En pleine croissance, l’aquaculture suscite les convoitises
Le développement du géant de l’agribusiness Cargill dans le secteur du poisson illustre l’importance grandissante de l’aquaculture. Cet essor pose des questions quant à l'approvisionnement en alimentation des poissons d’élevage.
Premier négociant mondial en céréales, le géant de l’agribusiness Cargill a effectué durant l’été des emplettes… dans le secteur du poisson. Le groupe américain a annoncé le 21 juillet dernier que "poussé par un changement historique dans la production alimentaire, les poissons d'élevage dépassant la production mondiale de viande bovine pour la première fois dans l'histoire moderne", il avait créé une coentreprise avec l’équatorien Carisa, deuxième producteur de crevettes du pays. Cargill, qui investit 30 millions de dollars dans l’opération, détiendra 75% de la nouvelle entité, qui construira une usine d’aliments pour crevettes.
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Un mois plus tard, le 17 août, Cargill s’est renforcé une nouvelle fois dans le secteur avec l’achat auprès de deux fonds d’investissements du norvégien Ewos, leader mondial de la nutrition du saumon, pour un montant de 1,35 milliard d’euros. "Les besoins en protéines devant croître de 70% dans le monde d'ici à 2050, les poissons d'élevage et des crevettes offrent une solution unique pour répondre à cette demande", s’est justifié le groupe, qui accède ainsi au marché du saumon par le biais de sept usines, produisant plus de 1,2 million de tonnes d’aliments par an, et de deux centres de recherche et développement.
Cargill n’est cependant pas le premier groupe industriel à s’engouffrer dans la brèche : en 2014, le japonais Mitsubishi a acquis le norvégien Cermaq, jusqu’alors public. Créée en 1995 en tant que négociant, l’entreprise est devenue au fil des années un des premiers éleveurs mondiaux de saumon, opérant également au Chili et au Canada.
Une pratique en pleine expansion
Ces acquisitions illustrent le fort potentiel de l’aquaculture. D’après l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production de poisson en équivalent poids vif (correspondant au poids du poisson pêché et non transformé) s’est élevée à 70,1 millions de tonnes (Mt) en 2013, talonnant le niveau de la pêche destinée à la consommation humaine (70,8 Mt). Elle a bondi de 78,8% en l’espace de dix ans. Selon ses estimations, en 2023, 91,6 Mt de poisson seront produites au moyen de l’aquaculture, contre 74,5 Mt issues de la pêche.
Les assiettes sont par ailleurs déjà bien fournies en la matière : en mai dernier, la FAO indiquait que la consommation humaine de produits aquacoles était devenue, en 2014, plus importante que celle de produits issus de la pêche sauvage, avec 10,3 kg par personne contre 9,7 kg.
Tensions sur la farine de poisson
L’essor de l’aquaculture n’est toutefois pas exempt de conséquences environnementales, les poissons se nourrissant de... poissons ou d’aliments en contenant. Ainsi, les petits pélagiques tels que les sardines et les anchois sont soumis à une forte demande. "L'offre de ces ingrédients alimentaires marins est sous pression. Pour certains acteurs, minimiser l'utilisation de farines de poisson sera un facteur clé de succès, tandis que pour d'autres, investir dans le contrôle de cette partie de la chaîne de valeur peut devenir une priorité stratégique", estime ainsi Gorjan Nikolik, analyste en charge des produits de la mer chez Rabobank.
La banque néerlandaise recommande notamment aux producteurs d’aliments pour l’aquaculture de réduire l’utilisation des farines et des huiles de poisson, et suggère aux producteurs de poisson d’innover avec de nouvelles espèces plus économes en aliments ou dont le taux d’inclusion de produits dérivés des poissons est le plus bas possible. Les micro-algues apparaissent dès lors comme un substitut éventuel sur lequel les industriels peuvent se pencher.
Franck Stassi
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