EDF: L'impact de la corrosion du nucléaire sera plus lourd que prévu
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\ 08h28
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Le producteur et distributeur d'électricité, détenu à 83,9% par l'Etat français, a indiqué dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi à jeudi que sa production nucléaire devrait s'établir entre 280 et 300 térawatts-heure (TWh) en 2022, contre un niveau de 295 à 315 TWh prévu précédemment.
L'impact négatif sur son bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (Ebitda) est désormais attendu à environ 18,5 milliards d'euros, contre une estimation de 14 milliards annoncée début mai.
Il s'agit de la troisième révision à la baisse des perspectives de production du groupe pour 2022 depuis le début de l'année. Pour 2023, la dernière prévision en date est inchangée, à un niveau compris entre 300 et 330 TWh.
Vers 10h15, l'action EDF reculait de 1,27% en réaction à ces annonces.
Après avoir détecté des phénomènes anormaux de corrosion, qui se traduisent par des fissures sur des tuyauteries de systèmes de sécurité, EDF a procédé ces derniers mois à l'arrêt ou à la prolongation d'arrêts de 12 réacteurs, sur les 56 que compte le parc français, pour réaliser des examens approfondis et procéder le cas échéant à des réparations.
Sur la base de ses premiers contrôles et simulations, le groupe a fait état jeudi d'un "développement lent de la corrosion" et de "l'existence d'une zone de compression qui bloque l'évolution du phénomène".
Ayant établi un programme de contrôles pour l'ensemble du parc nucléaire français, EDF considère à ce stade pour 2022 "qu'il n'est pas nécessaire d'anticiper de nouveaux arrêts de réacteurs pour réaliser ces contrôles".
DES DATES DE REDÉMARRAGES REPOUSSÉES DE PLUSIEURS MOIS
Il a cependant dû repousser les dates de redémarrage prévus d'une dizaine de réacteurs, parfois de plusieurs mois, ce qui explique la révision à la baisse de ses perspectives de production.
"La filière nucléaire fait preuve d'une mobilisation sans précédent pour remplacer les portions de circuits affectées par la corrosion sous contrainte sur les réacteurs concernés", a déclaré le groupe.
EDF a indiqué avoir lancé des demandes d'approvisionnements en tubes et coudes auprès d'aciéristes européens, avec l'objectif d'obtenir les premières pièces de rechange "avant l'été".
"L'ensemble des fournisseurs qualifiés pour réaliser ces activités prépare dès maintenant les interventions. Des dizaines de soudeurs ont bénéficié de formations et d'entraînements spécifiques afin de garantir une haute qualité de réalisation", a également indiqué le groupe.
Les échanges avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur le sujet se poursuivent, celle-ci devant valider la méthode proposée par EDF.
Mardi, le président de l'ASN a une nouvelle fois qualifié les défauts de corrosion de "sérieux", ajoutant que leur traitement passerait par un programme "de grande ampleur" et prendrait "plusieurs années", tout en indiquant que le problème ne semblait pas concerner la famille des 32 réacteurs de 900 mégawatts (MW) - les plus nombreux du parc français.
EDF, par ailleurs pénalisé par la décision du gouvernement l'obligeant à céder davantage de production nucléaire à ses concurrents pour limiter la hausse des tarifs, a dû procéder au début du printemps à une augmentation de capital de 3,16 milliards d'euros, à laquelle l'Etat français a souscrit à hauteur de 2,7 milliards environ.
Les difficultés du parc nucléaire fragilisent la stabilité du système électrique français dans son ensemble et contribuent à la hausse des prix de marché en Europe. Jeudi matin, selon les données compilées par Reuters, la disponibilité des réacteurs d'EDF ne s'établissait qu'à 52,7%.
(Reportage Benjamin Mallet et Camille Raynaud, édité par Jean-Michel Bélot)