Dix énergéticiens alertent sur la défaillance du système énergétique européen
Face au triple échec de la politique énergétique de l’Union européenne, dix grands patrons d’énergéticiens viennent sous les fenêtres du Parlement, à Bruxelles, appeler à un changement de politique européenne.
C’est un tableau inédit que l’on a pu observer, ce vendredi 11 octobre, au musée des Beaux-Arts de Bruxelles. A quelques encablures du Parlement européen, sur une grande scène, dix PDG ont fait front commun. Ils dirigent les énergéticiens allemands RWE et E.on, les italiens Enel et ENI, le néerlandais GasTerra, les espagnols Iberdrola et Gas Natural, le Tchèque CEZ, le suédois Vattenfall et le français GDF Suez. A eux seuls, ils représentent 50 % de la production électrique en Europe, 30 % de la capacité en énergies renouvelables, 630 000 salariés, 213 millions de clients consommateurs, 600 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Ce rassemblement de force est là pour pousser l’Union européenne à changer la trajectoire de sa politique énergétique, qui enregistre, selon eux, un triple échec. "Ce n’est pas qu’un problème pour les industriels, c’est un problème pour tous les consommateurs", assène sévèrement Johannes Teyssen, PDG d’E.on. Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, juge même que le risque de black-out en Europe "n’a jamais été aussi important".
VOS INDICES
source
Un système défaillant d’ici 10 ans
Le premier échec porte sur la compétitivité. En quatre ans, la facture électrique des particuliers a grimpé de 17 %, celles des industriels de 21 %. La raison : le financement des énergies renouvelables. "Comment rêver d’une renaissance industrielle en Europe avec de tels prix", s’inquiète Paolo Scaroni. Le PDG d’ENI appelle à mener une révolution du gaz de schiste comme le tente le Royaume-Uni.
Deuxième échec : la réduction des émissions de CO2. Elles ont crû de 2,4 % entre 2011 et 2012. Les importations de charbon américain à bas coût en sont la première cause, sans compter le recours massif à la lignite en Allemagne. Le maintien de la sécurité d’approvisionnement est un troisième échec. 51 000 MW de centrales à gaz (l’équivalent de 50 réacteurs nucléaires), nécessaires pour passer les pointes de consommation électrique, ont été fermés ces dernières années. Les centrales à gaz, même les plus récentes, sont trop peu rentables face à la distorsion sur les marchés de gros que créent les tarifs de rachat de l’électricité d’origine renouvelable. Fulvio Conti, PDG d’Enel, juge que sous dix ans les systèmes européens pourraient devenir défaillants.
Stopper les subventions aux renouvelables
"Nous ne sommes pas là pour défendre l’ancien monde... La transition vers un système décentralisé est irréversible", affirment les grands patrons. "Nous réunissons le plus grand producteur d’électricité à partir de charbon et de lignite, RWE, et le premier producteur d’électricité renouvelable, Iberdrola. Pourtant, nous avons tous décidé de réfléchir à ce qui serait bon pour l’Europe", explique Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, à l’origine de cette initiative.
"On ne demande pas de subventions. Au contraire, on demande de les arrêter pour les énergies renouvelables matures, éolien et photovoltaïque, et de les concentrer sur des secteurs d’avenir comme le stockage, la capture du carbone… Il nous faut aussi un signal clair sur le prix du carbone. Le système des quotas de CO2 s’est effondré, il faut retrouver une visibilité à long terme. Sans cela, il n’y a pas d’investissements possibles", ajoute le dirigeant.
Entre mai et octobre, Les grands patrons ont adressé des propositions au Parlement européen, ils ont été reçus par des chefs d’Etat, dont François Hollande, et par la Commission européenne. Pour autant, ils continuent à porter leur message. "Nous disons aux chefs d’Etat que nous avons surmonté nos différences. Faites pareil, gommez vos différences !", lance Gérard Mestrallet. Sachant que la Commission ne pourra pas tout faire seule, il appelle à ce que des pays fassent les premiers pas, en jetant un regard appuyé sur le couple Franco-Allemand. Les PDG veulent obtenir des décisions rapides sur la sécurité d’approvisionnement. Et visent notamment les prochains grands sommets européens de février et mars 2014.
A Bruxelles, Ludovic Dupin
1Commentaire
Réagir