le président de la République. Tandis que les entreprises accusées de ne pas publier leurs comptes pour fausser les discussions dans une filière, comme avait pu l’être Lactalis, seront sanctionnées.
Un Observatoire des produits et de la consommation pourrait apparaître, aux côtés de l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Les ministres devront aider les acteurs économiques en leur précisant les possibilités offertes par le droit de la Concurrence. Et peser à l’échelle européenne pour faire valoir les spécificités du monde agricole.
Se passer progressivement des pesticides
Alors que s’ouvre le second chantier des Etats Généraux, dédié à une "alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous", "le problème du glyphosate, c’est le problème de tout le monde! (…) de l’ouvrier agricole jusqu’au consommateur", assène Emmanuel Macron. "Néonicotinoïdes, perturbateurs endocriniens ou glyphosate "… Il appelle à « prendre nos responsabilités face à l’Histoire », et trouver l’organisation adaptée, filière par filière, pour réduire la « dépendance aux intrants chimiques ». En regardant toutes les solutions possibles : biocontrôle, plus de main d’œuvre, ou dose de pesticides plus limitée s’il n’y a pas d’autre recours, avec un "programme volontariste de recherche", promet-il.
Pour prendre des "décisions courageuses", le président de la République entend enfin disposer en France d’ "experts indépendants sur le plan scientifique". Allusion à peine voilée alors que se poursuit le scandale des « Monsanto Papers ».
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Tous les champs sont obligatoires
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