[Entracte - Livres] Une machine comme moi de Ian Mc Ewan : un robot presque humain
Dans son dernier roman, le britannique Ian McEwan revisite la question qui hante son oeuvre : la Raison est-elle un meilleur moyen de comprendre le monde que l'émotion ? Pour cela, il invente un robot presque parfait qui s'immisce dans la vie d'un jeune couple britannique. On est en 1980, mais rien ne s'est passé comme on croit : en France, le président s'appelle Georges Marchais. Le Britannique est joueur...
Il était fatal que l'écrivain britannique Ian McEwan s'intéressât un jour aux androïdes et aux défis de l'intelligence artificielle. Depuis qu'on l'a découvert en France avec Les chiens noirs ou Délire d'amour dans les années 90, son oeuvre est irriguée par la question de la place respective de la sensibilité et de la science pour appréhender le monde au plus juste. Ou pour le dire dans des termes qu'une de ses illustres ancêtres de la littérature britannique n'aurait pas renié : de la Raison ou des sentiments, quel est celui qui est le plus capable d'éclaire l'expérience humaine.
Turing n'a pas croqué la pomme
Son dernier roman, Une machine comme moi, n'y fait pas exception en nous plongeant dans un Londres imaginaire du début des années 80. La guerre des Falklands est perdue par le Royaume-Uni, après que l'Argentine a été livrée en missiles français, mettant Margaret Thatcher dans une situation politique inconfortable. Les Beatles ne se sont pas séparés ; ils chantent toujours. Alan Turing n'est pas mort et a donc continué à mener des travaux sur ce qu'on appelle l'intelligence artificielle. Grâce à cela, une entreprise du Royaume-Uni peut commercialiser un androïde à l'apparence humaine. Le modèle masculin se nomme Adam, le féminin Eve.
Charlie y consacre une partie de l'héritage qu'il a touché à la mort de sa mère, tandis qu'il vivote en plaçant de l'argent sur les marchés financiers en ligne (Internet existe déjà en 1982 dans le roman).
L'arrivée d'Adam va évidemment bouleverser le cours de sa vie. Et ce d'autant qu'Adam est livré avec un logiciel partiellement déterminé, l'utilisateur pouvant le paramétrer. Charlie va proposer à sa voisine et bientôt concubine, Miranda, de le faire à deux. Evidemment, Adam tombe amoureux de Miranda, conduisant Charlie à se poser la question suivante : "peut-on être jaloux d'un robot ?" qui écrit des haïkus d'amour plus vite que son ombre (2000 en une nuit).
Un homme, une femme ...et un robot
Pour corser l'intrigue, très tôt, Adam fort de son hyper connexion à des bases de données et à sa capacité de calcul illimitée, prévient Charlie que Miranda lui ment. Peut-on aimer une partenaire dont on connaît la probable déloyauté ?
C'est à ce genre de dilemmes moraux que s'amuse Ian Mc Ewan dans ce roman. Parfois jusqu'à l'absurde, quand, par exemple, le père lettré de Miranda, part dans une conversation de haut vol sur l'oeuvre de Shakespeare avec le robot Adam, laissant Charlie en plan. Parfois, plus inquiétant quand Adam use de sa force mécanique pour agresser certains personnages.
Le roman de McEwan rappelle deux ouvrages récents : Auprès de moi toujours du Nobel de littérature K. Ishiguro, ou le magnifique premier roman de Louisa Hall, Rêves de machines. Moins nostalgique que le premier et moins sensible que la seconde, le cérébral McEwan manie l'ironie britannique, s'amusant de la faiblesse humaine. Ces derniers intrinsèquement imparfaits sont perdus face à leurs créatures aux algorithmes parfaits. C'est que l'essence de l'Homme pour McEwan est dans son imperfection. Si elle peut lui faire commettre des injustices, elle est aussi le garant de sa Liberté.
Une machine comme moi, Ian McEwan Gallimard 22 euros
Traduit de l'anglais par France Camus-Pichon
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