[Interlude] Dark Waters, un film qui rappelle que la justice est un sport de combat
Dark Waters raconte l'instruction au long cours menée par un avocat travaillant jusque-là pour les géants de la chimie. Dans ce film sombre, très sombre, Mark Rufalo brille par son interprétation d'une homme fatigué, au bord de la rupture, qui, pourtant, mène le combat jusqu'à son terme.
Il faudra un jour s'interroger sur cette passion contemporaine à créer des fictions "d'après des histoires vraies". En témoigne Dark Waters, un film de Todd Haynes, qui retrace le combat de l'avocat Robert Bilott contre la firme DuPont. L'intérêt de cette histoire vraie est que l'homme de loi en question travaillait pour des firmes du secteur chimique jusqu'au jour où un paysan de Virginie lui est envoyé par sa grand-mère. L'homme est persuadé que la firme proche de son exploitation rejette des déchets toxiques dans la nature, déchets qui affectent la santé de son cheptel et de sa famille.
Quand le quotidien devient menaçant
Après quelques hésitations, l'avocat qui vient d'être nommé associé du cabinet accepte la mission et retourne là où il a grandi pour découvrir l'étendue des dégâts et recueillir des éléments sur la responsabilité de l'usine locale. On est dans le chemin bien balisé du film d'enquête menée par un avocat, avec ce qu'il faut de scènes filmées dans des bureaux entre les associés, la séance au tribunal et quelques autres passages obligés. D'autres surprendront comme, quand l'avocat doit décortiquer une pièce entière emplie de documents, car la partie adverse choisit plutôt que de ne pas partager l'information de le noyer pour mieux le ralentir.
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Sauf que le réalisateur de ce film est Todd Haynes, pas vraiment attendu dans ce genre là. On l'a connu réalisateur d'un mélo flamboyant avec Carol ou Loin du Paradis et son dernier film en date, Le musée des merveilles, s'intéressait plutôt aux traumas de l'enfance et à la résilience. De Todd Haynes, Dark Waters garde le goût pour faire émerger le bizarre d'une situation familière, de rendre le quotidien menaçant d'un seul coup. Ainsi en est-il d'une visite dans la ferme à la tombée de la nuit, ou d'un incendie qui surprend un paisible couple de retraités.
Un héros, un vrai, mais très fatigué
On a lu que Dark Waters serait un sous Erin Brockovich, le film avec Julia Roberts dans le rôle éponyme qui dénonçait, comme son modèle, un scandale de pollution des eaux. C'est faux. Dark Waters, comme son titre l'indique et comme on pouvait l'attendre de son réalisateur Todd Haynes, est beaucoup plus sombre. Là où Erin Brockovich "héroïse" et "glammourise" le combat de la femme seule contre tous, Dark Waters est un film beaucoup plus crépusculaire, où même un combat mené jusqu'à la victoire peut avoir des goûts de défaite. Robert Bilott passera une grande partie de sa vie à mener cette bataille juridique, délaissant épouse et enfants.
La qualité des acteurs, Mark Rufalo en tête, secondé par de formidables seconds rôles interprétant ces red necks - la version made in USA des gilets jaunes, soit des populations qui vivent le déclassement social en ayant le sentiment d'être délaissé par des élites qui les méprisent - font de Dark Waters plus qu'un film de prétoire de plus. C'est un hommage brillant à tous ceux qui, sans bruit, tentent de sauver ce qui, à leurs yeux, peut l'être encore. On s'en doutait, c'est confirmé : Todd Haynes est un grand cinéaste humaniste. Et Mark Rufalo a inventé l'archétype du héros fatigué.
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