Délais de paiement, ce n'est pas encore gagné

Selon les PME, l’application de la nouvelle loi sur les délais de paiement est encore imparfaite, malgré une réduction de près de dix jours des encaissements.
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Délais de paiement, ce n'est pas encore gagné

Un an après son entrée en vigueur, la loi de modernisation de l’économie (LME) affiche un bilan mitigé. Une réduction moyenne de dix jours jours a bel et bien était enregistrée. Mais elle masque la multiplication de certaines dérives commerciales. Depuis un an, le volet délais de paiement de la LME impose aux clients de payer leurs fournisseurs au plus tard à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours nets après l’émission de la facture. « Le résultat est globalement positif. Dans la mécanique, 80% des entreprises sont payées plus tôt », se réjouit Yves Blouin, le responsable juridique de la Fédération de la mécanique (FIM).

Selon l’assureur-crédit Euler Hermès, les délais de paiement clients et fournisseurs, tous secteurs confondus, se sont réduits en moyenne de huit à dix jours en 2009. La pratique française resterait toutefois au-dessus des soixante jours légaux, preuve que «la LME n’est pas encore complètement appliquée», souligne l’assureur- crédit. Les entreprises de la mécanique auraient même gagné dix-sept jours de crédit fournisseur. Dans la sous-traitance automobile, où les délais de paiement s’établissaient très souvent audelà des quatre-vingt-dix jours voire cent-vingt jours pour certaines entreprises, le gain serait encore plus important. Trente jours en moyenne pour les entreprises du décolletage ou vingt-six jours pour le traitement de surface, selon la FIM. « Les constructeurs et les équipementiers jouent maintenant le jeu, après avoir traîné les pieds pendant les premiers mois de 2009 », souligne Jérôme Frantz, le PDG de Frantz Electrolyse, un sous-traitant automobile. Un bol d’air pour la trésorerie des PME forcées jusque-là de jouer le rôle de banquiers de leurs grands clients.

Le renforcement des contrôles n’est pas étranger au résultat positif de la loi. La brigade spéciale LME de 120 fonctionnaires de la DGCCRF a déjà effectué 1100 contrôles depuis l’automne. Mais 10% des entreprises visées sont toujours hors la loi. De quoi « relativiser le succès que prête le gouvernement au dispositif de la LME », critique le député Patrick Ollier (UMP), qui vient de remettre mi-février un rapport très mitigé sur le bilan de la première année de la loi, qu’il juge « insuffisant ».

Les risques de dérive les plus grands pèsent sur les grandes entreprises, peu pressées de changer leurs pratiques. « Les rapports de force entre les donneurs d’ordres ou les distributeurs et leurs fournisseurs n’ont pas été modifiés. Rien n’a changé. Les relations sont toujours aussi tendues », souligne Thierry Charles, le juriste de la Fédération de la plasturgie. « Les PME sont victimes de chantage. Si elles n’acceptent pas les conditions imposées par le grand compte, on les menace de s’adresser à l’un de leurs concurrents à l’étranger, non soumis aux délais de paiement français », reprend Frédéric Grivot, le vice-président de la CGPME. Selon un sondage du syndicat, 32% des PME affirment qu’un de leur client a retardé l’émission du bon de commande pour repousser son règlement, tandis que 13%se sont vu demander des gestes commerciaux.

Depuis plusieurs semaines, les fédérations professionnelles ont commencé à recenser les points de difficulté.
Dans les SSII, le Syntec informatique critique l’augmentation des demandes de baisse de prix pour compenser les délais raccourcis. Autre méthode de contournement de la loi, certaines entreprises ont décalé les phases de paiement d’équipements industriels. De 30% versés en acompte et 10% à la réception finale après une centaine d’heures de fonctionnement, le paiement est versé 10%en acompte et 40 % au final.

En Auvergne, un industriel de la métallurgie attend depuis trois mois d’être payé par un grand compte, au motif que son compte fournisseur n’a pas été créé. « Un autre prétexte d’un mauvais numéro de facture. Les donneurs d’ordres jouent un jeu dangereux car beaucoup de petits fournisseurs sont au bord de l’asphyxie », peste l’industriel, qui observe un accroissement des dérives des règlements clients depuis février.

« Il y a une tendance à essayer de générer des retards de paiement. Le plus classique, c’est de créer un faux litige pour reporter la date de la facture », concède Jean-Louis David, le directeur général de l’Association française des crédit-managers (AFDCC).

Autre effet négatif sur la trésorerie des PME, la réduction des délais de paiement a aussi conduit à changer les pratiques de gestion de stocks. Les « stocks consignés », dont le coût est assumé par le fournisseur, ont tendance à se développer. Enfin, le rapport parlementaire pointe une autre source d’inquiétude : l’impact des accords dérogatoires concédés à trente-neuf secteurs, comme l’optique ou le jouet où le roulement des stocks est particulièrement long. Dans ces secteurs, qui représentent 20%de l’économie, la réduction des délais doit s’étaler jusqu’en 2012.

Or, le statut particulier accordé début janvier au secteur du livre, qui échappe à la LME, a créé une brèche dans le système. « C’est un précédent moche. Qui nous dit que des secteurs ne vont pas faire du chantage pour obtenir la même chose? », regrette Jean-Louis David. Le bricolage, déjà concerné par un accord dérogatoire, est sur les rangs pour réclamer un statut spécifique. « On devrait profiter de l’année pour rappeler notre spécificité », souligne la Fédération des magasins de bricolage. Elle prépare déjà son lobbying.

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