DCNS s'engage pour remporter le méga-contrat des sous-marins australiens
Pour remplacer la flotte vieillissante de 12 sous-marins de la marine australienne, trois industriels, le Français DCNS, l'Allemand TKMS et un consortium soutenu par le gouvernement japonais, ont déposé une offre qui les engage. Le niveau de création d’emplois dans les chantiers navals australiens sera un des éléments clés de la décision du gouvernement local. Le montant du contrat est estimé à plus de 30 milliards d’euros.
Mis à jour
30 novembre 2015
Barracuda DCNS
Pour les fabricants de sous-marins, c’est le contrat du siècle. L’Australie a lancé une compétition pour le renouvellement de sa flotte, de Collins vieillissants de conception suédoise qui devraient quitter le service d’ici 2025. La pays serait prêt à acheter entre 6 à 12 sous-marins pour un montant qui pourrait atteindre 30 milliards d’euros.
Après leur pré-sélection au printemps dernier, seuls trois groupes ont déposé une offre engageante le 30 novembre dernier. Le français DCNS sera ainsi opposé à son rival de toujours, l'allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) et à un consortium japonais regroupant Kawasaki et Mitsubishi.
Les candidats seront départagés selon six critères: le design des sous-marins, leur coût, l’organisation industrielle associée pour les produire, leur maintenance sur trente ans et la capacité d’intégrer un système de combat américain. Enfin le prix sera bien sûr un élément déterminant de l’offre.
La Royal Australian Navy exige un sous-marin de la gamme des 4000 tonnes et plus capable d’opérer de longues missions océaniques. Sur le plan industriel, Canberra n’écarte aucune option : une production "on-shore" (c'est-à-dire locale), "off-shore" (entièrement à l’étranger) ou un mix des deux, où le premier exemplaire pourrait être par exemple produit chez le fournisseur et le reste dans un chantier naval australien. Elle a demandé à chacun des candidats de plancher sur les trois scénarios. Ils doivent remettre leur copie définitive fin novembre. L’Australie sélectionnera ensuite un fournisseur exclusif d’ici le premier semestre 2016 pour des premières livraisons estimées d’ici 2026.
Les nouvelles ambitions japonaises dans la défense
Le consortium japonais, outsider de cette compétition, pourrait créer la surprise. Il devra surmonter toutefois un handicap majeur : le pays n'a jamais vendu de sous-marins à une marine étrangère. Il faut dire que depuis 1947, le pays du Soleil-Levant s’est doté d’une constitution pacifiste. Mais avec les tensions croissantes en Mer de Chine, la troisième puissance économique mondiale souhaite opérer son retour sur la scène militaire.
Le Japon augmente son budget de défense de manière significative et se dit désormais prêt à participer à des opérations militaires internationales. Un tel contrat serait donc l’opportunité de s’imposer comme un nouvel acteur qui compte parmi les nations exportatrices de systèmes d’armement. Sur le plan technique, les Japonais n’ont rien à envier à leurs concurrents européens. Le consortium réunissant Kawasaki et Mitsubishi dispose d’un produit qui conviendrait aux Australiens avec leur sous-marin Soryu, réputé comme pour son électronique extrêmement avancée.
Cela suffirait-il à perturber le grand duel qui s’annonce entre les deux favoris ? Pas sûr. Les deux grands rivaux européens se taillent une part significative du marché mondial des sous-marins conventionnels. DCNS a remporté récemment des contrats au Brésil et en Inde ; TKMS en Italie, en Israel, en Turquie, en Colombie et plus globalement auprès d’une vingtaine de marines étrangères depuis 1960.
A chaque fois, la compétition est rude entre les deux concurrents et chacun est obligé d’associer à ses contrats d’importants transferts de technologies et une production locale.
Face à TKMS, DCNS jouit pourtant d’un atout technique. Spécialiste des sous-marins dans la gamme des 2000 tonnes, l’Allemand n’a jamais produit un sous-marin de 4000 tonnes. "Lancer un nouveau programme de sous-marins comporte toujours un risque. Les grandes difficultés du constructeur espagnol Navantia, qui essaye de mettre au point ses propres sous-marins, montre que cela requiert un haut niveau d’expertise", explique un spécialiste des industries de défense.
Toutefois, avec une première livraison attendue en 2026, l’industriel allemand a parfaitement le temps de surmonter d'éventuelles difficultés. Et l’opportunité d’attaquer un nouveau segment de marché pourrait démultiplier l’ambition et la mobilisation des moyens chez TKMS.
Visite d'une délégation australienne à Cherbourg
A contrario, sur ce segment de marché, DCNS produit les six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda justement dans la gamme des 4000 tonnes pour la marine française. La France ainsi ne s’est pas privée d’inviter en avril dernier une délégation du ministère australien de la défense aux chantiers de Cherbourg afin de voir l’avancement de l’assemblage des Barracuda et les moyens industriels mobilisés. Effet garanti.
"Le premier exemplaire sera livré à la DGA (Délégation générale de l’armement, ndlr) en 2017. Si nous sommes retenus par l’Australie, nos SNA seront déjà en service quand on commencera la construction pour la marine australienne. Les Allemands n’auront encore qu’une offre de papier", souligne une source tricolore.
DCNS propose donc le Shortfin Barracuda, une version conventionnelle et raccourcie de son sous-marin à propulsion nucléaire. "Si le Shortfin Barracuda est sélectionné, il sera en service jusqu’en 2060. Et sa plate-forme sera mise à jour avec de nouvelles technologies développées en France et en Australie", a précisé Sean Costello, directeur de DCNS Australie.
Canberra sera très attentif à la création d’emplois sur son sol. Une donnée largement prise en compte par TKMS et DCNS. La filiale australienne de DCNS estime que le projet pourrait créer environ 2900 emplois dont 70% voire 90% dans les chantiers navals d’Adélaïde, dans le sud de l’Australie, en fonction du niveau d’externalisation.
Il a toutefois prévenu que les coûts et les délais grimperaient avec le taux d’externalisation du chantier. L’industriel français serait déjà entré en contact avec plus de 400 sous-traitants locaux pour bâtir son offre.
DCNS n'avance pas seul
Dernier carte dans le jeu tricolore : le soutien étatique. Au plus haut niveau de l’état, on mouille la chemise. Le 22 septembre dernier, en marge des discussions de préparation de la conférence pour l’environnement de la COP21, François Hollande avait accueilli Malcolm Turnbull, le premier ministre du Commonwealth d’Australie soulignant alors que "la France et l’Australie partageaient de grandes convergences de vue sur l’ensemble des questions internationales et luttent ensemble contre le terrorisme en Irak et en Syrie".
Le président de la République avait déjà effectué une visite d’Etat en novembre 2014, la première d’un président français en Australie.
Mobilisée, "l’équipe de France de la Défense" a déjà montré son efficacité notamment lors de la vente des Rafale et d’une frégate multimissions à l’Egypte en début d’année.
Là encore, DCNS n’avance donc pas seul en Australie. La DGA et l’ensemble du ministère de la Défense ont déjà fait savoir qu’ils étaient mobilisés pour soutenir l’offre française portée par DCNS et Thales. "La France est rompue à travailler dans le cadre de coopérations dans un domaine aussi sensible que celui des sous-marins. La DGA et la Marine Nationale proposent à l’Australie une coopération au niveau des gouvernements sur la conduite du programme et la maitrise des risques et du calendrier, sur la coopération opérationnelle entre marines et sur des travaux de R&D communs", confie-t-on à la DGA.
Le contrat australien s'annonce comme une compétition de longue haleine pour DCNS, à l'image de celle engagée par Dassault en Inde avec le Rafale.
Hassan Meddah
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