Droit de la concurrence : les PME aussi
Si le droit de la concurrence demeure l’apanage des grandes entreprises dans son usage stratégique, tel n’est pas le cas dans son aspect répressif. De nombreuses PME, voire certaines ETI, ont encore à prendre conscience de ce risque, et de cette opportunité qui leur est offerte.
Qu’il s’agisse de pratiques commerciales, d’accords anticoncurrentiels expresses ou tacites, voire d’abus de position dominante, aucune disposition légale ne fait échapper les PME ou les ETI au droit de la concurrence. Cela tient au fait que cette règlementation retient comme critère d’application l’exercice d’une activité économique, et non pas le chiffre d’affaires de l’entité en cause, qui n’est pas un critère pertinent.
Concrètement, toutes les entreprises, quelles que soient leurs tailles, doivent respecter les règles relatives aux relations commerciales telles que l’obligation de communiquer leurs conditions générales de vente ou encore par exemple la prohibition de la rupture brutale de relations commerciales. Plusieurs centaines de décisions sont rendues chaque année par les tribunaux sur ce fondement, dont une majorité qui visent, y compris en tant qu’auteurs, des PME. De même, une visite sur le site internet de la Direccte montre que les PME et a fortiori des ETI peuvent être sanctionnées pour non respect des délais de paiement.
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Pratiques anticoncurrentielles
Les dernières décisions rendues par l’Autorité de la concurrence ou le ministre de l’Économie témoignent également de ce que même des entreprises "modestes" peuvent être condamnées pour des pratiques anticoncurrentielles (ententes anticoncurrentielles ou, plus rarement il est vrai, abus de position dominante). L’Autorité de la concurrence a par exemple condamné ces dernières années des PME du BTP, de pompes funèbres, d’arts de la table, de transport scolaire ou de paysagistes, dont les chiffres d’affaires varient entre 1 et 5 millions d’euros. Sans parler des ETI dont le chiffre d’affaires est compris entre 100 millions et un milliard d’euros, qui constituent "le cœur de cible" de l’Autorité. Tout au plus peut-on préciser que les parts de marchés de l’entreprise en cause peuvent également entrer en ligne de compte, mais dans deux cas seulement : (i) la soumission au droit des abus de position dominante est conditionnée par la détention d’une certaine part de marché (à titre indicatif, 50 % est généralement un marqueur important). Ce facteur n’exclue donc pas une PME, qui peut très bien être leader sur son marché. En outre, (ii) certaines ententes anticoncurrentielles "peu graves", et seulement celles-ci, peuvent échapper à condamnation si les entreprises qui les mettent en œuvre ont une part de marché. De même, les dernières décisions du ministre de l’Économie mises en ligne sur le site internet de la DGCCRF portent sur la condamnation d’entreprises d’ambulances, d’entretien de bâtiments, de travaux de menuiserie, etc., dont les chiffres d’affaires peuvent être inférieurs à 100 000 euros. Il faut dire que paradoxalement, les "petites entreprises" sont même statistiquement plus exposées au droit des ententes et des abus, car depuis 2008 le ministre de l’économie, via la Direccte, a le pouvoir de sanctionner lui-même les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros (alors qu’il ne peut que saisir l’Autorité de la concurrence pour les entreprises plus importantes).
Fiches pratiques
Or, la sanction pécuniaire prononcée en matière de pratiques anticoncurrentielles, même si elle n’atteint pas le plafond légal de 10 % du chiffre d’affaires, pèse toujours davantage proportionnellement sur une PME ou même une ETI. Et même ne s’agissant "que" des pratiques commerciales, les coûts d’une procédure peuvent s’avérer lourds pour une petite ou moyenne entreprise.
La situation actuelle est de ce point de vue assez regrettable : en tant que victimes, les PME ne mesurent pas suffisamment les outils que pourrait leur donner le droit de la concurrence. En tant qu’auteurs, elles ne sont pas nécessairement suffisamment équipées et informées pour mesurer les risques que leur font encourir certains comportements qu’elles mettent en œuvre, assez souvent en toute bonne foi. L’information est donc très importante en la matière, au travers des organisations professionnelles, ou au travers par exemple des sites officiels tels que celui de la Direccte et ses fiches pratiques.
Dans tous les cas, l’information et le conseil peuvent être rapidement rentabilisés par rapport aux risques encourus. Comme l’a dit, semble-t-il, J. F. Kennedy, l’ignorance coûte plus cher que l’information…