Embarquer l’IA, un défi majeur pour l’industrie européenne
Aux Assises de l’embarqué, qui ont eu lieu mardi 19 janvier, l’Intelligence Artificielle (IA) a tenu une place importante. Si les acteurs américains et chinois de l’IA se ruent sur ce nouveau marché, la maîtrise européenne de l’embarqué pourrait lui donner un avantage.
Embarquer l'intelligence artificielle (IA) représente un défi de taille. L'IA s'est en effet développée ces dernières années à grands coups de réseaux de neurones géants et de traitements de données massives - terrain de jeu favori des GAFAM et des géants chinois. Impossible de transposer directement ces méthodes dans de petits composants au plus près du terrain industriel. Réunis lors des Assises de l’embarqué le 19 janvier, des panels - 100% masculins - d'industriels et chercheurs du domaine ont détaillé les principaux enjeux de l'IA embarquée : frugalité, explicabilité et certification.
L'IA embarquée fait partie de la tendance de l' « edge IA», soit le rapprochement du traitement des données par les algorithmes d'IA au plus près des équipements qui génèrent ces données et utilisent le résultat de leur traitement. Bertrand Tavernier, VP Software Thales R&T, en présente les trois différentes formes : « Le edge centré sur le cloud poussé par les grands acteurs du cloud dans une logique de confidentialité et de maitrise des données, le edge standardisé par la 5G (la mobile edge computing, MEC) qui amène une vision intermédiaire dans laquelle la donnée n’est pas envoyée sur le cloud mais traitée sur l’infrastructure qui sert à la transporter et qui limite la consommation énergétique, et on voit bien qu’il y a un troisième challenge qui est de ne pas transporter du tout la donnée, ce qui est encore plus intéressant en terme de data privacy et d’économie d’énergie. »
Une IA embarquée industrielle mais pas encore de voiture autonome en vue
Si l’edge IA peut répondre à différents besoins comme la détection de pannes développée par la startup Cartesiam, la vision industrielle, l’aéronautique ou encore la défense, les véhicules autonomes sont les objets emblématiques qui doivent incorporer cette technologie pour arriver à maturité. Marc Duranton, chercheur au CEA, explique que « les véhicules autonomes doivent reconnaitre un environnement et ne peuvent pas toujours être connectés, même avec la 5G. Si on passe dans un tunnel, il faut que la voiture soit toujours capable de détecter les gens. Et pour avoir des temps de réponses très courts, il faut que le système soit capable de prendre des décisions, d’analyser et d’apprendre localement. »
Si les ingénieurs de chez Renault sont déjà habitués à utiliser de l’IA dans leurs voitures, par exemple avec les systèmes experts, pour Clément Zinoune, chef de Projet Expérimentation Véhicule Autonome au Technocentre du constructeur français, « le défi de l’IA dont on parle ici, c’est finalement quand les algorithmes d’intelligence artificielle sont basés sur les données et quand ils sont auto apprenants et évoluent d’eux même sans forcément qu’on ait la main sur leur fonctionnement interne, c’est là où arrivent les challenges d’explicabilité, de certifications, etc. »
L’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’embarqué ne peut donc pas se résumer au traitement des données dans le cloud avec les solutions des GAFAM. Il s'agit là d'un aspect de plus en plus important dans les processus d’ingénierie. Yann Debray, chef de produit Matlab chez Mathworks, explique qu’il y a trois étapes indispensables dans ce processus pour développer l’edge IA sur un système : le prétraitement des données physiques venant des capteurs, l’intégration et l’entrainement des algorithmes d’intelligence artificielle dans les systèmes cyberphysiques complets et enfin le déploiement. Eric Bantegnie, vice président d’ANSYS, rajoute à ces points qu’ « il y a un défi très important qui est que l’IA ne prévient pas quand elle s’arrête de marcher correctement. » L’éditeur de logiciels a développé Scade Vision pour détecter ces cas particuliers.
Embarquer la France et l’Europe dans l’IA
Mais si la mise en place de ces procédures et outils permettent d’industrialiser l’intégration de l’IA dans l’embarqué, le défi de la voiture totalement autonome reste encore bien éloigné. Le vice-président de Kalray, Stéphane Cordova le reconnaît : « Aujourd’hui tout le monde travaille sur la voiture autonome et tout le monde essaye de se rassurer mais tout le monde a réalisé que, pour arriver à ce qu’on a annoncé il y a trois ou quatre ans, avoir des voitures complètement autonomes sur la route en 2020, il y a une marche énorme à franchir. On va avoir des voitures qu’on peut dire intelligentes. »
Si la voiture autonome n’est pas pour demain, cela ne signifie pas une impasse pour l’IA embarquée et l’Europe a un coup à jouer selon les différents intervenants.
Pour Stéphane Cordova, « là où la France et l’Europe ont une valeur ajoutée, c’est que l’embarqué est un des domaines où elles sont fortes et compétitives, même face aux chinois et aux américains, et l’utilisation de l’IA dans l’embarqué va faire que la France et l’Europe vont devenir des acteurs majeurs dans ce monde de l’IA. »
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