Des bois tropicaux “Fair & Precious”

L’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) a annoncé, le 8 novembre, le lancement d’une marque pour promouvoir les bois tropicaux légaux et/ou écocertifiés.

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Des bois tropicaux “Fair & Precious”

Rouge pâle de l’Okoumé, rouge brun du Sapelli, brun gris de l’Ipé ou de l’Azobé vieilli… Il est difficile de voir les choses en noir et blanc dans les forêts d’Afrique centrale. Quand on sait d’où viennent les producteurs de bois tropicaux du bassin du Congo, tant en termes de responsabilité environnementale et sociale que de communication, on ne peut que se féliciter de la démarche menée actuellement par l’ATIBT pour promouvoir les bois légaux et écocertifiés. Mais du chemin reste à faire pour convaincre les ONG et les acheteurs de la crédibilité de cette appellation "Fair & Precious".

Une marque-ombrelle…

L’association, qui représente des producteurs de bois tropicaux travaillant majoritairement dans le bassin du Congo, a annoncé le 8 novembre à Nogent-sur-Marne la création d’une marque pour promouvoir une filière bois tropicaux "plus forte et plus responsable", avec l’aide financière de l’Agence française de développement et de la Comifac (Commission des forêts d’Afrique centrale). Elle met en avant dix critères, allant de la responsabilité climatique à la responsabilité sociale et économique envers les communautés locales. L’un des plus innovants de ses axes de travail étant la recherche et la promotion des bois alternatifs, pour augmenter la rentabilité des exploitations tout en évitant la concentration de la demande sur quelques essences, dont il devient alors plus difficile de préserver le renouvellement.

Pourront se réclamer de cette marque les bois issus de forêts écocertifiées (label FSC, le PEFC n’étant pas encore implémenté en Afrique), mais aussi de façon temporaire ceux bénéficiant déjà d’un certificat de légalité (OLB de BureauVeritas ou VLO/VLC de Rainforest Alliance) et dont les producteurs se sont engagés à mener dans les cinq ans une démarche d’écocertification. C’est là que le bât blesse.

… pas si couvrante que ça

Bien que de bonne volonté, l’ATIBT n’a pas encore fixé le moyen par lequel elle vérifiera le bon respect de cet engagement, ni comment elle gèrera la différence entre les critères que couvrira l'appellation Fair & Precious des nouveaux arrivants (pour lesquels la légalité suffira) et ceux des exploitants qui n’auront pas réussi à se faire écocertifier dans les cinq ans. Ce qui ouvre la voie aux critiques des ONG, "indispensable caution si vous ne voulez pas rester un lobby professionnel", assène Jean-Jacques Landrot, consultant et ancien président de l’ATIBT. "Le WWF, les Amis de la Terre et les autres sont-ils prêts à se bagarrer pour vous ?" A dire vrai, pas encore.

Si les relations entre forestiers et ONG se sont nettement améliorées au fil des décennies, elles partaient de très bas. Greenpeace, notamment, a multiplié les campagnes contre leurs activités et dénonçait encore en mai 2017 l’implication de l’AFD dans le développement d’une industrie forestière en République démocratique du Congo après un long moratoire (qui n’a pas totalement empêché les attributions de concessions). D’ailleurs aucune d’entre elles n’était présente au lancement de Fair & Precious ce 8 novembre, hormis les représentants du Forest Stewardship Council (FSC), lui aussi objet de critiques (de moins en moins) car il réunit organisations environnementales, communautés autochtones et professionnels du bois.

Une route forestière semée d'embûches

"Les choses ont changé en vingt ans. Aujourd’hui le grand public ne sait pas que nous prélevons un à deux arbres à l’hectare en rotations de 25 à 30 ans par zone. Les arbres jeunes et les semenciers sont laissés sur pied", affirme Robert Henink, président de l’ATIBT. "Nous avons 5 millions d’hectares certifiés FSC en Afrique". Lui défend la faisabilité du projet Fair & Precious précisément parce qu'il ne réclame pas la mise en place d’un long et fastidieux processus de contrôle, mais s’appuie sur des certifications existantes.

Dans plusieurs pays d’Afrique centrale, il a longtemps été possible de payer son certificat de légalité. La législation et son implémentation ont depuis beaucoup évolué, jusqu’à devenir assez drastiques. Mais il reste plusieurs freins au contrôle de la préservation de la forêt du bassin du Congo.

La très grande diversité de pratiques selon les acteurs, les plus respectables pâtissant des mauvais élèves, pénalise le secteur. "Nous sommes peu nombreux à être certifiés dans le bassin du Congo, et d’autres ont encore de gros efforts à faire", rappelle Francis Rougier, du groupe Rougier. Cet exploitant forestier depuis près de 100 ans, qui travaille en Afrique depuis plus de 60 ans, fut parmi les premiers à faire certifier ses concessions. La corruption, loin d’être éteinte, fait qu’il faut parfois encore payer… pour obtenir un certificat de légalité auquel on est éligible. Les concessions sont encore parfois attribuées à celui qui fait le plus gros chèque, et à ce jeu les plus vertueux sont les perdants, tant face à des homologues moins scrupuleux que face à des projets agricoles de grande ampleur, en monoculture, dont le rendement à l’hectare est de très loin supérieur à celui d’une exploitation forestière. "Effectivement, nous courons le risque d’être remplacés, demain, par des exploitants moins vertueux", alerte Stéphane Glannaz, directeur commercial de Precious Woods.

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