Electronique : Et les cloneurs de puces montent en puissance
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Compaq, son premier client, vient de choisir le microprocesseur 486 d'AMD (Advanced Micro Devices) pour équiper sa nouvelle gamme de micro-ordinateurs Presario. Si elle ne remet pas encore en cause ses liens avec Intel, la décision du numéro1 mondial de la micro-informatique, a valeur de symbole. Elle risque de lever un tabou. D'autres fabricants, encore hésitants, pourraient bientôt lui emboîter le pas.
De son côté, Apple - qui utilise dans ses machines le Power PC, grand concurrent du Pentium d'Intel - autorisera le "clonage" de ses nouveaux Macintosh. L'objectif est clair: imposer au plus vite son standard et celui du microprocesseur Power PC (mis au point avec IBM et Motorola), en jouant l'effet de masse, face à l'association Intel-Microsoft... Et rompre ainsi la domination de celle-ci, qui "truste" plus de 80% du marché mondial des micro-ordinateurs.
La montée en puissance du front anti-Intel s'accélère. Les premiers clones du Pentium (la toute dernière puce d'Intel) arrivent sur le marché. NexGen - une "start-up" californienne où l'on retrouvre Compaq au tour de table - commercialise maintenant en grand volume ses microprocesseurs Nx586, dont la production est assurée par IBM. Cyrix - qui vient de tripler ses parts de marché en moins d'un an, grâce à ses microprocesseurs 486 - s'appête à lancer son nouveau microprocesseur M1, avec en ligne de mire le Pentium et l'objectif d'en vendre un million d'unités en 1995.
AMD, pionnier du clonage des puces d'Intel, accélère le développement de son K5, directement concurrent du Pentium, et en profite pour doper ses modèles existants. Sa nouvelle version de microprocesseur486, fonctionnant à 100MHz, atteint le même niveau de performances que les DX4 d'Intel ou Blue Lightning d'IBM.L'offensive contre les puces d'Intel est d'autant plus déstabilisante pour le numéro1 mondial du microprocesseur qu'elle arrive en plein bras de fer entre le Pentium et le Power PC pour s'imposer comme le futur standard mondial de la micro-informatique.Pris entre les appétits de concurrents aux dents longues et la grogne d'utilisateurs irrités, Intel voit l'étau se resserrer. Ce n'est pas la première fois. Mais aujourd'hui le mouvement est tel que le champion se doit de réagir.
Après avoir vendu 7millions de Pentium cette année, Intel prévoit d'en produire de 25 à 30millions en 1995 dans ses usines américaines et européennes, auxquelles 2,4milliards de dollars (près de 13milliards de francs) ont été consacrés cette année. En avril dernier, sentant la menace se préciser, Intel accélérait même son programme d'investissements industriels. Il annonçait la construction d'une nouvelle unité de production près de Phoenix (Arizona) pour un montant de 1,3milliard de dollars (7milliards de francs) Opérationnelle au début de 1997, cette usine produira les prochaines générations de microprocesseurs, en particulier le futur P6, qu'Intel devrait annoncer dès 1995.
La réponse d'Intel passe en effet par une accélération des annonces technologiques. Depuis qu'il caracole en tête, Intel maîtrise bien cette stratégie: attendre que ses concurrents se soient bien engagés, casser les prix, puis commercialiser sa nouvelle génération de puces. "En 1994, notre objectif est de faire en sorte que l'on trouve des ordinateurs au même prix qu'en 1993, mais équipés de processeurs deux fois plus puissants", déclarait Andy Groove, président d'Intel, à l'occasion de la sortie du Pentium. Le P6 devrait ainsi sortir à peine deux ans après le Pentium, et le P7 l'année suivante!
Pour efficace qu'elle soit, cette politique est coûteuse. Et elle ne peut que s'appuyer sur de solides parts de marché. Face aux appétits de ses concurrents et à la pression des fabricants de micro-ordinateurs, la marge de manoeuvre d'Intel va se restreindre.
Le bras de fer risque d'être difficile pour les challengers. Il conduira aussi le numéro1 mondial du microprocesseur à faire des concessions. En juin dernier, Intel et Hewlett Packard n'annonçaient-ils pas leur coopération pour développer une puce destinée à devenir le standard des stations de travail de demain?
Une puissance de 300millions d'instructions par seconde, une vitesse d'horloge supérieure à 200MHz grâce à l'intégration de 6millions de transistors sur quelques centaines de millimètres carrés de silicium:
les microprocesseurs de la prochaine génération seront des monstres de calcul. Mais la course à la performance est coûteuse. En deux ans, Intel a consacré près de 3milliards de dollars au développement de son futur P6, qui doit être annoncé en 1995. Les investissements s'alourdissent encore lorsqu'il faut passer à la production. Désormais, les usines qui fabriqueront les super-puces dépasseront le milliard de dollars l'unité. Les sommes font frémir. Elles ne rebutent pourtant pas les candidats, en particulier les start-ups américaines, même si elles sont obligées de faire appel à de grands groupes pour assurer leur production.
USINE NOUVELLE - N°2472 -