Entente sur les prix d'achat des batteries : un "cartel" bien peu efficace
Recylex, Eco-Bat Technologies et Campine ont été condamnés à de lourdes amendes par la Commission européenne pour entente sur leurs prix d'achat des batteries automobiles usagées entre 2009 et 2012. Un cartel qui n'a pas pour autant réussi à empêcher l'explosion des prix de ses matières premières sur la période concernée, mais dont la condamnation fragilise fortement Recylex.
C'est l'histoire d'un Français, d'un Belge, d'un Anglais et d'un Américain qui s'entendaient sur les prix concédés pour leurs achats de batteries automobiles usagées aux ferrailleurs et autres casses automobiles... Entre 2009 et 2012, le français Recylex (ex-Metaleurop Nord), le britannique Eco-Bat, le belge Campine et l'américain Johnson Controls ont échangé emails, appels et SMS afin de tenter de contenir, aux dépens de leurs fournisseurs, la hausse des prix d'achat des batteries au plomb en fin de vie qu'ils recyclaient pour maximiser leurs profits. C'est la première fois que la Commission européenne démontre l'existence d'une telle entente à l'achat, les pratiques de cartel s'établissant le plus souvent sur les prix de vente. Même dans l'entourage des sociétés incriminées, on reconnaît la perspicacité et l'efficacité de la commission. Et même l'intelligence de la sanction, pondérée sur les approvisionnements et le chiffre d'affaires des contrevenants.
Des prix d’achats en forte hausse
Moins efficace, par contre, fut l'action du cartel en question. Entre 2009 et fin 2012, les prix d'achats moyens des batteries usagées sont passés de 100 à plus de 600 euros, atteignant un sommet début 2013 avant d'entamer une longue redescente.
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Peut-être, alors, cette hausse était-elle compensée par celle des matières revendues à la sortie du process? Pas vraiment. Sur la même période, le plomb coté au London Metal Exchange doublait.
Recylex fragilisé
La situation est particulièrement inquiétante pour le français Recylex (dont l'actionnaire de référence est Glencore), qui multiplie les encours. Sorti d'un plan de continuation fin 2015, il a été condamné à indemniser un premier groupe d'anciens salariés de Metaleurop à hauteur de 16,5 millions d'euros. Puis un second la semaine dernière, à hauteur de 8 millions d'euros. Cette somme avait été provisionnée par le groupe et intégrée dans son plan de refinancement de 67 millions d'euros, bouclé fin 2015 au terme de plus de six mois de négociations. Mais les 26,739 millions d'amende de la Commission européenne (ristourne de 30% pour bonne coopération à l'enquête incluse) pour pratique anti-concurrentielle n'ont, quant à eux, pas été provisionnés. Après un résultat net 2015 déficitaire de 39,4 millions, il n'est pas certain que le groupe ait les moyens de régler cette amende. Il n'est pas exclu non plus qu'elle remette en question l'investissement prévu dans un nouveau four, plus efficace, pour son site allemand. Réagissant à l'annonce de sa condamnation, Recylex "regrette que la Commission européenne n’ait pas tenu compte de sa situation financière spécifique".
Le groupe a suspendu une nouvelle fois sa cotation, après deux jours de suspension la semaine précédente consécutifs à sa condamnation au versement d'indemnités supplémentaires aux anciens salariés de Metaleurop, et annoncé "examine[r] en détail cette décision avec ses conseils et étudie[r] ses impacts sur sa situation financière avec ses partenaires financiers. Toutes les options, y compris celle d'un appel, seront envisagées."
Mais un appel, qui n'est pas suspensif en droit européen, n’est peut-être pas la meilleure option pour Recylex. Des négociations – notamment sur un étalement de la dette – sont sans doute possibles. La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, leur a ouvert la porte en évoquant, devant des journalistes, la possibilité, en droit européen, "de se dire en incapacité de payer". Tout en rappelant que "nous avons affaire à des pratiques malhonnêtes". Pas d'ardoise magique, donc, pour Recylex, qui n'en a pas fini avec ses années de plomb.
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